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moins, et veut le faire juger par une cour martiale, selon les lois de la guerre. Un ami de l'accusé va solliciter une lettre d'empenho, du consul, intimément lié avec le colonel. Le consul répond que quand il en écrirait cinquante, elles seraient inutiles. L'ami répliqua ainsi M. le consul, vous savez qu'ici l'on ne peut pas refuser une lettre d'empenho à un mendiant même, et bien moins à une personne de mon rang. En supposant que mon ami soit coupable comme vous le prétendez, il en a d'autant plus besoin de la protection des personnes puissantes, qu'un homme probe et vertueux est suffisamment protégé par son propre caractère. Quand une fois j'accorde ma protection à un criminel de la plus noire espèce, je ne m'embarrasse pas des qualités ou des défants de ce criminel, mais de savoir si mon autorité doit être écoutée de la personne à laquelle je m'adresse, et qui a le pouvoir de protéger le coupable contre les rigueurs de la justice et des lois. » Quoi que le consul objectât sur l'inutilité de la lettre, parce que le colonel ferait son devoir, l'autre ayant toujours insisté, la lettre lui fut accordée. Ce qu'il y a de plus bizarre, c'est que le colonel fut obligé de cesser sa poursuite parce qu'il suffisait de prouver qu'il existait une lettre d'empenho écrite par un de ses amis.

Le second usage est relatif au duel. Quand un gentilhomme se trouve offensé, il peut en tirer satisfaction: cette proposition est admise non dans la morale, mais dans le code des nations civilisées de l'Europe : voici le genre de satisfaction permis en Portugal. On attend son adversaire au coin d'une rue ou d'un chemin, et on le tue sans aucune forme de procès. « Le duel, disent les Portugais, est une manière abominable et ressemble à un assassinat prémédité, qui ne convient qu'aux Anglais et aux Allemands et aux autres sauvages du nord de Europe. » Eufoncer le poignard dans le cœur de son rival, ce n'est point un assassinat prémédité, c'est simplement une vengeance, et la vengeance est permise. Ces meurtres ne sont jamais poursuivis. Il y a une classe d'hommes fort habiles à manier le stilet et qui sont aux gages des autres. En se rappelant les réfutations élo

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quentes que nos plus célèbres écrivains ont faites du duel, si l'on songe qu'effectivement un démenti n'avait d'autre résultat en Europe, suivant les lieux et l'usage que le duel ou le guet-apens, on est obligé de convenir que le premier méritait la préférence sur le second, parce qu'entre deux maux il faut choisir le moindre.

Pendant que nous en sommes aux usages portugais, il ne faut pas en oublier un relatif au militaire. Tous les regimens de ce pays sont mis sous la protection d'un saint. Voici le récit du commandant d'un de ces régimens. « Le corps dans lequel je sers, formé il y a environ cent ans, prit saint Antoine pour son patron et son protecteur. Le saint reçut, quelque tems après, une commission de capitaine. Ses appointemens payés régulierement depuis cette époque ont toujours été employés, ainsi que deux sols par mois pris sur la paye de chaque individu, à faire dire un nombre fixe de messes, à nourrir les chapelains, à parer la chapelle, à défrayer les autres dépenses casuelles, sous l'inspection d'un officier du régiment, appointé pour cela. Le major, ayant occupé depuis quelques années le poste de surintendant pour saint Antoine, n'a cessé de fatiguer la cour de mémoires et de certificats de service en faveur du saint, pour le faire parvenir au rang de major-adjoint. Ces certificats renfermaient le détail des miracles faits par saint Antoine, attestés par le témoignage dont voici un extrait: D. Hercule- Antoine-Charles-Louis-Joseph-Marie Aranjo de Magalhaens, seigneur de, etc., j'atteste et certifie que le seigneur saint Antoine, autrement le grand saint Antoine, a été enregistré et a exercé un emploi dans le régiment depuis le 24 janvier 1668, qu'il fut enrôlé comme simple soldat; qu'il donna pour sa caution la reine des anges; qué S. M. l'a promu au rang de capitaine pour s'être bravement conduit; que, dans tous les registres, il n'y a aucune nole de mauvaise conduite, ni d'aucune риа nition à lui infligée, telle que la fustigation; qu'il a constamment fait son devoir; qu'il a été vu une quantité de fois innombrables par ses soldats, ainsi qu'ils sont tous prêts à le certifier; d'après tous ces témoignages, je le regarde comme très-digne du rang de major-adjoint, etc. La der

nière reine accorda la promotion et fit saint Antoine major-adjoint. Il serait fâcheux qu'elle eût oublié le compagnon dont Sedaine a fait un moine; cependant le Voyageur n'en fait aucune mention.

Un lieutenant-colonel envoyé de Goa contre les Marattes par le vice-roi, fut chargé d'exécuter les ordres qu'il trouverait dans une lettre clause qu'il ne devait ouvrir que dans un endroit désigné. Sa troupe ayant fui à l'approche des ennemis, il fut traduit devant une cour martiale. Il ouvrit la lettre clause signée du vice-roi et lut ce qui suit : «Sous les ordres des deux généraux en chef saint Xavier. des Indes et saint Antoine, le lieutenant-colonel Gatinoco marchera avec 200 hommes, selon les instructions qu'il recevra des deux saints. » Gatinoco prétendit que les deux généraux devaient être traduits à sa place: il prouva qu'il n'avait reçu aucun ordre ni de saint ni d'homme la cour martiale ne le trouva pas coupable, mais le vice-roi le retint en prison pendant plusieurs années.

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Entre mille preuves de la puérile crédulité du peuple, nous choisissons celle-ci.' « On nous montra à Lisbonne la vierge tenant l'enfant Jésus dans ses bras. La vierge était portée sur la lune dans son croissant : tout autour d'elle étaient peintes des étoiles d'or sur un fond d'azur. On l'appelait nostra senhora de Empyreo, notre dame de l'Empyrée. L'enfant tenait un globe d'une main et un sceptre de l'autre. Le prêtre ayant mis ses gants bénits et son étole avant d'oser le regarder, nous dit que l'enfant que nous voyions sur les genoux de sa mère, grandissait d'une manière sensible tous les ans, que souvent on lui coupait les ongles des mains et des pieds dont il conservait précieusement les rognures. » Voir grandir sensiblement un enfant sans qu'il atteigne jamais taille d'homme, ce n'est pas un miracle ordinaire.

Ceux qui aiment les aventures en trouveront dans cet ouvrage : nous avons dû le considérer sous un point de vue plus sérieux. Terminons par un mot sur le marquis de Pombal, dont le voyageur s'occupe à différentes reprises et avec des détails intéressans. « Ce ministre avait promulgué d'excellentes lois, mais elles n'avaient aucune

espèce de connexion entre elles, et se contrariaient de manière qu'une loi abrogeait toujours quelques parties de celles qui l'avaient précédée immédiatement. On remarquait que toute loi nouvelle était plutôt calculée pour atteindre à un but particulier que le ministre avait alors, que pour servir au bien général. Le marquis de Pombal fit des lois pour l'encouragement de l'agriculture, pour la répartition des terres, pour empêcher les propriétés particulières de devenir trop étendues, pour le recrutement de l'armée, mais il ne permit à la loi d'agir que dans les procès qui s'élevèrent entre les gens de campagne : elle atteignit tout au plus la classe mitoyenne des villes; et les propriétés du marquis s'agrandissaient hors de toute proportion au moment même où il limitait celles des autres. »>

On est très-heureux de faire un pareil voyage au coin de son feu; et quand on sait qu'en des pays si beaux, où le soleil brille d'un éclat aussi vif, la terre attend toujours des mains industrieuses, que la vie de l'homme est mise impunément à un vil prix, que les arts sont méconnus, les douceurs d'un commerce social ignoré, on se félicite d'avoir une patrie où l'on goûte ces plaisirs purs et vrais qui, seuls, embellissent l'existence. D. D.

PLATON DEVANT CRITIAS; par J. P. BRES, avec cette épigraphe

Dixit insipiens in corde suo : non est Deus.

Un vol. in-16. Prix, 2 fr., et 2 fr. 25 cent. franc de port. A Paris, chez Lenormant, rue de Seine, no 8.

QUELQUES incrédules du dernier siècle ont prétendu que les premiers chrétiens avaient embrassé les dogmes de Platon, que presque toutes les écoles de philosophies'accordaient alors à regarder comme le maître de la sagesse et l'interprête de la divinité. Il est vrai que des Pères de l'Eglise eux-mêmes, frappés des rapports qui

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