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Un chevalier de grand renom.

Si ta flamme est vive et sincère,
Prends un glaive et bravant le sort,
Pars, et sous les yeux de mon père,
Va chercher la gloire ou la mort!
Et puis d'une voix attendrie,
En m'offrant un gage d'amour
Songe, dit-elle, à ton amie ; ·
Hâte, s'il se peut, ton retour.

Bientôt je fus dans la Syrie,
Non loin des remparts de Damas.
Au baron consacrant ma vie,
Je le suivais dans les combats.
Tous les jours il voyait ma lance
Prompte à voler à son secours.
11 confesse que ma vaillance
Trois fois a conservé ses jours.

Dans les monts de la Pamphilie
Louis à pied sur un rocher,
Vaillamment défendait sa vie,
Je parvins à m'en approcher.
Il vit mon zèle à le défendre,
Et de retour dans notre camp,
De ma bouche il voulut apprendre
Quel était mon nom et mon rang.

Je n'ai point de rang sur la terre
Je suis un jeune Troubadour,
Qui jamais n'aurais fait la guerre
S'il n'avait pas connu l'amour.

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Une dame de haut parage,
La fille d'un puissant baron,
M'a dit : je veux en mariage
Un chevalier de grand renom.

Louis alors à mon épée
Attache un riche baudrier.

En présence de son armée,
Il me fait comte et chevalier!
Sur ses vaisseaux lui-même en France
Ordonne à l'instant mon retour.
Je viens demander si Clémence
Se souvient de son Troubadour.

Bientôt le Dieu de l'hyménée,
Porté sur l'aile de l'Amour,
Unit l'heureuse destinée.
De Clémence et du Troubadour.
Pour eux de flammes immortelles,
L'Amour fit brûler son flambeau.
Toujours tendres, toujours fidèles,
Ils s'aimèrent jusqu'au tombeau.

Par Mme ANTOINETTE L. G.

ÉNIGME.

J'OFFRE, lecteur, à ton esprit perplexe
Un objet de différent sexe,

Un phénomène singulier,

Tantôt cheval et tantôt cavalier.

De mâle que j'étais, quand je deviens femelle,
J'entre dans la toilette, et parfois la dentelle,
Dont on me pare élégamment,

Me donne un air d'ajustement

Et de prétention. En guerre l'on me porte

En tête de chaque cohorte ;

1

Bien souvent j'en reviens dans un piteux état,

Mais aux yeux du vainqueur j'en reçois plus d'éclat.

S......

LOGOGRIPHE.

SUR mes six pieds, je suis dur et glacé,
Coupez mon chef, je suis très-élancé :

On me voit sans mon chef dans les bois, dans la ville.

;

Je suis partout, partout je suis utile
Je sers à réchauffer, je sers à raffraîchir,
L'hiver je reste nud, l'été vient me vêtir.

J.D. B.

CHARADE.

LORSQU'ON vous rend un important service,
Ou seulement un bon office,

Lecteur, vous n'êtes point ingrat.

Un cœur sensible et délicat

Connaît tous les devoirs de la reconnaissance,
Et les remplit exactement;

Et le plus ordinairement

C'est par mon premier qu'il commence

En le témoignant franchement.

Ce n'est pas tout, ce sentiment`,

Aussi doux qu'il est estimable,

Doit être fidèle et durable;

Mais mon dernier ne le veut pas.

De blâmer mon dernier certes c'est bien le cas ;
Il mérite qu'on le récuse.

Vous nommer mon entier serait un embarras;
J'ai presque besoin d'une excuse.

Mais j'ai tort, car déjà vous l'avez deviné.
Qui ne se souvient pas, dès l'âge de l'école,
D'avoir lu volontiers les écrits d'un abbé

Rimeur scandaleux et frivole,

Que bientôt la pudeur dut se faire une loi

De rejeter? Or, ce rimeur c'est moi.

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JOUYNEAU-DESLOGES (Poitiers ).

Mots de l'ENIGME, du LOGOGRIPHE et de la CHARADE insérés dans le dernier Numéro.

Le mot de l'Enigme est Garde.

Celui du Logogriphe est Tamis, où l'on trouve : amis.
Celui de la Charade est Début.

LITTÉRATURE ET BEAUX-ARTS.

ARISTOMÈNE, traduit de l'allemand d'AUGUSTE LAFONTAINE; par Mme ISABELLE DE MONTOLIEU. Deux vol.

in-1 2. — Prix, 4 fr., et 4 fr. 50 cent. franc de port. A Paris, chez P. Blanchard et comp., libraires, rue Mazarine, no 30, et Palais-Royal, galeries de bois, no 249.

C'EST un aimable romancier qu'Auguste Lafontaine; il a même par sa naïveté, par un certain charme de style, d'autres rapports que celui de son nom avec notre inimitable fablier. Mme de Montolieu, qui est d'ailleurs accoutumée à donner de nouvelles grâces à tout ce qu'elle touche, a donc pu penser qu'il en serait des romans de cet auteur comme des fables de notre La Fontaine. Mme de Sévigné les comparait à un panier de cerises: on choisit les meilleures, disait-elle, on finit par les manger toutes. Pourquoi n'en serait-il, pas de même des ouvrages du Lafontaine allemand? Je crois qu'en effet les lecteurs de romans ne frustreront point son espérance. Aristomène offre beaucoup plus de mouvement et d'intérêt qu'il n'en faut pour les occuper d'une manière agréable; mais auprès des gens de goût qui jugent sévèrement un auteur, même après s'être amusés de son ouvrage, je crains fort qu'Aristomène n'augmente pas la réputation du sien. Le plus grand nombre de nos lecteurs commencera sans doute par s'étonner qu'Auguste Lafontaine, ce peintre aimable des mœurs de son pays et de son tems, ait pu s'éloigner assez de sa vocation pour choisir un sujet aussi terrible que celui qu'au seul nom d'Aristomène ils ont déjà dû deviner : la seconde guerre de Messénie. Qu'offrait-il au pinceau suave et délicat de l'auteur? Des pillages et des combats, des oppresseurs et des opprimés; des meurtres, des trahisons, des incendies. Dans un ouvrage aussi étranger à la nature de son talent, Auguste

MERCURE DE FRANCE, DECEMBRE 1811. 493 Lafontaine ne pouvait guère se sauver que par des épisodes il l'a senti mieux que personne et ne les a point épargnés; mais c'est précisément dans ces épisodes que son talent naturel a trahi sa vocation forcée. Au milieu de cette guerre de destruction entre Sparte et Messène, guerre qui finit en effet par la ruine entière des Messéniens, l'ame douce et sensible de l'auteur a introduit trois couples amoureux, et dans chacun l'amant et la maîtresse appartiennent aux deux peuples ennemis; sans doute il a voulu montrer par-là que l'amour ne connaissait point la différence des pays et des peuples, il a voulu inspirer la concorde, la tolérance universelle intentions qu'on ne saurait trop louer; mais les faits historiques qu'il ne pouvait ni ne devait dénaturer, font attendre au lecteur que ces amours auront une issue tragique, et c'est à quoi la sensibilité de l'auteur n'a pu consentir. C'est en vain que Sparte et Messène se font une guerre à mort, c'est en vain que les Messéniens sont obligés d'abandonner leurs villes en feu et leurs campagnes dévastées; au milieu des ruines et des morts, le Messénien Gorgus épouse la Spartiate Théano; la Spartiate Ethuse s'unit au Messénien Manticlès, et si le troisieme couple d'amans périt d'une manière misérable avant d'avoir serré les noeuds de l'hymen, ce n'est pas du moins sans avoir pris quelques avances, ni sans avoir mérité son sort par une faiblesse qui ressemble beaucoup à une trahison.

On sent déjà combien l'intérêt que tous ces amans pouvaient inspirer se trouve affaibli par la scène où l'auteur les place. Il l'est peut-être encore davantage par l'affectation avec laquelle cet auteur met son but en évidence, au lieu de chercher à le cacher. Il revient si souvent à son sentiment favori sur la concorde qui devrait régner entre les peuples, qu'on voit bien que tous ces amours entre Messéniens et Spartiates ne sont là que pour fortifier son opinion; et l'on sait combien l'illusion est prompte à se dissiper lorsque l'art se montre. A tout prendre cependant, nous préférons encore ces épisodes où l'auteur met sa doctrine en action aux dialogues où il Ja prêche. Ils ont lieu souvent entre Gorgus, fils d'Aris

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