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fuite de grandes injuftices & s'abandonna à la débauche. Il avoit plufieurs femmes & des concubines. Les Grands fuivirent ce pernicieux exemple. La corruption de la Cour gagna par mi le peuple, & infecta même le Clergé. Gonderic étoit alors Archevêque de Tolede, & illuftre par fa fainteté & même par fes miracles. Il eut pour fucceffeur Sinderede, qui perfécuta les perfonnes les plus vénérables de fon Clergé. Le Roi Vitiza l'y excitoit, ne pouvant fouffrir le mérite de ces hommes vertueux qui lui réfiftoient en face, & lui reprochoient la turpitude de fa vie. Au lieu de profiter des avis de la plus pure portion du Clergé, le Roi voulut que tout le monde s'abandonnât aux mêmes défordres que lui : il ordonna aux clercs d'avoir des concubines, & un commandement fi étonnant produifit une corruption extrême. Il donna l'Archevêché de Tolede, même avant la mort de Sinderede", à fon frere Oppa déja Archevêque de Seville. Il rappella les Juifs, & donna plus de priviléges à leurs Synagogues que n'en avoient les églifes.

Dieu punit dès cette vie un Prince fi criminel, & fa juftice éclata fur lui & fur toute l'Efpagne. Roderic, dont Vitiza avoit fait aveugler le pere, fe révolta & fut foutenu par les Grands du Roiaume. Il fit arracher les yeux à Vitiza lui-même, & fut proclamé Roi l'an 711. mais il ne régna qu'un an. Car Dieu qui vouloit exercer fes jugemens fur l'Espagne y envoia l'année fuivante les Arabes Mufulmans qui étoient maîtres de l'Afrique. L'Ar chevêque Sinderede voiant les ennemis approcher de Tolede, abandonna fon troupeau, & fe réfugia à Rome. Oppa frere du Roi Vi

riza, qui avoit ufurpé ce Siége, livra la ville au Gouverneur d'Afrique, qui fit mourir les principaux, & foumit toute l'Espagne jufqu'à Sarragoce qu'il trouva ouverte. Ce Gouverneur Mufulman brûloit les villes, faifoit mettre en croix les plus riches citoiens, égorgeoit les jeunes gens & les enfans, & répandoit par-tout la terreur. Les villes qui reftoient, demanderent la paix & fe foumirent. Il y eut néanmoins beaucoup d'habitans qui s'enfuirent fur les montagnes, où plufieurs périrent de faim & de mifére. Les Mufulmans firent leur capitale Cordoue, qui l'avoit été fous les Romains. Ainfi finit le Roiaume des Goths en Efpagne, après y avoir duré trois-cens ans.

Quoique les Mufulmans fuffent les maîtres prefque par-tout, faiffoir par-tout, la Réligion chrétienne ne de dans le refte de leur Empire. Il s'y conferva même un petit nombre de Chrétiens indépendans de leur puiffance. Ils vivoient dans les montagnes des Afturies, où ils firent Roi Bélage, qui étoit de la race Roiale des Goths. L'Evêque Oppa. qui étoit d'intelligence avec les Mufulmans, exhorta Pélage à fe foumettre; mais Pélage répondit: nous efpérons que de la petite montagne ou nous fommes, viendra le falut de T'Efpagne, & que Dieu, après nous avoir châtiés, nous fera fentir les effets de fa miféricorde. C'eft pourquoi nous ne craignons point cette multitude d'infidéles. Alors les Mufulmans attaquerent le Roi Pélage. Mais quoique les Chrétiens fuffent en petit nombre, ils remporterent une victoire qui fut regardée me miraculeufe. Ils fe raffemblerent enfuite, repeuplerent plufieurs villes ruinées, rétabli rent les églifes, & rendirent à Dieu de folem

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nelles actions de graces. L'églife d'Efpagné poffédoit plufieurs Evêques recommandables par leur fcience & par leur piété, qui foutenoient Gola Religion au milieu des infidéles. Le Roi Pélage mourut l'an 737. & eut pour fucceffeur fon fils Fafila qui ne regna que deux ans. On mit fur le trône après lui, Alfonfe qui defcendoit du Roi Recarede. Alfonfe, furnommé le Catholique, remporta plufieurs victoires fur les Mufulmans, affoiblis par les pertes qu'ils avoient faites en France, & leur enleva plufieurs villes. On en compte jufqu'à trente dont les principales font, Lugo, Portugal, Brague, Salamanque, Segovie, Aftorga, Leon. Il tua tous les Mufulmans qui y demeuroient & emmena avec lui les Chrétiens en Afturie, enforte que ces villes furent defertes. Il bâtit de nouveau, ou répara plufieurs églifes, & régnaglorieufement pendant dix-huit ans. Il laiffa pour fucceffeur fon fils Froila l'an 757. Plufleurs monaftéres fubfiftoient encore en Espagne, même fous la domination des Mufulmans. On voit, par une fauve-garde que deux Capitaines de cette nation donnerent aux habitans de Conimbre & des environs comment les Chrétiens vivoient fous la puiffance des Arabes. Cet acte porte que les Chrétiens paieront le double des impôts que paioient les Arabes. Chaque églife paiera vingt-cinq livres d'argent pefant, les monaftéres cinquante, les Cathédrales cent. Les Chrétiens auront des juges, mais ces juges ne pourront condamner à mort. Si un chrétien entre dans une Mosquée, ou parle mal de Mahomet, on le fera mourir, ou il fe fera Mahometan. Les Evêques ne maudiront point les Princes Mufulmans fous peines de mort. Les prêtres ne diront leurs Meffes qu'à portes fermées. 04

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Le Roi Froila eut des avantages confidéra bles fur les Mufulmans. Il établit à Oviedo un Evêché. C'étoit d'abord un monaftére, fondé pour y mettre des reliques de faint Vincent. On rapporte au regne de Froila la fondation de divers monaftéres, dont l'état où étoit réduite l'Efpagne, n'a pas permis de conferver des mémoires autentiques. Froila aiant tué de fa main fon frere, fut tué lui-même après avoir regné onze ans, & eut pour fucceffeur Aurelius fon coufin germain dont le régne fut de fix ans. Silo fuccéda à Aurelius, & regna neuf ans. Il apporta de Merida le corps de fainte Eulalie, & le mit dans un monaftére qu'il fonda. La Couronne paffa à Alfonfe fils du Roi Froila, qui fut nommé le chafte, parcequ'il garda la continence avec la Reine Berthe, qui étoit françoife. Il remporta des vitoires confidérables fur les Mufulmans. Il fe rendit maître de Lisbonne, & envoia à Charlemagne des préfens du butin qu'il avoit fait fur eux. Il fixa fa réfidence à Oviedo, & y bâtit une églife pour y mettre la châffe des reliques, que les Efpagnols regardoient comme la fauve-garde de leurs Etats. On difoit que ces reliques étoient, du fang forti par miracle d'un crucifix percé par des Juifs, du bois de la vraie Croix, une partie de la Couronne d'épines & du faint Suaire, le pallium donné à faint Ildefonfe par la fainte Vierge, & plufieurs autres femblables à cette derniére. Le Roi Alfonfe regna pendant cinquante-ans.

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I.

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Ean nâquit à Damas d'un pere plus illuftre encore par fa piété que par fa nobleffe. Ce vertueux pere fit inftruire fon fils dans les faintes lettres, & lui fit auffi étudier les sciences profanes. Jean renonça aux richeffes de fon pere, & fe retira dans le monaftére de faint Sabas près de Jerufalem où il passa sa vie. Il fut furnommé Manfour, c'est-à-dire racheté mais il eft plus connu fous le nom de Damaf cène. Le fupérieur le mit fous la conduite d'un vieillard très expérimenté dans la fcience des Saints. Ce guide mena Jean dans fa cellule, & lui donna pour premiére régle de conduite de ne jamais faire fa volonté propre. C'eft-là, dit-il, le fondement de la piété. Offrez à Dieu vos travaux & vos peines; ne vous glorifiez ni de votre fcience ni de vos talens. Reconnoiffez que par vous-même vous n'êtes qu'i gnorance & que foiblefle; n'écrivez à perfonne; gardez le filence, & foiez bien perfuadé qu'il y a du danger à dire même de bonnes chofes, lorfqu'il n'y a point de néceffité marquée. Jean obferva ces avis exactement ; & quand il fut bien affermi dans la vertu & fur tout dans l'humilité, on lui fit faire ufage de fa science pour défendre l'Eglife, & éclairer

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S.Jean mafcène.

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