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Flegire,

dans l'Arabie Petrée où les étrangers n'alloient gueres à caufe de la fterilité du païs, & de la difficulté de naviger fur la Mer rouge. C'est la province où l'ufage des lettres étoit le plus nouveau. Mahomet lui-même ne favoit ni lire ni écrire. Avant que les Arabes euffent l'ufage des lettres, ils ne confervoient leurs généalogies & leurs hiftoires, que par des vers, comme toutes les autres nations ; mais ces traditions n'étant point fixées par l'écriture, étoient mêlées de quantité de fables. Outre leur poëfie, ils avoient une efpéce d'éloquence, qui confiftoit en des pensées brillantes, des figures hardies, & quelque cadence de périodes.Mais rien de folide ne foutenoit ces discours, qui n'avoient ni ordre, ni jufteffe de raifonnement. Cependant comme Mahomet excelloit dans cette forte d'éloquence, & qu'il avoit affaire à des gens fort ignorans, il leur perfuada ce qu'il voulut: car il parloit d'une maniére proportionnée à leurs idées & à leurs préjugés. Les Juifs & les Chrétiens leur préchoient depuis long-temps l'unité de Dieu; les Sabéens mêmes reconnoiffoient un premier être fouverainement parfait. Le vin eft rare dans ce païs ftérile où on l'apporte de fort loin, & la chaleur fait que l'on y eft plus fobre. La circoncifion, les ablutions fréquentes, le péJerinage à La Mecque étoient des traditions an-ciennes chez les Arabes. On étoit accoutumé à voir prier les chrétiens fept fois le jour & une partie de la nuit, jeûner le Carême, païer la dixme & faire d'abondantes aumônes. Il ne reftoit prefque plus que d'abolir chez ces peuples. l'idolâtrie, déja éteinte dans tout l'Em pire Romain, & décriée par tout le monde.

Mahomet ne laiffa pas de trouver beaucoup

T

des ?

d'oppofition fur-tout de la part des Corifiens..
On le traitoit d'infenfé, de démoniaque &.
d'impofteur, & fur-tout on lui demandoit des
miracles pour preuve de fa miffion. Il répon-
doit les miracles viennent de Dieu : les hom-
mes ne fçavent pas quand il les fera paroître.
Quand ils verroient des miracles, ils ne fe
convertiroient Il difoit qu'il n'étoit en-
pas.
voić que pour prêcher la parole de Dieu; que
Dieu avoit fait affez de miracles par Moyle,
par Jefus, & par les autres Prophétes. Enfin
il fe jettoit dans fes lieux communs de la
puiffance de Dieu, du jugement, de l'enfer, &.
du paradis. Les Corifiens, après s'être déclarés:
contre Mahomet, le profcrivirent enfin par un
écrit affiché dans le temple de La Mecque. Sa
doctrine avoit déja fait quelque progrès dans
le refte de l'Arabie, particulierement à Yatrib',.
ancienne ville de commerce, environ à foixan-...
te lieues de La Mecque, du côté de l'Egypte.
& de la Syrie. Mahomet voulut donc s'y re-
tirer, pour s'y mettre à couvert de fes ennemis,
& il envoia devant lui fes difciples. C'est cette
retraite fameufe, que les Mufulmans nom-
ment l'Hegire, c'elt-à-dire, la perfécution,
& depuis laquelle ils comptent leurs années...

Elle commence le feiziéme de Juillet l'an 622.
de Jefus Chrift. Ils donnent à Yatrib le nom
de ville du Prophéte, dans leur langue Medi-
nat-al-nabi. Elle eft connue fous le nom fimple
de Medine. Depuis cette retraite, le parti de
Mahomet fit des progrès furprenans. Il avoit
d'abord pris les armes & levé des troupes avec
lefquelles il defit plufieurs fois les Juifs, &
les Corifiens, qui firent enfin, trêve avec lui
La fixieme année de l'Hegire. La même année
fes difciples àrquicon donna le nom de Mu

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Succefleurs de Mahomet. Conquêtes des Mufulmans.

fulmans le reconnurent pour Seigneur, & ch firent la cérémonie fous un arbre. Car il ne prétendoit pas feulement leur enfeigner la Religion, mais encore être leur Prince, comme leur Prophéte. Il leur permit la pluralité des femmes & il leur en donna l'exemple. Il re commanda l'éducation des enfans & le foin des orphelins, régla les fucceffions, ordonna d'écrire les contrats & d'y garder la bonne foi Il fit plufieurs loix pour garder la difcipline militaire, & touchant le partage du butin. La justice qu'il y observoit lui attira fans doute beaucoup de fectateurs. La huitiéme année. les Corifiens aiant rompu la trêve, Mahomet marcha contre eux avec une armée de dix mille Musulmans, entra dans La Mecque fans ré fiftance, & y fut reconnu pour Prophéte & pour Souverain. Il fe contenta de faire mour rir fes plus grands ennemis. Il fit toujours fa réfidence à Medine, & revint feulement à La Mecque en pélerinage. Enfin l'onzième année de l'Hegire 631. de Jefus Chrift, ce fameux impofteur mourut âgé de foixante trois ans, ne laiffant d'un grand nombre de femmes, que Phatima femme d'Ali fon coufin. fils d'Aboutalib. Mahomet avoit conquis presque toute l'Arabie, & étendu fa domination à qua tre cens lieues de Medine, tant au levant qu'au midi.

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Le même jour que Mahomet mourut, les Mufulmans reconnurent pour fon fucceffeur Aboubecre un de fes premiers fectateurs. Il prit le titre de Calife, c'eft-à-dire, vicaire, ou lieutenant, fe difant le vicaire du Prophe te. Ce fut lui qui recueillit en un feul volume Alcoran, que Mahomet avoit fait écrire en divers temps & en diverses lieux felon les où--

re. Ca

cafions, & qui n'étoit que fur des feuilles vo❤ lantes & dans la mémoire des Mufulmans qui l'apprenoient par cœur. Aboubecre étoit âgé de plus de foixante ans, & il n'en regna que pdeux. On louoit fur-tout fon défintereffement &fon équité. Tous les Vendredis, qui font pour les Mufulmans les jours de repos, il leur diftribuoit tout l'argent du tréfor public, & ne feréfervoit pour chaque jour qu'environ vingtquatre fols de notre monnoie. Il y eut d'abord quelques révoltes à appaifer, fur-tout de la part de trois nouveaux prétendus prophétes, mais ils furent défaits, & leurs partis diffipés. Pendant les deux ans que regna Aboubecre, il fit de grandes conquêtes. Vers l'Yrac qui eft: l'ancienne Caldée, il fubjugua les Arabes fu jets des Perfes ; & vers la Syrie, il fe rendit maître des Arabes fujets des Romains, qui leur fervirent de guides pour entrer au territoire de Gaze. Le fucceffeur d'Aboubecre fut Omar,.. qui prit avec le titre de Calife celui d'Emiralmoumenin, c'est-à-dire commandant dess fidéles, & ces titres pafférent à fes fucceffeurs. Il obferva exactement la juftice, & fuivit la, coutume d'Aboubecre, de diftribuer tous les .. Vendredis le fond du tréfor. Omar difoit que les biens de ce monde, ne devoient fervir qu'au foulagement de ceux qui étoient dans la mifére. Čes premiers Califes accoutumés à leur ancienne pauvreté, menoient une vie fimple & frugale. Omar regna dix ans, pendant lesquels les Mufulmans ruinérent l'Empire des Perfes, & conquirent fur les Romains la Syrie & l'Egypte. Ils prirent Damas & s'établirent dans la Phenicie. Jerufalem fut prife, & faint Sophrone ne furvecut guére à cette défolation dont il avoit été témoin. Jerufalem, après

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Suite des

avoir foutenu le fiége pendant deux ans, fe rendit enfin par capitulation au Calife Omar préfent en perfonne. Il entra dans la Ville Sainte, vêtu comme par dévotion d'un cilice craffeux, tiffu de poil de chameau. S'étant fait montrer la place du Temple de Salomon, il commença lui-même à en ôter les ordures dont elle étoit pleine. Il donna une fauve-garde pour les ha bitans, les biens & les églifes. Il alla à Bethléem, & fit fa prière dans la grotte ou JesusChrift étoit né. Cependant les Mufulmans s'étendoient à droite & à gauche, en Syrie & en Egypte. Quelques années après, Omar fit bâtir à Jerufalem une mosquée à la place du Temple de Salomon. Mais l'édifice ne pouvoit fe foutenir. Les Juifs en attribuérent la cause à une croix qui étoit fur le mont des olives. Elle fut ôtée, & le bâtiment fubfifta. Ce fut une raison aux ennemis de Jefus-Chrift pour abattre plufieurs autres croix.

Les Mufulmans continuérent leurs conquê conquêtes des tes avec une étonnante rapidité. Dès l'an 638. Musulmans. ils prirent Antioche. Le Calife Omar envoia Etendue de Moavia en qualité d'Emir, pour commander leur Empire. à tout ce qu'ils poffédoient depuis l'Egypte jufqu'à l'Euphrate. Ainfi la Syrie paffa en leur puiffance, après avoir été en celle des Romains pendant 704. ans, depuis que Pompée en fit la conquête l'an de Rome 688. Damas devint la capitale de cette province, & Antioche qui l'avoit été depuis fa fondation pendant 950. ans, diminua peu à peu, & elle n'eft plus aujourd'hui qu'un petit village. L'année fuivante 639. les Mufulmans pafférent l'Euphrate, prirent Edeffe & toute la Mefopotamie, & conquirent enfuite la plus grande partie de l'Empire des Perfes. Cette conquête de la

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