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L'ASTRONOMIE, poëme en quatre chants; par Р. PH.
GUDIN, Correspondant de l'Institut. Nouvelle édition.
A Paris, chez Firmin Didot, imprimeur-libraire pour
les mathématiques, l'astronomie et la marine, rue
Jacob. Un vol. in-8°.

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SUITE ET FIN DE L'EXTRAIT (1).

DENT

L'ARGUMENT du quatrième chant n'est pas long: Etat du ciel, audace de l'homme; mais on voit combien ce double champ est vaste, et ce n'est pas trop d'environ trois cents vers pour le parcourir. L'état du ciel, où beaucoup de détails sont rendus avec présicion et vérité, est précédé d'une assez longue discussion métaphysique, et mêlé de quelques tirades épisodiques, qui y sont un peu gratuitement rattachées. Je ne sais, par exemple, si les satellites de Jupiter et de Saturne amenaient nécessairement une tirade sur les inconvěniens de la grandeur, sur l'amour de la solitude, sur le plaisir d'y vivre avec une douce compagne, à qui on fait remarquer les beautés de la campagne et les richesses de la terre et du ciel. Ce morceau, en lui-même, est bien, il annonce dans l'auteur des goûts aussi sains que ses idées en général sont justes; mais il rappelle un peu le mot si connu du critique par excellence: Non erat his locus.

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5. cen

Pour ménager une opposition, l'auteur fait précéder son morceau sur l'audace de l'homme curieux et amoureux des découvertes, par le tableau de l'indolence et de la nullité présomptueuse d'un de ces hommes qui croient que l'univers entier est fait pour eux et daignent à peine y jeter leurs regards. Tout cela tient au sujet par des liens trop faibles pour ne point paraître un véritable hors-d'œuvre. Il n'est pas douteux que ce morceau ne fût aussi bien placé dans un poëme sur quelqu'une des sciences naturelles autres que l'astronomie; c'est dire

(1) Voyez le Mercure du 28 septembre...

assez que le poëme de l'astronomie pouvait se passer de

cet ornement.

La partie de ce quatrième chant, vraiment inhérente au sujet, est une espèce de revue que l'auteur fait de l'état du ciel. Il y définit et y place convenablement chacune des planètes qui roulent à différentes distances autour du soleil, centre commun de tout notre système. Mais quatre nouvelles planètes découvertes en peu d'années, le font douter que le nombre en soit encore complet :

Mais ai-je tout compté ? mais puis-je être assuré
Qu'un meilleur télescope, un œil mieux éclairé,
Sondant des vastes cieux les profondes retraites,
N'apercevra jamais que ces onze planètes ?

Ce nombre est-il prescrit? Ai-je atteint et pu voir
Le terme où du soleil s'arrête le pouvoir?

Mais ce n'est pas assez de tous ces globes assujétis à des courses régulières. Il en est dont la marche plus libre échappe aux calculs de la science et paraît faire exception aux lois générales de l'univers ; ce sont les comètes. L'apparition prolongée d'un de ces phénomènes célestes qui occupe en ce moment l'attention publique, m'engage à citer, préférablement à tout autre passage descriptif, ou, si l'on veut, technique, celui dont ils sont l'objet. Le soleil, qui retient onze globes captifs,

Compte d'autres sujets plus nombreux, plus actifs,
Poursuivant toujours seuls leur marches indiscrètes.
Vers lui de tous côtés s'élancent des comètes.
Le ciel est en tous sens à leur gré parcouru;
Et sur notre horizon plus de cent ont paru.
Leur orbite s'alonge au loin dans l'étendue;
La plus timide seule est encor revenue.
Plus d'une, du soleil osant braver les traits,
J Fond légère et rapide, et tombant tout auprès,
Tourne autour de son disque en se parant d'aigrettes
Puis s'échappe et remonte au-delà des planètes.
Sans doute que son cours n'est point illimité,
Que le soleil l'arrête en son immensité ;
Mais elle semble aller dans sa longue carrière
De quelque autre soleil emprunter la lumière.

Mon esprit, indigné qu'elle échappe à mes yeux,
Admire en frémissant la profondeur des cieux.
Comètes, si long-tems la terreur de la terre,
Votre aspect nous est-il funeste ou salutaire ?
Courez-vous du soleil alimenter les feux ?
Ou rajeunissez-vous les mondes déjà vieux?

Quels sont vos habitans? Pourquoi, quand votre audace
Vous porte
à traverser les déserts de l'espace,
Quand des rayons du jour la mourante clarté
Vous laisse si loin d'eux fuir dans l'obscurité,
Pourquoi n'avez-vous pas le moindre satellite?

Votre marche en un cercle est-elle circonscrite? etc.

Ces derniers vers gagneraient à être resserrés, et quelques-uns à être plus poétiquement écrits; mais ils présentent sous la forme de questions les opinions diverses que les savans ont eues sur les comètes. Newton, par exemple, croyait qu'elles s'absorbent dans le soleil, et Buffon qu'elles jaillissent de son sein, etc. M. Gudin termine un petit traité curieux sur la pluralité des mondes, qu'il a placé à la suite de ses notes, par des conjectures sur l'espèce d'habitans que les comètes peuvent avoir, car il se persuade qu'elles sont habitées, ainsi que toutes les planètes. «J'aime à croire, dit-il, que les comètes sont habitées, et je pense que leurs animaux diffèrent plus de ceux des planètes que les habitans des planètes ne diffèrent des nôtres.-La proximité et Téloignement où elles sont alternativement du grand astre qui éclaire et qui échauffe toutes les planètes, exigent que leurs habitans ne soient susceptibles ni du chaud, ni du froid, ni de la lumière, ni de l'obscurité. La chevelure, la queue et les aigrettes qu'elles prennent quand elles approchent du soleil, indiquent qu'il se fait à leur surface, et peut-être jusqu'à leur centre, des changemens prodigieux. Il paraît que tantôt tout y est en combustion, et que tantôt tout y est dans le calme le plus approchant de la parfaite stabilité. Aucun être vivant et sensible, même aucun être organisé à l'instar de ceux de la terre, ne pourrait subsister avec de telles alternatives. Nous ne connaissons que la matière privée de la vie et de toute organisation à qui toute manière d'être

soit indifférente. Si cependant la nature qui fait voler les oiseaux dans l'air et respirer les poissons sous les ondes, qui donne au pétrel la faculté de poursuivre tranquillement sa proie au milieu des flots en fureur, avait créé des êtres intelligens et constitués assez fortement pour subsister sans peine au milieu des variations, inconcevables du climat des comètes, quels admirables aspects, quelle diversité le ciel ne leur présenterait-il pas? Quelle prodigieuse instruction ne trouverait-on pas dans leurs annales astronomiques? >>

Toutes ces suppositions idéales sont bonnes dans un poëme et dans les notes d'un poëme. Celles que M. Gudin a jointes au sien, ne sont pas la partie la moins impor-tante de son travail. Dans quelques-unes, il ne fait qu'éclaircir ou soutenir les expressions dont il s'est servi dans son texte, mais dans la plupart il donne des explications et des instructions qui ne pouvaient entrer dans ses vers, et ce sont de petits traités ou théoriques, ou historiques, sur divers objets relatifs à l'astronomie, qui complètent l'instruction ou satisfont la curiosité. La note 6 du troisième livre, qui contient un résumé des deux voyages astronomiques de nos savans français dans le dix-huitième siècle, l'un au cercle polaire et l'autre à l'équateur, offre dans peu d'espace deux tableaux du plus grand intérêt. Celui que présente la note 9 est plus intéressant encore, ou du moins d'un intérêt plus général; ce n'est plus seulement la France qui, envoie ses astronomes, en 1761, observer le passage de Vénus sur le disque du soleil, ce sont toutes les nations policées de l'Europe; une seule observation à faire met toute l'astronomie européenne en mouvement, et la dissémine àla-fois dans toutes les parties du globe.

Dans la note 3 du quatrième livre, l'auteur explique et soutient par une discussion métaphysique, qui a le double mérite de la concision et de la clarté, ce vers de son poëme :

L'espace est infini, le tems est éternel,

vers qui semble impliquer une double contradiction

quand on regarde l'espace et le tems comme l'opposé de l'infini et de l'éternité; mais ce n'est pas ainsi que M. Gudin les considère. L'espace, dit-il, est infini et le tems est éternel, parce que l'un et l'autre ne sont rien; la matière est bornée, parce qu'elle est quelque chose. Il s'attache sur-tout à démontrer la partie de sa proposition qui regarde l'espace. Sa méthode est celle des définitions exactes : c'est la bonne. « Il est indubitable, dit-il, que l'espace, l'étendue, le vide, sont des mots qui, lorsqu'on les prend dans une acception générale, deviennent à-peu-près synonymes de néant, et représentent l'immensité qui contient tous les corps et qui est par conséquent infinie. L'espace, proprement dit, est cette partie du néant dans laquelle nage la matière. Le vide est la partie de l'espace contenue entre les masses matérielles. L'étendue est la partie de l'espace qu'on peut mesurer par la géométrie entre les masses de la matière, ou qu'on peut supposer à l'aide de l'imagination. Le néant existerait seul sans limite et sans bornes, si la matière n'existait pas. Il embrasse, il enveloppe l'assemblage entier de l'univers, et s'étend au-delà sans limite; car il n'en peut avoir, il est seul infini. Quelques personnes ont peine à concevoir que l'espace où le néant qui environne tous les corps, tous les globes de l'univers, soit infini! Mais qu'est-ce qui le bornerait? et derrière ces bornes, quelles qu'elles fussent, ne trouverait-on pas encore l'espace, le vide, le néant? »

Les noles proprement dites sont suivies de deux dissertations ou essais philosophiques, l'une sur la pluralité et la diversité des mondes, l'autre sur l'antiquité de la terre. Dans le premier, l'auteur, comme on l'a déjà vu, ne met plus en question si toutes les planètes sont habitées. Fontenelle en 1686, et Huyghens en 1698 ont épuisé cette matière, et n'y ont plus laissé de doutes; mais il examine de quels êtres les différens mondes doivent être peuplés; il croit ces êires les uns fort au-dessus, les autres fort au-dessous de notre faible intelligence; et passant en revue tous les globes, y compris le soleil, et même les comètes, il conjecture d'après leur constitution apparente, et les sortes d'atmosphères dont ils

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