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échouent difficilement. Les immenses travaux que l'ennemi a faits dans l'Escaut pour hâter l'exécution de ses projets maritimes, sont réellement formidables et de nature à nous causer les plus sérieuses alarmes. Les malheurs qui résulteraient pour nous de la sortie heureuse d'une escadre francaise qui se porterait sur l'Irlande en tournant l'Ecosse, ou qui cinglerait vers l'Amérique, dans les circonstances où nous nous trouvons relativement aux Etats-Unis, méritent l'attention la plus sérieuse. Les dangers auxquels une flotte ennemie serait exposée dans un tel cas, seraient sans doute très-grands; mais l'objet est de la plus haute importance et mérite bien qu'on s'expose à quelques risques.

. L'opinion générale en France est que, sous peu de tems, Napoléon aura des forces navales suffisantes pour lutter avec les nôtres. Il est constant que, dans l'Escaut seulement, la France aura avant Noël une flotte de trente à trente-cinq vaisseaux de ligne. Nous devons donc surveiller ses mouvemens et ses mesures avec d'autant plus de soin, que nous ne pouvons douter que Napoléon ne soit toujours disposé à tenter les plus grands efforts pour anéantir notre supériorité maritime. "

En lisant ces extraits de papiers anglais, on croirait que notre ennemi avait connaissance des détails que le voyage de S. M. sur les côtes allait rendre publics. L'Anglais, en effet, ne fait ici que présager et dire à l'avance ce que le Mo niteur va en quelque sorte dire après lui. Les aveux ennemis vont au-delà de nos assertions, et les alarmes de l'Angleterre sont en proportion de nos espérances.

Voici ces notes officielles sur le voyage de S. M.: elles doivent terminer cet aperçu des événemens hebdomadaires qui intéressent la politique générale.

S. M. est partie le 19 de ce mois au matin de Compiègne, et arrivée à Montreuil à quatre heures après midi; elle est restée deux heures dans cette place, et a ordonné, après en avoir inspecté la situation, divers travaux aux officiers du génie.

A huit heures du soir elle est arrivée à Boulogne; le 20, à six heures du matin, elle a passé en revue la division d'infanterie commandée par le général Ledru; à midi, S. M. s'est embarquée pour visiter la flottille, et est allée par mer voir les ports de Vimereux et d'Ambleteuse; le prince de Neuchâtel et le ministre de la marine accompagnaient l'Empereur dans son canot, qui était conduit par le capitaine de vaisseau Lecoat-Saint-Haouen.

Pendant ce tems, la flottille échangeait des coups de canon avec la station anglaise et la forçait de prendre le large.

Le 21, l'Empereur a passé en revue les autres troupes et a inspecté les fortifications de Boulogne.

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Le contre-amiral Baste, commandant de la flottille, a eu différens engagemens avec la croisière ennemie; bâtiment écurie étant allé à la dérive, a été pris; mais les bâtimens anglais ont été très-maltraités; ils ont eu deux officiers et une trentaine d'hommes tués ou blessés. La frégate commandante a été criblée par les boulets de 24 de nos canonnières, qui l'ont obligée à mettre sur-le-champ le cap sur l'Angleterre, pour se faire radouber; on sera forcé de la faire entrer dans le bassin.

Le 22, à neuf heures du matin, S. M. a fait défiler le corps d'armée que commande le maréchal duc d'Elchingen, ainsi que les bataillons d'équipage de la flottille; avant que S. M. montât à cheval, les différentes autorités du pays lui avaient été présentées à l'issue de la messe.

A deux heures, S. M. est montée en voiture, et est arrivée à Ostende à minuit.

Le 23, l'Empereur, après avoir visité les fortifications d'Ostende et ordonné de nouveaux travaux, est parti à cheval en suivant le Strand par la route de Blankeimberg, a passé le Swyn et est arrivé à Breskins à six heures du

soir.

Le 24, l'Empereur est monté à cheval, et a visité dans le plus grand détail le Fort-Impérial, le Fort-Napoléon et le Fort-du-Centre de l'île de Cadzand. S. M. a été trèssatisfaite des travaux du génie. Soixante mortiers, partie à plaque, partie de nouvelle invention, partie mortiers de 12 pouces à la Gomer, les uns portant leurs bombes à 2500 toises, les autres à 2000 toises, et les mortiers à la Gomer, à 1500 toises, soixante pièces de 36 et vingt pièces de 48, sont en batterie dans ces trois forts. Des casemates à l'épreuve de la bombe contiennent les magasins et la garnison. Une large inondation couvre les fraits de terre, qui ont eux-mêmes des cavaliers armés de pièces de siége. Dans l'impossibilité de cheminer à travers l'inondation, l'ennemi qui voudrait prendre le Fort-Impérial, devrait cheminer sur la digue. Il n'arriverait au Fort-Impérial qu'après s'êtré empore du For-Napoléon, fort qui est construit en maet susceptible d'une vigoureuse résistance. Il après cela obligé de cheminer sur la digue pour forse Fort-du-Centre; et, après ces deux grands siéges

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évalués par les gens de l'art devoir durer quarante jours de tranchée ouverte, il ne se trouverait qu'à quatre cents toises du Fort-Impérial, ce fort ayant des cavaliers casematés, une galerie de mine, une traverse sur la digue et autres ouvrages avancés. Deux autres forts placés sur la digue défendent le Fort-Impérial en amont du fleuve. On doit donc considérer le Fort-Impérial comme susceptible d'une défense régulière de trois mois de tranchée ouverte, sans calculer les accidens que l'assiégé pourra faire naître dans un terrain où l'on ne peut cheminer que sur une digue.

A une heure après-midi, S. M. est montée à bord de l'escadre par un très-joli tems. Elle a commencé sa visite par l'Anversois, vaisseau de 74, commandé par le capitaine Soleil, qui tenait la tête de la ligne. Elle a parcouru successivement toute la ligne, s'arrêtant sur chaque bâtiment; S. M. a donné sur chacun divers avancemens; elle a été très-satisfaite de la tenue des équipages et des vaisseaux; elle en a témoigné sa satisfaction au vice-amiral Missiessy, commandant en chef l'escadre, et aux officiers. Le ministre de la marine, en peu d'années, a créé une escadre de 30 vaisseaux de guerre, munis de tout, dans une contrée où, il y a huit ans, il n'y avait pas un chantier; cales de construction, bassin, magasin, vaisseaux, toul a été formé.

A six heures du soir, S. M. a fait arborer son pavillon à bord du Charlemagne, où elle a passé la nuit.

Le 25, à huit heures du matin, la mer est grosse et le vent grand frais.

S. M. a accordé la décoration de la Légion-d'honneur aux pilotes Pierre Thomas et Mathieu Amadis, et à chacun une pension de 3000 fr. leur vie durant, pour les services rendus à l'escadre. L'un de ces pilotes est de Flessingue, l'autre de Brest. L'un est chef du pilotage de l'intérieur du fleuve, l'autre de l'extérieur.

Le ministre de la marine, le vice-amiral Ganteaume, colonel commandant les marins de la garde, le vice-amiral Missiessy, le contre-amiral Ruysch, out eu l'honneur de dîner avec S. M.

Le 25 et le 26, un coup de l'équinoxe s'est fait sentir. Il a venté grand-frais, et la mer a été très-houleuse. Il a été impossible de communiquer avec la terre. *

Le 26 après-midi, trois vaisseaux ont appareillé, et ont fait différentes manœuvres.

S. M. n'a point souffert de la mer

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Le 27 septembre, l'Empereur est allé à Flessingue. S. M. a été très-satisfaite des immenses travaux que le génie et la marine y ont exécutés.

Le fort Montebello est armé de quatre-vingts bouches à feu, avec réduit casematé. Les fronts de mer de Flessingue sont armés de cent pièces de 36, et de soixante mortiers à plaque, ou de 12 pouces à la Gomer. Toute la partie en arrière de Flessingue a été relevée; des flaques d'eau y procurent une inondation de 150 toises, soutenue par un système de lunettes. De bons chemins couverts, de bons glacis et trois couronnes placées à 1200 toises en avant, s'appuyent sur les forts Saint-Hilaire et Montebello, et mettent la place à l'abri de tout bombardement. Le fort Saint-Hilaire, armé de cinquante bouches à feu, est réuni au fort Rameskens par des forts intermédiaires. Le fort Rameskens, couvert par une couronne qui est elle-même couverte par des inondations; des digues coupées et réunies par batardeaux en maçonnerie; des galeries de mine pratiquées à soixante toises des digues, de manière à les faire sauter si cela était nécessaire : tel est l'aperçu des immenses travaux faits depuis deux ans à Flessingue. Il est vrai que le génie de terre seul a employé dans cet espace de tems près de neuf millions. On achève des cavaliers casematés dans l'intérieur de la ville; et déjà les magasins à poudre, les magasins des vivres et l'arsenal sont à l'abri de la bombe. Ces travaux ont mis Flessingue au rang des places de premier ordre.

La marine a fait également des travaux considérables. Tous les quais des bassins que les Anglais avaient voulu détruire ont été réparés. Les mines par lesquelles l'enuemi a fait sauter l'écluse étaient si mal dirigées, que le radier n'a pas souffert; on l'a découvert, et on l'a trouvé intact et en bon état. L'ingénieur Sganzin est parvenu à donner vingt-cinq pieds d'eau aux portes, en faisant creuser dans le radier. L'écluse sera finie cette année, et trente vaisseaux de guerre pourront y entrer tout armés, avantage que ce bassin n'offrait pas précédemment. Le magasin général, que les Anglais avaient fait sauter, est rétabli, mis à l'abri de la bombe, et un cavalier s'élève sur la plate-forme.

Le 28, S. M. est allée à Middelbourg et à Tervere. Elle a ordonné de nouveaux ouvrages pour accroître les fortifications de Tervere, dont il est important de faire une bonne place.

Le 29, à cinq heures du matin, l'Empereur s'est rendu

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à Terneuse pour visiter les travaux du bassin que les ingé nieurs des ponts et chaussées y construisent, et dans lequel quarante vaisseaux de ligne pourront entrer à basse-mer comme à haute-mer. Il y a soixante pieds d'eau au pied des digues de Terneuse, et ce point important est appuyé sur les deux rades de Terneuse et de Baerlandt.

Après avoir examiné les travaux du bassin, S. M. a continué de remonter l'Escaut, dans son canot, jusqu'à Batz, où elle est arrivée à sept heures du soir. Elle y a visité les ouvrages qu'on a faits pour s'assurer le passage du bras de Berg-op-Zoom, dont le fort de Batz n'est que le réduit. Elle est ensuite rentrée dans son yacht, et à une heure après minuit elle arrivait à Anvers, très-satisfaite de l'avancement de tous les travaux, du bon état personnel et matériel de ses escadres, et de la rapidité de leurs manœuvres,

Voilà les détails publiés sur les mouvemens qu'impriment sur tous les points de la côte les ordres de S. M., et que redouble sa présence. Il gouverne son Empire en le par courant, l'émulation le précède, les bienfaits l'accompagnent, et les témoignages de la reconnaissance de toutes les classes le suivent; mais après avoir montré le souverain veillant à l'exécution de ses ordres, jugeant tout par luimême et voyant tout par ses yeux, on aime le retrouver dans les détails les plus petits de son voyage; on veut assister à toutes ses actions, et entendre, s'il se peut, toutes ses paroles. Voici une anecdote en ce genre à ajouter à celles qui ont fourni tant de sujets aux beaux-arts, et tant de pages intéressantes au biographe.

L'Empereur, en partant d'Ostende, a suivi l'Estran. Ne voulant pas faire le tour par Ecluse, elle s'est jetée, pour passer le Swin, dans un bateau pêcheur avec le duc de Vicence, son grand-écuyer; le comte Lobau, l'un de ses aides-de-camp, et deux chasseurs de la garde. Deux pauvres pêcheurs menaient la barque qui, avec tout son gréement, valait 150 florins: c'était tout leur bien. La traversée a duré une demi-heure. S. M. est arrivée au fort Orange dans l'île de Cadsan où l'attendaient le préfet et sa suite. On a allumé un grand feu, parce que l'Empereur était mouillé et qu'il faisait froid. Les pêcheurs auxquels. on a demandé ce qu'ils voulaient pour leur passage, ont demandé un florin pas passager. S. M. alors les a fait appeler, leur a fait donner 100 napoléons et 300 fr. de sion leur vie durant. Il est difficile de se peindre la joie de ces pauvres gens, qui étaient bien loin de se douter qui ils avaient reçu dans leur barque..

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