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repos. Ces paroles font voir clairement, que les premiéres exemptions du droit de vifité obtenues par les moines,ont été accordées pour empêcher le trouble que ces vifites caufoient quelquefois dans les monaftéres. Le refpect que l'on avoit pour des folitaires, dont la vie tenoit plus de celle des Anges que de celle des hommes, engageoit les Papes & les Evêques eux-mêmes à accorder ces exemptions aux monaftéres, pour ôter aux faints habitans de ces retraites, toute occafion de fe diftraire. On vouloit que rien ne leur fit perdre cet efprit de recueillement, fi néceffaire pour converfer avec Dieu dans la prière, & pour fervir avec ferveur. On exige pour condition, dans le privilége de faint Denys dont nous ve nons de parler, que la pfalmodie y foit perpétuelle jour & nuit. Le privilége qui eft daté de Clicoi, (maintenant Clichi) eft foufcrit du Roi, de fon Referendaire ou Chancelier," de vingt-quatre Evêques & de plufieurs Seigneurs. Cette grande affemblée d'Evêques & de Seigneurs eft comptée entre les Conciles.

La conformité de ce privilége avec celui que rapporte Marculfe, fait croire qu'il vivoit dans le feptiéme fiécle. Marculfe étoit un moine qui par l'ordre de l'Evêque Landri, qu'on croit être faint Landri de Paris, fit un recueil de formules des actes les plus ordinaires, qu'il divifa en deux livres, dont le premier contient principalement les Chartes Roiales, & le fecond contient les actes qui le paffoient entre particuliers en chaque païs. On peut beaucoup apprendre dans ce recueil, pour les antiquités eccléfiaftiques. La premiére formule eft celle d'un privilége accordé à un monaftére par l'Evêque Diocélain. L'Evêque promet de don

le

iremen

cord

ner les Ordres, à celui que l'Abbé & la com→ munauté lui préfentera pour en exercer les fonctions dans le monaftére; de leur donner es pour Abbé celui qu'ils auront choifi; de n'exercer aucun pouvoir fur les biens du monaftére; de fe contenter, quand il y entrera à la prière des moines, d'un repas modefte. Les moines feront corrigés par l'Abbé, finon l'Evêque y tiendra la main. Ce privilége tend plutôt à garantir les moines des entreprises injuftes des mauvais Evêques, qu'à les fouftraire à la jurifdiction des bons, & c'eft néamoins l'origine de leurs exemptions. La feconde formule eft la confirmation du Roi, qui tend à empêcher l'ufurpation des biens du monastére. La troifiéme eft l'immunité accordée à une églife, & la conceffion de plufieurs droits. Il y en a touchant l'élection des Evêques. On y voit la requête du peuple qui demande au Roi de donner pour Evêque un tel, dont ils connoiffent le mérite. On y voit auffi les ordres que le Roi donnoit au Métropolitain de facrer un tel Evêque, qu'il dit avoir choifi de l'avis des Evêques & des Grands. Ces derniéres formules marquent moins le droit que le fait, & font voir ce que les Rois commen çoient à faire contre toutes les régles. Les donations faites aux églifes devoient être infinuées comme les autres, & l'on voit la forme de l'infinuation felon la Loi Romaine. Les Evêques, aux principales fêtes, envoioient des Eulogies aux autres Evêques, aux Rois, ou à leurs amis, & ces Eulogies étoient du pain qu'ils avoient beni ou quelque autre petit préfent. Marculfe rapporte la formule des lettres qui les accompagnoient. Il rapporte auffi les lettres de recommandation, que les Evê

M

ques donnoient à ceux qu'ils envoioient loin, ou qui alloient en pélerinage ou ailleurs, & une recommandation à l'Abbé pour celui qui vouloit s'engager dans fon monaftére.

L'exemple de Marculfe fait voir qu'il y avoit dès-lors des moines emploiés dans les affaires temporelles, du moins pour en écrire les actes: car la plupart de ces formules font de ce genre. C'étoit l'effet de l'ignorance des laïcs, qui étoient prefque tous ou ferfs ou barbares.

ARTICLE VIII

Auteurs Eccléfiaftiques du feptiéme

Siécle.

i.

1

s. Ifidore de Seville.

T

Oute la famille de faint Ifidore avoit fouffert l'exil pour la défenfe de la divinité de Jefus-Christ. Saint Leandre fon frere avoit été le plus grand ornement de l'églife d'Efpagne à la fin du fixième Siècle. Il avoit écrit contre les Ariens & compofé une régle monaftique. Dieu s'étoit fervi de lui pour inftruire le Roi Recaréde dans la Religion Ca tholique. Saint Ifidore étoit animé du même efprit que faint Leandre fon frere, & il lui fuccéda dans le Siége de Seville l'an 597. Il gouverna cette églife pendant près de quarante ans; & pendant un fi long Epifcopat, il fit des biens infinis en Espagne. Il étoit l'ame des Conciles de Tolede qui fe tinrent pendant fa vie, & répandoit partout la lumière par

rofes Ecrits. Quand il fe vit près de fa fin, il augmenta tellement fes aumônes, que pendant fix mois, on voioit une foule de pauvres fchez lui depuis le matin jufqu'au foir. Sentant qaugmenter fon mal, il fortit de fon logis avec deux Evêques qu'il avoit prié de le venir voir, alla à l'églife de faint Vincent, fuivi d'une multitude de clercs, de religieux & de peuples: qui jettoient des cris capables de fendre les cœurs. Etant arrivé dans l'églife, il fe tint au milieu du choeur, devant le baluftre de l'Autel, & fit retirer les femmes plus loin. Un des Evêques le couvrit du cilice, un autre de la cendre. Saint Ifidore étendant enfuite les mains au ciel, fit tout haut fa priére pour demander le pardon de fes péchés. Après cette confeffion, il reçut de la main des Evêques le Corps & le Sang de Notre-Seigneur, il fe recommanda aux prières de tous les affiftans, leur demanda pardon, remit les obligations à fes débiteurs, recommanda à tous la charité mutuelle, & fit diftribuer aux pauvres ce qu'il lui reftoit d'argent. C'étoit le Samedi-Saint. Etant retourné à fon logis, il mourut en paix quatre jours après, l'an 636. le Jeudi de Pâques quatriéme Avril.

Braulion, Evêque de Sarragoce, nous a laiffé l'éloge de faint Ifidore, ou il dit: Je crois que Dieu l'a fufcité dans ces derniers temps, pour relever l'églife d'Espagne, la rétablir, & nous empêcher de tomber dans une entiére ignorance. En effet, faint Ifidore laissa un grand nombre d'Ecrits, qui ne font guéres que des extraits des anciens, & qui montrent plus d'érudition que de choix. Le plus grand Ouvrage & le plus célébre eft celui des Origines ou Etimologies, compofé à la prière du

même Braulion, qui le divifa en vingt li vres; car faint Ifidore l'avoit laiffé imparfait. Il traite de prefque tous les arts & de toutes les fciences, commençant par la grammaire & les autres arts libéraux. Il donne de chaque chofe de courtes définitions accompa gnées d'étimologies, qui ne paroiffent pas toujours heureufes. Mais on y apprend le vrai fens de plufieurs mots Grecs & Latins dont la tradition étoit encore vivante.

L'Ouvrage le plus utile par rapport à la difcipline, eft celui des offices ecclefiaftiques. Il décrit toutes les heures & toutes les par ties de l'office, qui font les mêmes qu'au jourd'hui, & attribue les hymnes à faint Hilaire & à faint Ambroife. Il marque fept priéres du Sacrifice, qui fe trouvent encore dans le même ordre dans la Meffe Mofarabique, qui eft l'ancienne Liturgie d'Espagne dont faint Ifidore eft reconnu pour le princi pal auteur. Ele commence, corame la nôtre, par l'Introite, avec quelques verfets du Pleaume, enfuite Gloria in excelfis, excepté pen dant l'Avent & le Carême, & la premiére Oraifon. Enfuite une prophétie ou fecture de l'ancien Teftament: un Graduel, l'Epitre & l'Evangile, après lequel on chante Alleluia. Alors fe fait l'offrande, que le Prêtre accompa gne de quelques priéres femblables aux nôtres, Enfuite on chante l'offertoire, & jufques-là c'eft la Meffe des Catéchumenes. Le Prêtre aiant lavé fes mains, & dit l'oraifon fecrette, falue le peuple, & dit à haute voix l'oraifon qui eft le commencement de la Meffe des Fidéles. C'eft une exhortation au peuple, pour célébrer faintement la fête, après laquelle le peuple dit trois fois Agios, c'est-à-dire Saint, en Grec.

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