Page images
PDF
EPUB

dans les derniers jours de ce mois que ceux-ci renouvellent leurs provisions, et que ceux-là se disposent à recevoir quelques gouttes de cette pluie bienfaisante.

Si nous jetons les yeux sur la classe ouvrière, nous la voyons sans cesse occupée du soin d'enrichir sa boutique ou son atelier de quelque nouvelle combinaison propre à fixer l'attention des curieux, à faire naître l'envie ou le désir. Le marchand de joujoux par excellence, Cacheleux déballe avec précaution des magots qu'il dit arrivés non de la Chine, mais de Nuremberg; les marchandes de modes fabriquent des chapeaux de toutes les formes, excepté de celles des têtes qui s'en affubleront; elles étalent avec art les robes et les schals drapés avec mollesse et grâce, qui malheureusement ne sortent presque jamais du magasin; elles font ondoyer des rubans sur lesquels un demijour perfide, habilement ménagé, fait glisser mille reflets, mille nuances délicates qui disparaissent dès qu'on y touche. Les libraires disposent de vieux livres en habit neuf et doré (et ce ne sont pas les moins bons), près d'autres livres nés d'hier dont la gravure et la reliure font tout le prix; ils exposent entr'ouverts des almanachs de toutes les couleurs, de tous les formats; mettent à côté de la chanson grivoise, la romance plaintive, et le rustique Mathieu Lansberg qui ne ment que lorsqu'il prédit l'avenir, auprès de l'almanach des grâces qui va toujours à son adresse. Mais trouvons-nous au rendez-vous général, où s'approvisionnent les personnes de tout âge, de tout rang, de toute condition. C'est un palais de fée : on le dirait formé de cristaux, de rubis et de diamans. L'œil est blessé de son éclat éblouissant on respire à peine à travers un nuage de parfums dans une atmosphère attiédie d'où l'on brave les frimas. Combien de cerveaux ont été mis à contribution pour meubler ce palais enchanté dédié au fidèle berger! Que de tortures on s'est données pour trouver de nouvelles combinaisons, pour imaginer des nuances inconnues, pour produire des effets inattendus ! Les muses mêmes si fières, si libres se sont mises aux gages du Dieu de la gourmandise; leur vaste génie s'est rapetissé, rétréci, roulé, renfermé dans le creux d'une noix, d'une olive; ou, dédaignant cette étroite prison et se dégageant des entraves de la devise et du distique, il produit quelquefois un quatrain pour avoir les honneurs de la papillote et devenir un diaBlotin sucré. De cette réunion bizarre résultent les amusemens du goût et de l'esprit. Si les vers sont mauvais

[ocr errors]

n'a

les bombons ne le sont pas. On a toujours quelques dédommagemens. Le confiseur trouve son comple; le rimeur pas perdu son tems: le marmot qui ne sait pas encore lire bien couramment est celui qui gagne le plus; pendant qu'il croque le bombon, il se fait lire la devise, et la part du lecteur ressemble à celle que donne le juge dans la fable de l'Huître et des Plaideurs.

:

- paraît un nouvel ouvrage ancien. Ce n'est point une compilation ni un plagiat: ce sont des mémoires écrits dans le seizième siècle, et qu'on dit fort curieux. En voici le titre Les Commentaires du soldat Vivarais, où se voit l'origine de la rebellion de France et toutes les guerres que, durant icelle, le pays a souffertes, divisés en trois livres, selon le tems que lesdites guerres sont arrivées. Ces Mémoires sont suivis du voyage du duc de Rohan en Vivarais, en 1628, et d'une anecdote extraite du journal manuscrit d'un ancien chanoine de Viviers.

pas

Un bon Suisse, parti de ses montagnes pour se faire auteur à Paris, a eu le bon esprit, de peur d'écrire du français-suisse, de copier littéralement, par-ci, par-là, non pas des pages, mais des chapitres entiers, dont il a supprimé le titre, après les avoir amalgamés tant bien que mal. De cette opération il est résulté d'abord un ouvrage sur l'agriculture, en deux volumes. Tout étonné de celte création, il a redoublé d'ardeur, et calculant qu'après avoir écrit pour les cultivateurs de cabinet qui ne sont mal nombreux à Paris, il fallait instruire ceux qui instruisent la jeunesse et sont plus nombreux encore il a rapétassé tous nos recueils pour en faire un onvrage sur l'éducation, ne citant personne parce que c'est un usage trop vulgaire, s'appropriant tout et offrant le précepte et l'exemple. Pendant que ce ravaudage arrivait à sa fin, on confrontait le premier ouvrage avec tous ceux aux dépens desquels il existait, et l'on trouvait que dans un volume, sur 380 pages, il y en avait 373 littéralement transcrites. Cette découverte a donné l'éveil. On a soigneusement examiné la seconde production. Même résultat. De crier au voleur; et le voleur de prouver qu'il n'avait pillé que les morts et les anonymes, deux classes de gens qui ne se plaignent point, et de prétendre que les vivans n'ont pas le droit de se plaindre pour eux; enfin de démontrer qu'il avait droit de pillage. L'affaire du bon Suisse en est là. Au moins il y a quelque conscience dans son fait.

-La fécondité de Scudéry paraissait prodigieuse à Boi

leau; mais elle n'est rien en comparaison de celle de

6

T

Cele de quel

ques auteurs modernes. Quoiqu'il ne fût pas difficile d'en trouver parmi nous des exemples, nous sommes cependant obligés de convenir que nos voisins, grâces à un seul écrivain, l'emportent sur nous, et qu'ils ont même sur les autres nations une incontestable supériorité. Il s'agit de Kotzbue qui, à des entreprises de romans, de drames, de mélanges et de voyages, vient d'ajouter celle de deux journaux qu'il a créés. L'un paraît à Darmstalt sous le titre de la Corbeille de fleurs de Clio, et l'autre à Koenigsberg, sous celui du Grillon, petit animal dont le cri fort importun, assourdissant, est sans doute beaucoup moins incommode que le pathos germanique du journal qui porte son nom. Si l'on demandait comment on peut, à la fois, faire paraître deux journaux dans deux villes, un roman dans une troisième, un drame dans une quatrième, nous répondrions que c'est le secret de l'auteur.

- Un autre Allemand, qui refuse à Racine la sensibilité, l'harmonie, le génie poétique, vient de publier un cours de lecture sur l'art dramatique. It dépèce Corneille, Voltaire, Regnard, Molière, dont la prose et les vers choquent certaines oreilles tudesques. Nous regardons, nous autres Français, que c'est folie de vouloir Juger une langue étrangère, et quand nous nous avisons de critiquer un ouvrage écrit dans cette langue, nous ne parlons que du plan, des idées et de leur enchaînement.

[ocr errors]

On parle d'un poëme satirique intitulé: Professión de foi des poëtes à la mode. C'est une muse des bords de la Garonne, qui s'amuse aux dépens des muses de la Seine. Celles-ci attendent et se mettent en mesure de répondre.

Il a paru dans le mois de novembre trois romans: Le Secret impénétrable, par M. de Faverolles; Stanislas, Mme Bournon-Mallarme, de l'Académie des Arcades de Rome, et Bonheur et Malheur, par Mme Guénard.

par

INVENTIONS. En voici une qu'on assure n'être pas une plaisanterie, et comme l'annonce en a été faite dans plusieurs journaux, nous allons l'offrir textuellement ne connaissant ni l'instrument, ni les sybarites qui en ont fait usage. On cite un de nos célèbres pharmaciens qui a fait établir une seringue à mécanique vraiment originale. Il la réserve pour les jeunes personnes qui trop souvent répugnent à prendre un genre de remède si simple et si salulutaire. L'instrument est renfermé dans un meuble de la

forme accoutumée. Quand le liquide est parvenu au degre de tiédeur que vous désirez, et que vous êtes assis bien à votre aise, vous mettez en mouvement un balancier à tems égaux; le piston s'avance, le cylindre tourne vous entendez alors un petit concert tout-à-fait enchanteur, et qui vous distrait fort agréablement de l'espèce d'ennui que pourrait vous causer la cérémonie. » Cette recherche officieuse produit un résultat admirable sans doute; mais en toute chose il faut songer à l'avenir on est toujours obligé à des redditions de compte, et l'invention d'un moyen qui exempterait de cette reddition serait plus précieuse encore. Personne n'est curieux de voir son épitaphe ni de mériter celle qui fut faite pour un malade mort parce qu'il n'avait pas voulu rendre ses comptes. On conviendra que ce n'est point à-propos de bottes que nous rappelons cette épitaphe:

Ci-git qui se plut tant à prendre,

Et qui l'avait si bien appris,

Qu'il aima mieux mourir que
Un lavement qu'il avait pris.

-

rendre

X.

re

SPECTACLES. Théâtre du Vaudeville. - Première présentation de Laujon aux Champs-Elysées, vaudeville

en un acte.

c'est au

En affaires de commerce et de théâtre, les associations les plus nombreuses ne sont pas les plus heureuses; il y a même peu de tems que l'on est convenu de se réunir pour faire ensemble ce que jadis on faisait tout seul: ce n'est pas que je proscrive toute association; le genre du vaudeville semble même les permettre, et ma rigueur ne se laisserait-elle pas désarmer en songeant que triumvirat de MM. Barré, Radet et Desfontaines que nous devons un bon nombre des plus jolis ouvrages joués sur ce théâtre, tels que M. Guillaume, Lantara, les Deux Edmond, Duguay-Trouin, la Colonne de Rosbach, et tant d'autres pièces dont ne se lassent point les amateurs du vrai genre du vaudeville?

Laujon, président du caveau moderne, était chéri de chacun des aimables épicuriens qui le composent. Un peintre qui perdrait son ami ferait revivre ses traits sur la toile aniinée; un sculpteur ferait parler le marbre; un poëte exhalerait sa douleur en vers harmonieux et mélancoliques; le

chansonniers du Rocher de Cancale, persuadés que leur président, ainsi que Coligny,

» Voulut du moins mourir comme il avait vécu, »

ont épanché leur douleur en joyeux flons-flons, et consigné leurs regrets dans des couplets remplis de grâce et d'esprit ; voici la fable qu'ils ont imaginée.

Le théâtre représente les Champs-Elysées, où les ci-devant chansonniers ont l'habitude de se réunir tous les mois comme jadis ils le faisaient sur terre. Anacréon ne peut cette fois présider leur joyeuse réunion, et l'on est embarrassé sur le choix du suppléant, lorsqu'on annonce l'arrivée de Laujon; alors plus de doute, et lui seul est jugé digne de présider le Caveau des Champs-Elysées comme il présidait celui du Rocher de Cancale. Que pouvait-il résulter d'une réunion aussi nombreuse que celle des dîneurs modernes? une pièce,...... non, mais un assemblage de couplets charmans, dont un bon nombre a obtenu les honneurs du bis, et si le public n'en a pas fait répéter davantage, c'est qu'il était embarrassé sur le choix, et qu'il craignait de faire jouer deux fois la pièce.

Nous représenterons seulement aux auteurs que c'est par inadvertance sans doute qu'ils se sont comparés à Favart, Panard, Collé, Piron, Volsenon et Vadé. Nos poëtes tragiques et comiques pensent peut-être dans le fond de leur ame égaler Corneille, Molière et Racine, mais ils n'ont pas la bonne foi d'en convenir.

Les acteurs et actrices chargés de représenter les illustres morts qui reçoivent Laujon aux Champs-Elysées, ont joué leurs rôles de manière à ne pas faire dire qu'ils n'étaient que l'ombre d'eux-mêmes.

B.

« PreviousContinue »