2010 croix. tom. 2, P. 74. 532 ART. VI. Difputes qu'il eft certain que cet Ecrit ignoré des Grecs, Traité de la des Syriens, des Egyptiens, des Ethiopiens, n'a pu les porter à changer de foi fur l'Euchariftie, il eft également certain qu'il n'a pu caufer aucun changement dans l'Eglife Latine, puifqu'elle a la même croiance que les Grecs, comme il eft démontré par preuves de fait indubitables; & qu'il eft abfolument contre le bon fens de penfer, que l'innovation faite dans Eglife Latine, a paffé fans réfiftance parmi les Grecs, qui rompirent avec elle fous Photius, & parmi les Communions Orientales également ennemies des Grecs & des Latins, des Cependant fi le changement eft arrivé dans l'Eglife Latine, il n'y a point d'autre moien d'établir la conformité de fa croiance avec celle des Grecs & des Orientaux, qu'en foutenant & d'auque les uns & les autres ont été pervertis par l'Eglife Latine, & cela fans que de part tre on s'apperçût de la féduction, quoique les Grecs fuflent brouillés avec l'Eglife Latine, & pleins de cet efprit de fchifme qui les en a enfin entiérement féparés ; & quoique les Communions Orientales opprimées par les Mahomé par les tans, & divifées par leurs héréfies & intérêts du Gouvernement & de l'Etat, n'euffent aucun commerce & n'en vouluffent avoir aucun avec l'Eglife Latine. Il n'y a donc aucun vive lumiére, qu'en moien de réfifter à une fuppofant que le changement eft arrivé dans toutes les Communions chrétiennes, & qu'el connoilles ont toutes dégénéré de l'ancienne foi des Apôtres & de leurs difciples, qui ne foient d'autre facrifice que celui que Jefus Chrift a offert une feule fois, & qui пе voioient dans l'Euchariftie que le figne & la mémoire de ses fouffrances & de fa mort, C Ch Mais il y a une certitude entiére, que puif- Impoffibilitê que toutes les Communions Chrétiennes font du changeaujourd'hui réunies dans la même foi ment dans la I'Eque glife Catholique, elles l'ont reçûe des Apôtres, a plu aux Caldoctrine, qu'il & par conféquent de Jefus-Chrift même. Car viniftes de fienfin il eft impoffible qu'aucun autre voie ait xer au neupu réunir tant de nations, fi différentes pour le viéme fiécle. langage, pour les coutumes, pour les préjugés, dans des points auffi éloignés de la penfée des hommes que la préfence réelle de JefusChrift dans l'Euchariftie & le facrifice continuel de fa mort. Une telle uniformité ne peut être que l'effet d'une même prédication dès l'origine du Chriftianime. Il y auroit eu nécessairement de la diverfité, fi la révélation divine n'avoit pas dès le commencement foumis tous les efprits. Un tel changement qui auroit infecté toutes les églifes, auroit caufé du partage dans les commencemens. Il auroit dû être la matiére de beaucoup de queftions & de difputes; & l'antiquité nous auroit confervé quelques monumens de ces premiéres divifions. Car c'eft le comble de l'extravagance, de fuppofer qu'on paffat, dans des points auffi effentiels de la vérité à l'erreur, fans que perfonne y prit garde, fans que la nouveauté fût remarquée par aucun Evêque, ni aucun prêtre, ni aucun fidéle. Comment en effet voudroit-on, que dans un facrement connu de tous, & qu'un perpetuel ufage rendoit fi populaire, on pût fubftituer, fans étonnement, fans s'appercevoir qu'on changeoit de fentiment & de penfée, la préfence réelle de Jefus-Chrift, la participation réelle à fa chair & à fon fang, à l'ancienne perfuafion que le pain & le vin n'étoient que les fignes de JesusChrist? C'est ignorer abfolument les hommes que de leur attribuer une telle ftupidité ; & c'eft > offenfer la raison, que d'efpérer qu'une telle Il y a des vérités qui ont une double tradition: celle des faits & des ufages communs à toutes les églises, qui leur rendent un témoi gnage conftant & uniforme ; c'eft ainfi que le baptême, néceffaire pour le falut des enfans, prouve le péché originel, & que les priéres publiques établiffent la foi de l'Eglife fur les vé rités de la grace. L'autre tradition eft celle des Peres & des Auteurs Eccléfiaftiques, qui les ont tranfmifes jufqu'à nous, & qui compofent une chaîne de difciples & de maîtres qui remontent jufqu'aux Apôtres. La divine Providence a auffi réuni ces deux traditions par rapport à l'Euchariftie, afin de fixer nos efprits dans la foi de ce mystére par une double certitude. La premiére de ces traditions, dont il eft principalement ici queftion, a une force invincible. Le précieux dogme de la préfence réelle eft attefté par des faits & par des ufages, qui font d'un côté fi univerfellement obfervés, & de l'autre fi vifibles & fi manifeftes, qu'aucun fidéle ne peut les ignorer. Et l'on ne peut encela affez admirer la bonté de Dieu, ni lui rendre d'affez vives actions de graces, de ce qu'il a rendu, pour le peuple même, un tel myftére fi fenfible & fi certain, quoiqu'il foit pour les plus grands efprits un abime impénétrable. A l'égard de la tradition des Peres, qui concourt à établir la même vérité, j'ai rapporté dans chaque fiécle des paffages qui prouvent combien eft chimerique la prétendue innova tion, que les Calviniftes ont jugé à propos fixer au neuviéme & au dixiéme fiécle. de P P Laton nâquit à Conftantinople l'an 735 fes parens étoient diftingués par leur nobleffe & par leurs richeffes. Une pefte qui défola l'Empire vers le milieu du huitième fiécle, emporta fon pere & fa mere. Platon qui n'avoit alors que douze ans, fut élevé par un de fes oncles, tréforier de l'Empereur. Pendant qu'il étudioit les fciences humaines, il travailloit à faire du progrès dans la piété. Ses belles qualités lui attirerent l'eftime des Grands & de l'Empereur même ; mais fon amour pour Dieu l'élevoit au-deffus de toutes les efpérances du fiécle. La prière & la lecture des Livres facrés faifoient fes délices. Il recherchoit la compagnie des vrais ferviteurs de Dieu, afin de fe foutenir par leurs exemples. Il découvroit le fond de fa confcience à un homme éclairé dans la vie fpirituelle, & fuivoit fes avis avec docilité. Il réfolut enfin de renoncer à tout pour mener une vie plus parfaite. Il donna la liberté à fes efclaves & vendit tous fes biens, dont il donna une partie aux pauvres, & laiffa l'autre à deux foeurs qu'il avoit, Il fe retira dans un monaftére éloigné de fa famille, n'aiant alors que vingt-quatre ans. La prière, les faintes lectures, & le travail des mains partagcoient tout fon S. Platon, temps. Il paitriffoit le pain, arrofoit la terre& Des affaires indifpenfables obligerent Pla ton d'aller à Conftantinople. Comme il en étoit forti fort jeune, fes propres neveux ignoroient s'il vivoit encore; mais fa vertu le fit bien-tôt connoître. Il fit de grands fruits dans cette capi tale de l'Empire,& Dieu opéra par fon miniftere un grand nombre de converfions. On voulut le faire Evêque de Nicomédie; mais le miniftére eccléfiaftique paroiffoit fi redoutable au faint Abbé, qu'il s'enfuit, pour l'éviter, dans fa chere folitude. Dieu fe fervit de lui pour réformer plufieurs monaftéres, & pour aider à fe fauver, plufieurs de fes parens, que Dieu avoit déja dé fabufés du monde & convaincus de la vanité de fes biens & de fes plaifirs. Pendant que faint Platon gouvernoit le monaftére de Saccudion près de Conftantinople, qu'il avoit réformé, on tint le fecond Concile de Nicée, auquel le faint Abbé affifta, Nous avons vû avec quelle vigueur il condamna le mariage fcandaleux de L'Empereur Conftantin, & la perfécution qu'il |