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Biographie. Car il ne faut pas s'y tromper, cette occu-
pation, selon Mme de Genlis, exclut toutes les autres. Elle
nous dit positivement (page 46), qu'il faut lire soi-même
tous les ouvrages
des auteurs dont on se fait l'historien,
(page 47) qu'il ne suffit pas de les avoir lus jadis, qu'il
fant les relire, et (page 46) qu'il ne faut pas s'occu
d'autre chose jusqu'à la fin du travail. Ainsi, voilà,
complaire à MM. Michaud ou plutôt à Mm de Genlisten
nos auteurs tragiques et comiques désertant la she
toutes nos romancières abandonnant les romans, tous nos
poëtes lyriques, didactiques, descriptifs, élégiaques des-5.
cendant des hauteurs du Pinde, et ne lisant plus que cen
ouvrages ensevelis dans la poussière des bibliothèques,
feuilletant, que des compilations. Voilà M. de Bonald né
gligeant les travaux de l'Université, M. de Lacretelle renon-
cant à sa chaire d'histoire et de géographie ancienne, à ses
fonctions de censeur impérial; l'un pour lire tout ce qu'on
a écrit sur la politique et la morale depuis deux mille ans
l'autre, pour fouiller toutes les archives de l'histoire mo-
derne, Encore ces Messieurs ne sont-ils pas tout prêts à
entreprendre ce travail. Me de Genlis ne veut pas qu'on
juge sur des traductions; il faut donc qu'ils apprennent
toutes les langues lettrées qu'ils ignorent; que M. Delille,
par exemple, étudie l'allemand, s'il ne le sait pas, pour
parler de l'auteur du Messie et du grand traducteur M. Voss;
que M. Raynouard ou M. Delrieu prennent en main la
grammaire russe, pour jugers le théâtre de Sumarokof;
M. Picard la grammaire danoise, pour parler pertinem-
ment des comédies de Holberg; et même que Mme de
Beaufort et l'auteur d'Adèle s'enfarinent au plutôt du grec,
pour prononcer sur les romans d'Eustathe, de Longus
d'Achilles Tatius, et de Xénophon d'Ephèse. Avouez,
Messieurs, que voilà des propositions bien étranges, set
que Me de Genlis ressemble un peu à ces médecins qui,
après avoir signalé le mal, ne proposent pour le guérir
que des remèdes impraticables. t treky na onol

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me

Mais enfin ce mal est-il bien aussi grand que l'auteur de la brochure veut le faire? Vous allez vous-mêmes en juger. Sur les quatre-vingts collaborateurs qu'elle reproche à la Biographie Universelle, elle n'en attaque guère que cinq, et de ces cinq il n'y en a que deux contre qui elle produise des griefs multipliés : ce sont MM. Suard et Ginguené. Elle trouve leurs articles tantôt trop cour's et tantôt trop longs; elle se fâche 'contre M. Ginguené de ce

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qu'il préfère l'Arioste

au Tasse, tort qui est encore celui blâme M. Suard de ce qu'il a

de beaucoup d'Italiens; elle

parlé d'Addisson autrement qu'elle-même n'en pense. Elle chicane l'un et l'autre sur quelques phrases louches ou embarrassées qui ont pu leur échapper dans la promptitude à tous deux d'avoir raconté du travail; elle leur reproch e des anecdotes qu'elle aurait supprimées, et d'en avoir supprimé d'autres qu'elle aurait voulu raconter; elle accuse M. Suard d'avoir rapporté des impiétés dans certains artide censurer la superstition cles où il n'a d'autre but que et l'intolérance. Ses attaques contre M. Auger sont du même genre; selon M de Genlis ce littérateur n'a point parlé avec assez de respect du concile de Trente, ni avec assez d'horreur de l'accusation intentée contre d'Assouci. M. Michaud n'est ni plus ni moins coupable. Il n'a pas écrit les articles d'Attila et d'Alexandre du ton qu'aurait voulu Mme de Genlis; et M. Lacroix a eu le malheur de ne pas juger les ouvrages littéraires de d'Alembert comme ils l'auraient été par cette dame.

Vous me direz peut-être, Messieurs, que dans tout cela vous ne voyez encore rien de bien grave; qu'on peut excilser quelques fautes de style dans un long ouvrage; qu'il est permis de plaisanter sur d'Assouci, après Chapelle et Ba chaumont, et qu'à la rigueur, on peut pardonner à des littérateurs du premier ordre, à des membres distingués de l'Institut, d'avoir en littérature et en philosophie d'autres opinions que Mme de Genlis. Vous me direz que ce n'est pas ainsi qu'il fallait attaquer la Biographie, mais en y relevant des omissions ou des erreurs. Vous me demanderez ce que Mme de Genlis a découvert dans ce genre ; le voici : 1° Alberti, très-grand compositeur de musique, a été oublié dans le Nouveau Dictionnaire; 2° la famille Talon n'est point éteinte, comme le dit un anonyme quí signe K; 3° le célèbre abbé Andrès n'est pas mort, quoi qu'en dise M. Bourgoing, dont cependant Me de Genlis loue en général les articles. Cette dernière erreur, direz vous, méritait d'être relevée; mais sont-ce là toutes celles qu'a rectifiées M de Genlis? - Toutes (1). Et des

(1) En relisant la brochure de Mme de Genlis, je trouve qu'elle a rectifié une erreur de plus dans la Biographie. On y lit que le jardin de feu M. d'Albon, à Franconville, était d'une grande beauté; Mme. de Genlis nous apprend qu'il n'y a jamais eu de jardin plus mesquin, plus pauvre, et plus ridicule.

quatre-vingts collaborateurs de MM. Michaud, ce sont-là les seuls qu'elle ait critiqués ?- Les seuls; et même elle en loue un beaucoup plus grand nombre. Et de quoi donc a-t-elle rempli sa brochure?-Du beau projet dont je vous ai parlé d'abord, d'une déclamation en trois pages à l'honneur du Tasse, de deux autres à la louange de Bossuet et de Vertot; de quelques plaisanteries bien fades qui-sembleraient prouver qu'elle ne connaît ni la géographie ni une des locutions les plus en usage en français. Mais enfin, que vous a-t-elle appris dans sa brochure? Que l'abbé Andrès n'est point mort.-Cela valait-il la peine de l'écrire?-J'en doute.Et pourquoi donc l'a-t-elle écrite?... -Ah! vous m'en demandez trop. Interrogez Mme de Genlis elle-même, elle vous répondra que c'est pour l'utilité des jeunes littérateurs; si cette raison ne vous suffit pas, remarquez que ses censures tombent principalement sur le choix des rédacteurs de la Biographie Universelle, M. Auger, auteur du Discours préliminaire, sur M. Michaud, l'un des entrepreneurs; sur M. Ginguené qui rédige les articles de littérature italienne; sur M. Suard, par qui elle se plaint d'avoir été censurée pendant beaucoup d'années dans le Publiciste et dans le Journal de Paris, et en réfléchissant sur les effets, peut être remonterez-vous aux causes. Au reste, quelles que puissent avoir été les intentions de Mm de Genfis en publiant cette brochure, et quoiqu'elle en promette une autre où elle donnera un article qui a besoin, dit-elle, d'être refait, je crois que MM. Michaud ne peuvent que se féliciter de ce qu'elle s'est jetée. dans cette entreprise. Ils ne pouvaient rien désirer de mieux pour le succès de leur Biographie, qu'une attaque. aussi couverte, aussi animée, et qui produit d'aussi minces résultats.

sur

Permettez-moi, Messieurs, de terminer ici ma lettre, quoique j'eusse encore bien des choses à dire, et quoique la brochure de Me de Genlis débute par une huitaine de pages dont je n'ai rien dit. Elle y revient encore sur sa querelle avec M. T. du Journal de l'Empire; il n'est que glorieux, pour ce journaliste, d'être confondu par elle dans ses anathêmes contre Fénélon. Me de Genlis, qui sait si bien que le publie a reçu la Biographie Universelle avec une espèce de désapprobation, est-elle aussi exactement informée de l'effet qu'a produit sur ce même public son attaque plus qu'étrange contre le vertueux archevêque de Cambrai? J'aime à croire qu'elle est également trompée

sur ces deux points, Car, si la vérité lui était connue, elle

ne s'obstinerail sûrenent pas

dans

honte et con fusion.. peut recueillir que J'ai l'honneur, etc.

VARIÉTÉS.

une lutte où elle ne

SPECTACLES.Théâtre du Vaudeville.-Première représentation de l'Exil de Rochester, ou la Taverne, vaudeville en un acle.

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L'Exil de Rochester! Sur ce titre, je m'attendais à voir ce trait si conǹu: «Rochester exilé par le roi se cacha dans " la cité, où déguisé en directeur de marionnettes, il eut tant de vogue, que le bruit de sa renommée passa bientôt de la cité jusqu'au palais de St.-James: plusieurs seigneurs vinrent voir les marionnettes; Rochester qui les faisait parler, amusait les habitans de Londres du récit des avantures scandaleuses de la cour; enfin, les choses furent poussées si loin, que le roi lui-même s'y rendit. » C'est dans les mémoires du chevalier de Grammont qu'il faut lire cette anecdote racontée avec tant de graces et de gaîté par Hamilton: je crois que si l'on y eût cousu une intrigue amoureuse, elle aurait pu fournir le sujet d'un joli vandeville; mais ce n'est pas là le fond de la pièce nouvelle. Rochester, exilé de même par le roi, se fait maître de taverne, et Dorset, son ami, passe pour son associé ; le cons table du quartier vient visiter les nouveaux venus qui se débarrassent de lui avec du punch. Quelques momens après, Charles II vient lui-même souper dans cette taverne. Le constable qui a reçu l'ordre de s'emparer de Rochester, se trompe et veut arrêter le roi à sa place; celui-ci, pour être libre, sans être obligé de se nommer, présente au constable un ordre signé du roi qui accorde la grace de Rochester et de Dorset: Rochester, présent à cette scène, s'empare prudemment de l'ordre, et tombe aux genoux du roi pour implorer son pardon qui lui est accordé.

Ce n'est pas tout de faire un ouvrage, il faut encore en. distribuer avantageusement les rôles. Henry représente Rochester; ce rôle me semblerait devoir appartenir à Julien, et Henry aurait été placé dans celui de Dorset mieux que l'acteur qui le remplit, et qui a un air bien sévère et une voix bien grave pour le compagnon de joyeuses débau

ches. Le rôle du constable est une copie du commissaire de Piron avec ses amis; Edouard le joue avec trop de charge; il imite servilement la caricature de Tiercelin.

Le reproche le mieux fondé qu'on puisse faire à l'Exil de Rochester, c'est une ressemblance trop exacte avec la jolie comédie de M. Alexandre Duval, la Jeunesse d'Henri V; cependant l'ouvrage a réussi et il méritait d'être applaudi il unit des avantages qui deviennent plus rares tous les jours; il est bien écrit, et les auteurs, MM. Moreau et Dumolard, ont mis de la vivacité dans le dialogue et de l'esprit dans les couplets: il faudrait être bien mal disposé pour ne pas se contenter de la réunion de ces deux qualités dans un petit acte au Vaudeville.

B. S.

On a donné à ce même théâtre la reprise des Deux Edmon; cette jolie pièce a été revue avec beaucoup de plaisir c'est un des ouvrages qui fait le plus d'honneur au talent aimable et fécond de MM. Barré, Radet et Desfontaines, ce triumvirat qui conserve la bonne tradition du vaudeville franc, spirituel, et même un peu malin. "L'ouvrage est bien joué par Henri, Joli, Saint-Léger ệt Mme Hervey.

La troupe italienne vient enfin de satisfaire à l'impatience des amateurs; elle a représenté l'opéra de Don Juan; l'exécution des trois premières représentations a été si faible, , que nous croyons rendre service à la troupe entière de renvoyer à notre premier numéro le compte détaillé que nous nous proposons de rendre de cet opéra,

!

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