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dont s'était beaucoup occupé feu M. Chibourg notre respectable collègue, et dont s'occupe aussi M. Godefroy, professeur à l'Ecole de médecine de Caen.

Un membre a présenté plusieurs morceaux d'Histoire naturelle du département, peints avec un soin particulier, par M. Amédée Léchaudée. On a distingué une belemnite des Moutiers, près d'Harcourt, un galet silicio-calcaire de Moudeville, près de Caen, et deux cornes d'ammon; l'une trouvée près de Dives, et l'autre à Evrecy.

Les regards ont aussi été frappés de la beauté et de l'exactitude d'un plan parcellaire de la ville de Caen, fait par M. Després,, ingénieur-géomètre.

Parmi plusieurs dessins de monumens de notre ville, s'est trouvé un ouvrage de M. de la Rose, représentant l'horloge du pont SaintPierre de Caen, construite en 1314, et détruite le 15 mai 1755.

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Un membre a lu l'inscription placée sur la tombe de messire Guillaume d'Auberville, mort le 5 août 1478, transportée de l'Abbayeaux-Dames dans le jardin de l'Hôtel-de-Ville, par les soins de 'la Société. Elle y a été déposée avec une salamandre en pierre, provenant d'une maison, rue de Geole, que l'on présume avoir été bâtie sous François Ier, et habitée par Jean Marot, né à Mathieu près

de Caen.

a

Après l'examen raisonné de ces différens objets qui servent à prouver que les sciences, les arts et le goût font de véritables progrès dans le département; et que la Société y contribue beaucoup par les encouragemens qu'elle ne cesse d'y donner, l'assemblée passé dans les salles du Muséum de peinture où un banquet était préparé. On ne pouvait choisir un local plus convenable à une fète de ce genre. Au magnifique coup-d'œil que présentait cette vaste galerie, se joignaient des idées bien intéressantes. Ces salles, quoique nouvellement faites, rappelaient déjà de précieux souvenirs. C'est là que deux mois auparavant les personnages les plus distingués du département, s'étaient rassemblés pour rendre hommage à LL. MM. II. C'est là que la ville avait donné un banquet au protecteur des arts, à M. le comte de Montalivet, ministre de l'intérieur.

Tous les membres ont été frappés de la beauté variée et imposante de cette galerie. Parmi les tableaux dont elle était décorée, on distinguait les productions des peintres normands qui occupent une place honorable dans l'école française. On apercevait aussi le portrait de notre duc Guillaume et de la reine Mathilde, représentés avec les costumes du tems. Mais le portrait qui fixait tous les regards, c'était celui de Napoléon, fait par notre compatriote Robert Lefebvre. Ea

contemplant l'image de l'Empereur, le souvenir de ses bienfaits se retraçait naturellement à la mémoire. Le décret rendu par S. M. sur la reconstruction d'un hôpital à Caen se trouvait lié avec la vue du plan de ce monument utile qui doit d'autant plus intéresser les amis de l'humanité, qu'il est destiné à remplacer de vieux bâtimens dont la mauvaise distribution est le défaut le moins grand. L'aspect de ce beau plan a contribué à donner quelque chose de plus touchant à

notre fête.

M. Lair a profité de cette heureuse circonstance pour offrir le portrait de M. Le Berriays, cet auteur agronome dont la mémoire sera toujours chère aux amis de l'agriculture.

A chaque banquet la Société invite un homme qui a rendu des services au département par son talent et son mérite. Personne n'avait plus de droit à cet honneur que M. Haron Le Romain, auquel nous devons le projet d'hôpital militaire et civil dont nous venons de parler, le bel arc-de-triomphe, et les autres monumens qui ont été élevés à Caen au passage de LL. MM. On avait aussi invité M. Elouis qui, après une longue absence et des voyages utiles, rentre dans sa ville natale par suite d'un concours honorable dans lequel il vient d'obtenir la place de professeur de l'école publique de dessin. Notre compatriote, M. Descotils fils, ingénieur en chef à l'école des Mines, qu'un heureux hasard avait amené à Caen, faisait aussi partie de cette réunion.

Pour extrait conforme au procès-verbal,

P. A. LAIR, secrétaire.

POLITIQUE.

:

ON a vu quelquefois des ministres chercher à donner plus d'éclat à une heureuse nouvelle, en la faisant précéder du bruit adroitement semé d'un événement malheureux ? d'un échec, ou même d'un revers. Le bruit réparateur qui succède est alors accueilli avec une joie inespérée, et le récit officiel entendu avec enthousiasme. Les ministres anglais auraient pu trouver une agréable description de cette tactique, dans les écrits d'un de leurs compatriotes fait pour être le nôtre, l'aimable et spirituel Hamilton loin de là, ils ont adopté un usage contraire dont vingt fois ils ont dû reconnaître l'abus et le danger. Lorsque leurs géné raux ne leur donnent point de nouvelles ou ne leur en donnent que d'insignifiantes, ils dictent aux feuilles dont ils disposent des relations anticipées d'opérations qu'un brillant succès a couronnées; les Français sont cernés, battus, prisonniers, sur quelque point qu'ils aient dû combattre; on prépare les feux de joie dans la cité; on charge le canon de la tour; mais deux jours se passent, le Moniteur débarque à Douvres, et porte rapidement à Londres le démenti de tant de succès, le désaveu de si belles espérances. Tout récemment encore la chose vient d'arriver, et la petite distraction préparée au peuple anglais par ses ministres est converție, au moment où le lecteur recevra cette feuille, en un véritable désappointement, mot bien anglais, et que ce peuple a fort bien fait d'imaginer; il est ici trèsconvenable.

Le 8 octobre, Londres a retenti d'un bruit qu'avait dû apporter à Liverpool un brick expédié d'Oporto: un passager tenait ce bruit du colonel Fagan, qui le tenait du colonel Trant gouverneur de la place; rien n'était plus authentique, et voici tout uniment quel était ce bruit:

Lord Wellington a eu un engagement avec les Francais, et leur a tué ou pris 20,000 hommes dans les journées des 25 et 26 septembre; la bataille a eu lieu à cinq ou six lieues de Ciudad-Rodrigo, et a entraîné la chute de la place. Les habitans d'Oporto font des réjouissances à celte

occasion."

Nous ne faisons point aux gens sensés dont l'Angleterre abonde l'injure de croire qu'ils ajoutent foi à de tels bruits; mais celui-ci avait été précédé de la publication d'une lettre d'un officier d'état-major de lord Wellington, lettre qui bien lue et bien interprêtée ne pouvait donner lieu qu'à des alarmes, et non à des réjouissances. La voici :

« Ciudad-Rodrigo est maintenant investi. Vingt pièces de canon sont arrivées pour battre la place. Beaucoup de personnes pensent que nous continuerons de lui couper les vivres. La garnison attend dans quelques jours un convoi considérable de vivres, que nous aurons sûrement le bonheur d'intercepter, à moins que Soult et Marmont ne fassent, de concert, un mouvement pour menacer l'Alentejo, point, à mon avis, le plus accessible et le plus vulnérable du Portugal. Dans ce cas, nous serons forcés de faire un mouvement rétrograde pour assurer nos derrières : ce convoi sera, dit-on, escorté par 12,000 hommes venant de Salamanque.

"Les troupes souffrent beaucoup d'une fièvre d'une na ture très-maligne : il y a plus d'officiers de santé malades par suite des fatigues causées par leurs fonctions, que d'employés de toute espèce. »

D'autres détails étaient donnés; les généraux ennemis y étaient présentés comme ayant concentré toutes leurs forces: le duc de Raguse avait dû attaquer l'armée anglaise devant Ciudad-Rodrigo, et c'est dans cette entreprise qu'il avait été battu.

Empressons-nous de détruire ce vain échafaudage; analysons les rapports officiels qui viennent de paraître; nous y trouverons les Anglais toujours les mêmes ils n'ont point défendu Ciudad-Rodrigo lorsqu'attaquée par les Français, déjà maîtres d'Almeida également tombé sans défense, la garnison qui résistait par leur ordre implorait leur secours; ils n'ont pas non plus défendu leurs lignes d'attaque contre cette place lorsque les Français ont en effet marché pour soutenir leur garnison et la ravitailler. La pointe faite vers le nord par l'armée anglaise s'est convertie en une pointe vers le midi; ce n'est plus sur Salamanque, c'est sur Lisbonne, et ses éternelles lignes de Torres-Vedras, que marche lord Wellington et son armée; armée, il faut en convenir, infatigable pour la marche, quoiqu'elle avoue que ses malades laissés en échelons sur la route s'élèvent à 16,000 hommes.

Voici comment le maréchal duc de Raguse rend compte

le

au prince major-général, en date de Ciudad-Rodrigo, 30 septembre, de ses mouvemens combinés avec le général comte Dorsenne.

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Après avoir fait lever le siége de Badajoz, dit-il, et rejeté l'armée anglaise au-delà de la Guadiana, le duc de Dalmatie et moi convînmes que je me porterais sur le Tage en laissant une division sur la Guadiana; que l'armée du Midi laisserait le cinquième corps dans l'Estramadure; que le duc de Dalmatie se porterait avec le reste de ses troupes contre les divisions espagnoles qui avaient quitté l'armée anglaise, et contre l'armée insurgée de Murcie, et que tandis qu'il les détruirait et nettoierait les provinces de Cordoue, Grenade, Malaga et Murcie, je tiendrais en échec l'armée anglaise. Nous avons pris nos mesures dans le cas où le général anglais ferait une diversion, et se porterait de nouveau sur Badajoz; mais le général anglais, sourd aux cris des Espagnols, a abandonné l'armée de Murcie à son destin, et passant le Tage, s'est porté sur la Coa, On lui supposa dès-lors le projet d'aller au secours de l'armée de Galice.

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Aussitôt que le général Dorsenne fut instruit de cette nouvelle combinaison, il marcha sur Astorga, battit les Galiciens, les dispersa au-delà de Villa-Franca et rétablit les fortifications d'Astorga. Nous espérions que ce mouvement engagerait les Anglais à se porter sur Salamanque ; mais ils restèrent impassibles à cet événement, comme ils l'avaient été aux désastres de l'armée de Murcie.

» Vers les premiers jours de septembre, j'appris que les sept divisions de l'armée anglaise étaient toutes réunies sur la Coa; qu'elles bloquaient Ciudad-Rodrigo; qu'on rassemblait à Fuente-Guinaldo des fascines et des gabions; que les ouvrages du camp retranché de Fuente-Guinaldo étaient déjà avancés, et que même l'équipage de siége y arrivait d'Oporto. Je proposai alors au général Dorsenne de me réunir à lui avec une partie de mon armée pour faire lever le siége de Ciudad-Rodrigo, l'approvisionner pour long-tems, enlever le camp retranché de l'ennemi, ses magasins et son parc de siége, et enfin lui livrer bataille, et le poursuivre aussi loin que pourrait le permettre le plan général d'opérations que V. A. m'a communiqué par sa dernière lettre en chiffres, plan qui embrasse tous les climats. J'ai aujourd'hui la satisfaction d'annoncer à V. A. que tout à réussi à nos armes.

» Je partis avec cinq de mes divisions, et j'arrivai le 22

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