jeter toute en larmes dans ses bras, et lui dire, cher Maurice, que deviendrai-je sans toi? et cet anneau qu'on lui demandait était celui qu'il reçut d'elle. A l'instant il releva, et d'un ton à-la-fois ferme et touché, il reparare maître Thomas , il lui dit qu'il n'oublierait jamais son amitié et ses bonnes intentions , qu'il aimerait toujours Thérèse comme une seur, mais qu'il ne pouvait l'épotiset puisqu'il était déjà engagé dans son pays , et que Panneain qu'il portait à son doigt était celui de sa promise. Il pria maître Thomas de demander à sa fille s'il lui avait jamais dit un seul mot de mariage : il aurait même pu ajoutatque cent fois il lui avait parlé d'Ernestine, et montré son anneau dont elle le plaisantait; mais il ne voulut pas lui attirer des reproches de son père. Ces reproches tombèrent tous sur lui; il les supporta avec tant de douceur que père Thomas, qui était un bon diable , finit par en être touché. Va donc épouser ta prétendue, lui dit-il d'un ton moitié fâché, moitié amical; puisque ce n'est pas Thérèse, le plus tôt que tu partiras sera le mieux; je te regretterai toute ma vie , et tu pourras bien aussi regretter peut-être une fois la boutique et la fille du père Thomas. Maurice partit le lendemain avec le cæur serré d'avoir dit adieu pour jamais à Thérèse. Elle pleura aussi ; mais ne la plaignons pas trop, elle est jeune, jolie et française ; Maurice n'était pas son premier amant, il ne sera pas le dernier, et déjà elle commençait à le trouver un peu trop sage et trop allemand. Pendant les premières journées , le jeune voyageur fut assez triste. La jolie mine de Thérèse occupait sa tête, ses larmes pesaient sur son coeur; il ne pouvait se dissimuler qu'il avait quelques torts avec elle, et beaucoup avec Ernestine : mais Thérèse se consolera, et la bonne Ernestine pardonnera, je lui conterai tout, pensait-il, elle me saura gré de ma franchise et de ma fidélité quand elle saura comme Thérèse était jolie. Plein de cette douce esperance, il chemina plus gaîment, et plus il s'approchait de sa chère patrie, plus Lyon, Thérèse et l'atelier du père Thomas s'effaçaient de sa pensée : tout ce qu'il voyait autour de lui lui retraçait de plus doux souvenirs; déjà les bavolets à barbes retroussées et le tablier de cotonnade rouge ont fait place aux jolis chapeaux de paille et aux tresses flottantes; les coteaux de vigne ont disparu , il ne voit que de vertes prairies et des vergers en fleurs; ; bientôt il n'entend plus que la langue maternelle que son Ernestine savait bien rendre douce en lui parlant, déjà a anille choses lui ont rappelé les mæurs et les contumes de son pays. On était aux premiers jours de mai : chaque amoureux, le premier dimanche de mai, plante un jeune sapin ou un bouleau orné de fleurs devant la demeure de sa belle; Maurice se rappelle tous ceux qu'il a plantés devant da fenêtre de sa chère Ernestine, et comme il était heureux d'entendre dire le lendemain que la plus belle des filles du village avait eu le plus beau des mai! Ah! s'il pouvait arriver assez tôt pour lui annoncer ainsi son retour! Il presse sa marche , il fait de plus longues journées , à peine s'accorde-t-il quelques heures de repos; mais il a beau faire, de premier dimanche de mai arrive , et il est encore à deux grandes journées de Sonnemberg. Il se trouve le soir daus jun grand village qui se nommait Nesselrode: fatigué de ses marches forcées et inutiles, puisque le moment de pladler le mai était passé, il se décide à ne pas aller plus loin ce jour-là, et à passer la nuit à Nesselrode. Tout semblait y être préparé pour la fête de mai : la rue était propre, les fontaines ornées de branchages, et de hautes perches au bout desquelles étaient attachés de gros bouquets avec des rubans flottans ; de jolis mai marquaient les demeures des jeunes filles, tous avaient des fleurs : mais il remarqua uu sapin qui n'en avait que de blanches rattachées par un ruban de crêpe; la rue était déserte. Pour arriver à l'auberge, qui était à l'autre bout, il fallait passer devant l'église ei le cimetière, tous les deux étaient ouverts; l'église lui parut pleine de femmes, et dans le cimetière des hommes étaient occupés à creuser une fosse. Cette vue lui expliqua tout, sans doute il était mort dans ce village un être intéressant; sa perte suspendait la joie publique, et le sapin orné de crêpes avait été planté devant la maison de deuil: il éprouva un serrement de cæur auquel se joignit bientôt un sentin ment de contentement de n'être pas à Sonnemberg. Dieu ! pensait-il, si en arrivant chez moi j'avais vu creuser une fosse mortuaire, quel eût été mon effroi ! et si ce triste mai avait été devant la maison d'Ernestine ! Cette pensée l'émut au point que ne voulant pas entrer dans l'auberge avec cette impression douloureuse, il alla s'asseoir dans une belle place plantée d'arbres allenante à l'église : il tâcha de se remettre en se disant qu'il n'était pas à Sonnemberg, qu'il છે ne connaissait personne à Nesselrode od il passait pour la première fois de sa vie, et qu'à chacun appartiennent ses peines : son cæur était toujours oppressé, il l'attribua au contraste si frappant des apprêts de la tête du printems et de ceux de la « Ah DER D „mort. Tout marquait ce triste contraste autour de lui ; la place avait été nouvellement arrangée pour la danse, elle était couverte d'un sable fin et battu; des bancs de gazon tout frais, des tables, un tréteau pour l'orchestre, et quelques guirlandes de fleurs dans les arbres, tout annonçait que c'était la salle du bal champêtre : mais au lieu du tambourin e du flageolet on entendait les sons plaiotifs de l'orgy accompagnant des chants tristes et religieux; au lieu d jeunes et folâtres danseuses foulant le gazon d'un piat léger, des groupes de jeunes filles, vêtues de deuil, tenant toutes à la main une couronne de romarin entremelée de muguet blanc, vinrent se promener silencieusement en sortant du temple, et attendant sans doute le moinent du convoi funèbre. La lune était dans son plein , sa douce lumière se réfléchissait sur leur visage à demi voilé à travers la feuillée, et leur donnait une teinte de pâleur analogue à la circonstance. Elles en parlaient en se promenani, et Maurice comprit à leur propos que la défunte était une belle et jeune fille. Pauvre Zélie, si jeune et si jolie (dit l'une d'elle en s'asseyant sur le même banc où était Maurice )! mon Dieu, sur quoi peut-op compter ? Oui, mais 'si languissante et si malheureuse ! dit une seconde, elle ne désirait, dit-on, que de mourir. N'aurait-elle pas mieux fait, dit ype troisième, d'aimer et d'épouser Henri le frère de Marie , qui l'aimait si tendrement? elle serait à présent an milieu de nous heureuse et contente au lieu d'être dans son tombeau. Et ce pauvre Hepri, comme il est malheureux à présent! de long-tems il ne nous fera plus de chansons. Avez-vous vu la dernière romance sur la pauvre Zélie, dit l'une d'elles ? ah ! comme elle est touchante! sa sæur me la prêtée et je l'ai d'abord retenue, car c'est l'air de Plaisir d'amour. Nous ne l'avons pas vue, dirent-elles toutes; chantesnous-la , Rose , puisque tu l'as apprise. Ah! je ne sais si j'oserai chanter dans ce moment, Rose' en regardant du côté de l'église : si on allait venir; Marie serait fâchée, peut-être', d'entendre chapter. - Et où est-elle Marie ? elle était avec nous, à l'église. -Elle est allée faire placer sa pauvre amie dans la bière. Elle viendra bientôt. Tenez, la voici Comme elle est triste ! elle ne voudra pas qu'on chante. – Nous allons le lui demander, dirent-elles ; c'est un hommage à Zelie. Marie arriva , elle était plus en deuil que les autres, dit : Je ne puis pas toute vêtue de noir et tenant à la main le bouquet de fleurs blanches , nouées avec un crêpe, que Maurice avait vu attaché au sapin ; elle fut d'abord entourée on lui fit place sur le banc. Marie, en attendant qu'on vienne , chante-nous la romance de ton frère sur la pauvre Zélie , lui dirent-elle toutes à-la-fois. chapter dit Marie en pressant sa main sur son cæur , en vérité je ne le puis pas, mais je crois que tu la sais , Rose ? chante la bien doucement. Il se fit alors un grand silence pour écouter Rose qui chanta à demi-voix, mais lentement et distinctement, les six couplets suivans, dont Maurice ne perdit pas un mot. LA PAUVRE ZÉLIE. - ROMANCE (*). Tant doux refrain d'amour. (Pis.) (Bis.) (Bis.) ( Bisc) (Bis.) (*) L'air gravé est à la fin de ce numéro. Du mois de mai quand reviendra la fête, (Bis.) Combien ce doit être triste de mourir ainsi d'amour, dit enfin la petite Rose ! mais aussi pourquoi ne pas imiter son volage ? Que n'aimait-elle ton frère Henri qui est si beau, si gentil, et qui fait si bien les chansons ! Je l'aimerais bien, moi , s'il me voulait. Ah! comme Zélie aurait bien mieux fait ! n'est-ce pas, Marie ? Elle me disait toujours , répondait celle-ci, qu'on ne peut aimer qu'une fois , et qu'elle n'avait plus de cæur à donner. Mais du moins, dit une autre ,, ne s'est-elle pas trop pressée de mourir ? était-il bien sûr que son ami fût india dèle ? - Ah ! bien sûr. Depuis long-tems elle s'en doutait , elle voyait cela dans ses lettres. Quand on aime commo aimait Zélie , le cœur devine tout ; mais elle se disait : Il reviendra , je le retrouverai , et j'aurai le plaisir de lui pardonner. Il y a trois mois que cet espoir s'évanouit , elle apprit qu'il était marié et qu'il adorait sa femme. Pensez comme c'est cruel ! Depuis lors elle n'a fait que languir : elle aurait voulu pouvoir vivre , car elle aimait ses parens ; mais la douleur a été la plus forte. Il m'a quitiée au mois de mai, me disait-elle, au mois de mai je quitterai la vie. Le mois de mai est arrivé , et Zélie n'existe plus. Conte-nous toute son histoire, Marie, dit la-jeune fille tu la sais mieux que nous, toi qui étais son amie. Mario y consentit, on se pressa aulour d'elle; Maurice aussi se rapprocha , et redoubla d'attention. Son bistoire. est bien courte , dit Marie. Depuis son enfance elle avait... A ce moment la cloche funèbre se fit entendre. Je vous. ferai l'histoire de la pauvre Zélie un autre jour., dit Marie en se levant; allons à présent l'accompagner dans sa der-, pière demeure et poser nos couronnes de fleurs sur sa tombe |