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fit enlever de Rome le faint Pape par fon Exarque. Pendant trois mois on le fit paffer d'une ille dans une autre, le tenant enfermé dans le vaiffeau comme dans une prifon. On le traitoit avec beaucoup d'inhumanité, jusqu'à lui refufer les chofes les plus néceffaires. Enfin on le transfera dans l'Ile de Naxe où on le laissa un an entier. Pendant ce temps-là on fit élire par autorité un autre Evêque à Rome. L'Empereur fit enfuite amener à Conftantinople cet illuftre Confeffeur, & pendant le voiage on le traita avec une indignité qui fait horreur. Mais ce fut bien pis encore à Conftantinople. On le jetta d'abord en arrivant dans une prison obfcure, où il demeura quatre-vingt quinze jours, pendant lefquels on exerça contre ce faint Pape des cruautés inoiiies. On le fouvint enfin de lui comme d'un criminel qu'il falloit juger. On lui fit fubir un interrogatoire fans obferver aucune régle. On fut obligé de l'apporter, parce qu'il ne pouvoit marcher, tant on l'avoit fait fouffrir. Les zélés partifans du Monothélifme, pour le perdre plus fùrement dans l'efprit de l'Empereur, l'avoient accufé d'être ennemi de l'Etat, car rien ne coûte à ceux qui font poffedés de l'efprit d'erreur. Ils produifirent contre lui vingt témoins, qui la plûpart étoient des foldats & avoient été gagnés par argent. Saint Martin les voiant entrer dit en fouriant : font-celà les témoins? Eft-ce-là votre procédure ? On ne lui répondit rien; mais on comman→ da aux accufateurs de jurer fur les Evangi les qu'ils diroient la vérité. Le faint Pape touché de cette profanation, dit aux Magistrats : Je vous prie au nom de Dieu, ne les faites point juret: Qu'eft-il befoin de leur faire

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ainfi perdre leurs ames? Saint Martin voulant affer defe juftifier fur une des accufations, & comémençant à parler du Type de Conftant, le 1. O Prefet l'interrompit en criant: ne nous parjulez point ici de doctrine: il eft queftion de crime d'Etat. Nous fommes tous Chrétiens & orthodoxes. Plût-à- Dieu que cela fut, dit l'illuftre accufé, mais au jour terrible du jugement, je rendrai témoignage contre vous tani fur cet article. Quand on eut entendu toutes lem les dépofitions, on fit fortir le faint Pape de la chambre du Confeil, & on le mit dans la cour environné de Gardes. Peu de temps après on le fit apporter fur une terraffe, afin qu'il pût être vu de l'Empereur, & ou lui infulta d'une maniére fi indigne, que les Gardes mêmes & la plupart des fpectateurs en furent choqués. Quand on lui eut déchiré fon manteau, les bourreaux le prirent, le dépouillérent de fes habits, & ne lui laifferent qu'une feule tunique fans ceinture; encore la déchirerent-ils des deux côtés depuis le haut jufqu'en bas. Ils lui mirent un carcan de fer au col, & le traînerent ainfi depuis le Palais par le millieu de la ville, attaché avec le Geolier, pour montrer qu'il étoit condamné à mort & un autre portoit devant lui l'épée dont il devoit être exécuté. On le traînoit fi rudement que le pavé étoit teint de fon fang. On le remit enfuite en prifon, & on lui fit fubir un nouvel interrogatoire. Après avoir paffé trois mois dans cette derniére prifon, il fut exilé dans la Cherfonefe, où il fut pendant quatre mois dans des fouffrances continuelles, après lefquelles il alla jouir du repos éternel. Ceft ainfi que le mystére d'iniquité fut confommé, & que le faint Pape fut immolé à la

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Sixième Con

fureur de fes lâches perfécuteurs. Il écrivit dans fon dernier exil deux lettres où il parle comme un homme tout brûlant du feu de la charité, de tout ce qu'il avoit à fouffrir pour la caufe de Dieu. Il eft difficile encore aujour d'hui de n'être point attendri de la defcription qu'il fait de fes fouffrances. Qui eût d'abord penfé que cette affaire dût avoir de fi grandes fuites? Qu'eut dit le Pape Honorius, fi on lui eût annoncé que peu d'années après, un de fes fuccefleurs verferoit fon fang pour cette queftion qui lui paroiffoit frivole, & qu'il s'imaginoit de voir être renvoiée aux gram

mairiens.

VI.

La grande épreuve à laquelle les plus intrécile général. pides défenfeurs de la vérité venoient d'être expofés, fut fuivie d'un calme & d'un triomphe auquel toutes les apparences humaines étoient contraires. Les fouffrances de faint Maxime & le fang de faint Martin avoient appaifé la colere de Dieu, & avoient attiré für l'Eglife d'abondantes bénédictions. L'Empereur Conftantin Pogonat fongea ferieufement à donner la paix à l'Eglife ; & pour remédier à fes maux, il convoqua un Concile univerfel. Comme l'Occident appartenoit à differens Maîtres, & que l'Orient étoit agité par incurfions des Musulmans, il n'étoit pas aifé de réunir les Evêques. Ils ne purent s'affembler que peu à peu. Le Pape avant que d'y envoier des Députés, assembla à Rome le Concile le plus nombreux qu'il lui fut poffible. La foi y fut nettement décidée, & les Legats reçurent d'excellentes inftructions. Le Pape Agathon développa avec beaucoup de lumiére la doctrine catholique, & prouya que

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comme les trois perfonnes Divines n'ont qu'une nature, elles n'ont auffi qu'une volonté ; mais qu'y aiant en Jefus-Chrift deux natures, il y a auffi deux opérations & deux volontés, ce qu'il appuia de l'autorité de l'Ecriture fainte & des Peres de l'Eglife. On a toujours remarquer qu'avant la décifion folemnelle des Conciles généraux, ceux qui foutenoient la vérité ne la propofoient point en doutant, mais avec autant d'afsurance que fi elle eût été décidée avec la plus parfaite unanimité. L'Eglife, en la perfonne de ceux qui font inf& C fruits de fa doctrine, eft toujours pleinement Saffurée de la vérité & la connoît avec certitu de, quoiqu'il ne foit pas toujours en fon pouvoir de la décider avec une autorité abfoluë. Le Pape Agathon avoit eu foin de s'informer exactement de la foi de toutes les églifes d'Occident, fur la queftion qui mettoit en feu l'Orient. Il avoit envoié pour cela des Députés jufqu'en Angleterre. Par-tout l'erreur fut condamnée, & le Concile de faint Martin reçu avec les cinq Conciles généraux. Les Legats & un grand nombre d'Evêques étant arrivés à Conftantinople, on fit l'ouverture du Concile, & l'on examina la Doctrine par l'Ecriture, les Peres & les Conciles précédens, ainfi que l'Empereur qui étoit préfent, le demandoit expreffément. Il y eut dix huit feffions dans lefquelles il fe paffa plufieurs chofes remarquables. Voici l'ordre de la féance. L'Empereur étoit affis à la premiére place dans un falon du Palais nommé en latin Trullus, c'està-dire le Dôme. Il étoit accompagné de treize de fes principaux Officiers, qui par fon ordre affifterent au Concile. A la gauche, qui étoit le côté le plus honorable, étoient les Legats

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du Pape & de fon Concile, & le Légat du Pa triarche de Jerufalem. A la droite étoient les deux Patriarche de Conftantinople & d'Antio che. Les faints Evangiles étoient au milieu de l'affemblé. Le Patriarche d'Alexandrie, & celui de Jerufalem n'avoient pû venir au Concile, parce qu'ils étoient fous la domination des Mufulmans, & par la même raison il n'y vint aucun Evêque des Provinces dépendantes de ces deux Patriarches, non plus que d'Afrique. Les Députés des abfens tinrent le rang des Siéges dont ils étoient députés, quoiqu'ils ne 4. 1. p. 619. fuffent que fimples prêtres. Les Legats durape parlerent les premiers, & dirent adreffant la parole à l'Empereur: Il y a environ quarante-fix ans que Sergius Evêque de ce Siége, & d'autres, ont enfeigné qu'il n'y a en JefusChrift qu'une volonté & une operation, Le S Siége a rejetté cette erreur, & les a exhortés à y renoncer, mais inutilemént. C'est pourquoi nous demandons que l'on s'explique fur cette nouvelle doctrine. George de Conftan tinople & Macaire d'Antioche eflaierent de prouver l'unité d'opération. L'examen des autorités fut ferieux. Les canons des Conciles, les paffages des Peres furent difcutés avec foin. On demela les fubtilités, on leva les équivoques, on releva les falfifications des autorités alléguées par les partisans du Monothélisme, & fes défenfeurs de la vérité demeurerent tou jours victorieux. Macaire Patriarche d'Antio che, aiant été convaincu d'avoir tronqué des paffages de faint Athanafe & des autres Peres, fut anathématifé & dépouillé de fon pallium.

P. 611.

L'Empereur qui avoit affifté en perfonne aux onze premiéres feffions, laiffa à fa place Ces Officiers pour affifter de fa part aux fui

vantes,

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