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un tribut à la perfidie de cet élément, ils sont moins sen-
sibles aux pertes qu'ils essurent dans le fort de la tempête,
qu'à celles qué leur font éprouver nos corsaires sur toute

l'étendue de leurs côtes, sous leurs batteries, dans leurs
rades même, comme à Douvres, et sur toute la ligne des
côtes de l'Amérique septentrionale; ils trouvent partout
des bâtimens montés par des hommes qu'à la singulière
audace de leurs entreprises, ils sont bien forcés de recon
naître pour Français. Ces corsaires ne se font pas suivré
en mer par les bâtimens qu'ils enlèvent; ils abordent, ils
capturent, s'emparent de ce que les cargaisons ont de plus
riche , prennent les hommes et brûlent les bâtimens en
pleine mer. Cette méthode expéditive irrite les Anglais au
dernier point, et il ne serait pas surprenant de les voir éta-
blir bientôt une discussion sur cette manière d'exercer le
droit de guerre maritime (1); mais sur un objet d'inquié-
tade plus général encore, inquiétude qui naît de rappro-
chemens plus alarmans pour la politique et la domination
anglaise, il est curieux de lire ce que publie le Courier en
date du 8 novembre.

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« Le bruit d'un nouveau plan d'invasion médité par lés Français, ne doit pas être traité, selon nous avec le mépris que nous pouvions avoir pour cette menace lorsqu'il n'était question que d'une expédition de Boulogne. L'annexion des villes anséatiques à la France, la politique du Danemarck, la force sans cesse croissante des flottes de l'Escaut et du Texel, sont autant de circonstances qui changent considérablement l'état du continent et particulièrement des côtes opposées à nos frontières nord-est, et le rendent bien différent de ce qu'il était en 1805. La certitude, en outre, de n'avoir rien à craindre de l'Autriche, est une autre circonstance qui ajoute encore à la force disponible de l'ennemi. D'un autre côté, la guerre en Espagne et l'attitude de la Russie occupent une grande partie des forces de la France, et il n'est pas propable que le nouveau plan de Napoléon puisse aller au-delà de quelque

les

(1) Ils sont sur-tout d'une colère inexprimable contre le Marengo et
le Duc de Dantzick, noms en effet de bien mauvais
augure pour
Anglais, et qui sont justifiés par le bonheur de leurs entreprises et le
courage de leurs équipages. Le Marengo (armé à Baltimore) à par-
ticulièrement pris un bâtiment venant de la Havane à la Jamaïque,
chargé de 80,000 piastres et 3000 doublons.

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et

tentative faite seulement pour nous empêcher d'envoyer des renforts à notre armée en Portugal, ou propre tout au plus à lui fournir quelque chance pour encourager la rebel lion en Irlande. La flotte de l'Escaut, celle du Texel, les flottilles de Boulogne et de Cherbourg, tenteraient diverses entreprises. Et si Jersey ou Guernesey nous était seulement enlevé, cette conquête (y compris son éclat et sa valeur réelle) serait suffisante pour lui offrir une récompense ostensible et un dédommagement pour tout ce qu'il aurait risqué en la tentant.

Il est bien plus probable que les objets qui se traitent aujourd'hui entre Napoléon et le plus dévoué de ses alliés, le roi de Danemarck, sont relatifs à quelque plan de cette nature plutôt qu'à la possession d'Altona, que les gazettes étrangères ont eu ordre d'assigner comme motif de ces né gociations.

» Le plan peut encore être plus étendu et plus compliqué que celui que nous venons de supposer, mais il ne doit toutefois exciter chez nous rien autre chose que de la prudence et de la vigilance: il ne peut avoir aucun résultat que nous ne puissions avoir l'espoir de contre-carrer (son effet sur la guerre d'Espagne seul excepté), si nous savons faire une distribution convenable de nos forces navales. C'est le désir du gouvernement de s'attendre à tous les contingens possibles, de manière que des moyens de résistance distincts les uns des autres soient préparés pour chaque tentative possible, et que l'ennemi ne puisse pas profiter de l'avantage qui résulterait pour lui, s'il pouvait trouver un point dégarni, parce que les moyens destinés à sa défense auraient été employés au secours d'un autre. Dans la confusion, dans les fausses mesures qui résultent nécessairement de ce défaut de prévoyance générale, consiste le principal ou plutôt le seul avantage de celui qui attaque. Nous devons être tellement préparés à cette multiplicité d'attaques, nous devons tellement être persuadés qu'une tentative ne sera pas faite seule, que les portions de nos forces auxquelles les différens points de notre défense seront assignés, doivent avoir l'ordre particulier de ne pas laisser leur attention se détourner du point dont la défense leur est confiée par la nouvelle qu'une tentative a été faite ailleurs ; chacun doit attendre à son poste le moment du péril, et ne pas s'en écarter pour parer à des dangers qui ne sont pas les siens. Nous pouvons avoir une ou deux escadres d'observation, outre celles qui doivent être

stationnaires; avec nos forces navales, le royaume est en droit d'attendre une protection efficace contre tous les efforts de l'ennemi. "

Quelques notes reçues de Memel achèvent de donner à ces considérations tout le degré d'intérêt dont elles sont susceptibles.

Le gouvernement prussien, est-il dit dans une de ses notes, vient de révoquer le décret par lequel il permettait de tirer des denrées coloniales de la Russie sous un droit modéré, et il y a substitué purement et simplement le tarif continental; en conséquence les prix ont haussé. J'apprends, dit un autre correspondant, en date du 4 novembre, que les denrées coloniales sont ici décidément prohibées. Un petit bâtiment chargé de rhum, venant de Liéban, a été confisqué. Quant à la politique prussienne, il est impossible de dire ce qui se passe.

Les relations avec les Etats-Unis sont aussi toujours l'objet des inquiétudes du ministère : on croit généralement que l'Amérique embrassera le parti de la France, et que M. Barlow, ambassadeur des Etats-Unis auprès de l'Empereur Napoléon, a déjà accrédité cette opinion. Rien n'est encore connu des résultats de sa mission on ajoute seulement que probablement le gouvernement français se rapproche de celui d'Amérique pour accroître et soutenir sa marine. Il est difficile de passer l'Atlantique sans être aperçu par les croiseurs anglais; on présume donc à Londres que la France se propose d'envoyer successivement des ports de France de petites escadres pour former par degrés des forces navales considérables dans les ports de l'Amérique. Dans cette circonstance l'opinion est partagée sur la question du maintien ou du rapport des ordres du conseil : le bruit courait, le 7, que l'intention des ministres de S. M. était d'abolir ces ordres, ou de les modifier de manière à éloigner de la part des Etats-Unis tout sujet de méconten

tement.

L'Amérique méridionale continue à être le théâtre de la guerre que s'y livrent le parti de l'indépendance et celui de la vieille Espagne. Aux Caraccas, Miranda a pris la nouvelle Valence, et le pays est rangé sous le nouvel étendard; mais sur les bords de la Plata, les deux partis de BuenosAyres et de Montevideo, assez forts pour lutter, pas assez sans doute pour que l'un domptât l'autre, ont accédé à un arrangement conclu le 10 septembre. La négociation a duré 48 heures. Les bases convenues entre la junte et le vice

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roi, sont l'unité de la province avec la mère-patrie, une amnistie générale, le rétablissement du commerce sur les mêmes bases qu'il avait anciennement; l'exclusion du territoire de toutes les troupes portugaises qui s'y sont avancées; si ces troupes refusaient d'évacuer le territoire, les deux armées réunies marcheraient pour les y contraindre. Quant à la reconnaissance des cortès qui soutiennent en ce moment, en Espagne, la guerre contre la France, cette question sera débattue par le congrès général qui devra s'assembler par suite de la convention.

Les papiers anglais ne donnent sur l'Espagne aucune nouvelle postérieure aux événemens déjà connus. Quelques lettres contiennent seulement sur ces événemens des détails curieux, et qui méritent d'être rapportés.

Marmont, écrit un officier de lord Wellington, avait eu certainement l'intention de nous attaquer le 27 septembre; mais lord Wellington n'a échappé qu'avec peine à l'ennemi le 25; quelques dragons, au moment où il était très-occupé à reconnaître les mouvemens de l'ennemi, ayant tout-à-fait gagné ses derrières, eussent certainement atteint et pris S. S., si le major Gordon ne fût venu au grand galop l'informer de la position où il se trouvait; ce qui lui fit chercher son salut dans la vitesse de son cheval. Lord Charles Manners fut aussi vivement poursuivi, et fut obligé de sauter un large ruisseau.

» Il court le bruit, et ce bruit est très-probable, que Soult descend du côté de l'Alentejo. Il est bien clair que les Français n'ont pas besoin de nous chasser de la péninsule, ou du moins sont persuadés qu'ils atteindront mieux leur but en nous laissant faire dans cette guerre de grandes dépenses d'hommes et d'argent. »

En Sicile tout est confusion. Les troupes napolitaines passent 16,000 hommes, elles seules sont attachées à la reine. Les Anglais prétendent que les Siciliens sont pour eux, que la noblesse, sur-tout, leur est très-attachée. On a fait venir de Malte de nouvelles troupes anglaises et de l'artillerie. Tout reste suspendu jusqu'au retour de lord Bentinck dans l'île, et il est difficile de dire, observe le Statesman, de quel côté est l'inquiétude la plus grande, si c'est chez les Anglais, chez les Siciliens ou chez la reine. Cet aven a quelque chose de par trop naïf: n'en résultet-il pas dans l'un des trois cas, ou que les Anglais sont de bien faibles auxiliaires, ou qu'ils sont de bien dangereux alliés, ou qu'ils ont pris une position qu'ils ne sont pas

assez forts pour soutenir ? J'espère encore être reine pendant trois mois, a, dit-on, répondu la reine à un officier anglais qui prenait congé d'elle. Si ce mot est vrai, il est difficile de mieux donner à un officier allié la mesure de l'idée l'on que se forme de sa loyauté et du désintéressement de ses services.

Il est vraisemblable, dit le Courrier du 14, que l'événement dont nous avons parlé (l'occupation ) a déjà lieu dans le moment actuel (il suppose lord Bentinck arrivé et agissant d'après les instructions ministérielles ). On assure que toute l'ile est en insurrection. On voyait par-tout af afficher ces mots : Rien que les Anglais, ou point d'Anglais (1).

(1) Le Moniteur publie à cet égard la note que nous allons transcrire; nous nous félicitons d'avoir, dans les quatre derniers numéros, présenté les mêmes idées, mais elles sont ici produites et rapprochées dans une forme piquante qui ajoute à leur intérêt.

Ce qui se passe entre l'Angleterre et le gouvernement de Sicile, c'est la fable du loup et de l'agneau. Toute discussion sur ce sujet deviendrait done puérile.

La France n'a jamais eu de plus grande ennemie que la cour du roi Ferdinand.

L'Angleterre n'en a jamais eu qui lui ait été plus constamment et plus aveuglément attachée.

Le prince qui règne en Sicile. a perdu un royaume pour avoir été fidèle à son alliance avec l'Angleterre.

Les Anglais sont détestés en Sicile. Le caractère anglais ne sympa-. thise avec celui d'aucun peuple : langue, religion. moeurs, tout est ici en opposition. Si les Anglais chassent le roi Ferdinand de la Sicile, ils font une chose extrêmement agréable à la France, et une chose contraire à leur vraie politique. Occuper de petits postes et jamais de grands pays, "voilà ce que leur intérêt bien entendu leur commande impérieusement. Oublier ce principe, c'est agrandir le gouffre déjà entr'ouvert sous les iles britanniques.

Quinze mille hommes que l'Angleterre a aujourd'hui en Sicile joints à vingt mille Siciliens, forment une force de trente-cinq mille hommes. Lorsque l'Angleterre sera maitresse de la Sicile, ses quinze mille hommes ne lui suffiront pas pour la police du pays. Elle n'en retirera aucune ressource. La Sicile lui coûtera beaucoup. L'administration anglaise est la plus coûteuse et la pire de toutes les administrations. Le climat, les assassinats, les pertes journalières viendront miner encore la population de l'Angleterre; et les dépenses que les Anglais feront en Sicile seront une nouvelle source de dépréciation de leur change.

Les six maximes suivantes, extraites des écrits officiels anglais, doivent être lues, relues et méditées par tous les rois.

PREMIÈRE MAXIME. Notre traité de défense avec le roi de Sicile

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