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L'auteur a voulu prouver, par la folie de son héros, la vérité de ce précepte d'Horace :

In vitium ducit culpæ fuga,

et que l'excès, même dans la sagesse, pouvait devenir un travers: mais ce but moral est-il entièrement rempli ? je ne le crois pas. Son principal personnage ne fait que des projets. Il faudrait qu'il les réalisât et que son amour déréglé pour ce qu'il appelle la sagesse, lui fit faire des actions désavouées par la véritable sagesse. Alors il aurait pu prendre pour épigraphe : inter utrumque tene. Mais comme l'intention morale échappe à la multitude, et que les caractères plaisans et les traits comiques sont toujours goûtés par elle, toute la pièce a obtenu un plein succès. Elle le méritait. Les ridicules de nos gens à la mode y sont peints des couleurs les plus vives, les scènes marchent bien, le dialogue est vif et plein de gaîté, et le style est généralement correct et fourmille de vers heureux. Les acteurs ont bien senti les intentions de l'auteur: Mmes Delisle et Fleury ont animé ce tableau par les grâces de leur talent et la vérité de leur débit. Clozel a fait ressortir avec beaucoup d'art les détails agréables de son rôle, et Pélissier a surpris le public par l'intelligence et la chaleur qu'il a fait briller dans tout le sien. Ce jeune acteur cherche à nous consoler de la pertè que nous avons faite de Firmin; et le public lui témoigne par ses applaudissemens qu'il lui tient compte de tous les efforts qu'il fait pour lui plaire. F. de V.

On a donné mardi dernier, à l'Académie impériale de Musique, la première représentation des Amazones, ou la fondation de Thèbes, opéra en trois actes, paroles de M. de Jouy, musique de M. Méhul. Le nom des auteurs était déjà d'un favorable augure; et l'évenement l'a pleine ment justifié.

Dans notre prochain numéro nous rendrons un compte détaillé de cet ouvrage qui, par l'intérêt du poëme, la beauté de la musique, la pompe du spectacle et le fini des décorations, doit faire époque dans les annales de cè

théâtre.

POLITIQUE.

LES relations, officielles des Russes n'ont fait mention que des avantages remportés par eux, rien n'a été publié sur l'état de leurs négociations avec le grand-visir. Si l'on en croit les nouvelles particulières, ces négociations n'auraient point une issue favorable. Le grand-visir a adressé, dit-on, le récit des événemens du Danube au divan, et ce récit a produit à Constantinople la plus vive sensation. Le divan s'est assemblé sur-le-champ, plusieurs conférences ont en lien; on a blâmé le grand-visir de s'être placé dans une position difficile, on l'a blâme de n'avoir pas été vainmais sur-lout on l'a blamé de proposer à son gouqueur; vernement des conditions que celui-ci paraît loin de croire proportionnées à sa fortune, à ses revers et à ses sources. On croit savoir que ces conditions seront rejetées, que la Porte ne veut consentir à céder aucune partie du territoire sur lequel a été arboré l'étendard du Prophète, et pour soutenir ces résolutions courageuses, toutes les troupes stationnées en Romélie ont ordre de marcher au camp de Schumla; cette année, par extraordinaire, les troupes asiatiques resteront sous les armes ; tous les corps disponibles sortiront de Constantinople et des autres villes pour joindre la grande armée, à laquelle on donne pour. chef nouveau le pacha de Serez qui s'est constamment distingué dans les opérations précédentes.

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Un mystère plus profond règne sur la nature des délibérations de la diète de Hongrie; on peut toutefois assurer qu'il n'y a encore aucune résolution définitive arrêtée. L'archiduc palatin de Hongrie est toujours à Vienne; de fréquentes conférences ministérielles ont lieu. Le change, au milieu de cet, état d'incertitude, a naturellement éprouvé des variations; dans la première semaine de décembre, il avait été coté à 192 sur Augsbourg, il a baissé à 212, 213, il a même été jusqu'à 218. Il s'est bonifié depuis et est remonté à 209.

La diète de Styrie s'est assemblée, et a reçu officiellement les demandes du gouvernement pour 1812.

On n'a point publié de nouvelles officielles sur les affaires.

MERCURE DE FRANCE, DECEMBRE 1811. 571

d'Espagne, mais les papiers anglais du 12 décembre contiennent l'aveu qu'en s'emparant de Gison, les Français ont trouvé dans le port une très-grande quantité de caboteurs qui sont tombés en leur pouvoir; les mêmes feuilles annoncent que le siége de Valence est poussé avec la plus grande activité, que des renforts considérables marchent d'Arragon vers l'armée du maréchal comte Suchet.

Ces journaux gardent le silence sur la Sicile, où lord Bentinck doit être arrivé en ce moment. Les notes qu'ils contiennent sur les affaires de l'Amérique méridionale, vont jusqu'à la date du 21 septembre. A cette époque, les négociations entre Buenos-Ayres et Monte-Vidéo n'étaient point terminées; l'amiral de Courcy était dans la rivière de la Plata, cherchaut à profiter des circonstances. On croira difficilement que 1300 Espagnols soient sortis de Cadix dans l'intention de passer les mers et de contribuer à réduire les Espagnols américains. Le Statesman blâme le ministère britannique d'avoir permis cette expédition au moment même où il se déclarait médiateur entre le parti de Monte-Vidéo, Buénos-Ayres, les Caraccas et la mère patrie. Mais une telle expédition, si elle arrive, ne peut avoir pour résultat que de consommer la ruine du pays; car qne prétendrait-on faire avec ces 1300 hommes? sont-ce les compagnons de Fernand-Cortez? Croit-on que les habitans de la Nouvelle-Espagne soient de nos jours aussi faibles que les vassaux de Montezuma? Les affaires sont trop loin engagées; l'Amérique a tiré l'épée du fourreau, et elle accomplira son affranchissement; la causé des rébelles, c'est ainsi que la junte de Cadix désigne les Américains, n'a jamais en un aspect plus favorable que dans ce moment. Tout annonce que si les malheureux qui se sont embarqués avec tant d'imprudence, passent du continent. européen sur celui d'Amérique, ils y trouveront le sort réservé à une tentative aussi follement conçue.

De son côté l'Amérique du nord redouble d'efforts pour appuyer l'énergie de ses déclarations contre l'Angleterre, par le déploiement de forces imposantes.

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Le doigt de Dieu nous indique la guerre! disent les journaux de New-Yorck, Américains! votre patrie parle ; elle vous ordonne de vous préparer à défendre vos droits à la bouche du canon. Lisez le discours du chef qui vous gouverne, et connaissez votre situation et vos véritabtes intérêts.

Y aurait-il quelqu'un parmi nous, se disant Américain,

qui pût lire cet appel, sans sentir renaître dans son cœur la chaleur du patriotisme? S'il y en avait quelqu'un, plutôt il s'embarquera pour les Etats de Sa Majesté, mieux il pourvoira à sa propre sûreté et au bonheur de la nation. Quant aux écrivains britanniques, nous devons nous attendre à ce qu'ils attaqueront tout message envoyé par un premier magistrat républicain, et sur-tout un message si peu favorable au monarque qui les paie pour leurs honorables travaux. Il est fort à désirer que de pareils hommes se montrent à découvert.

Il est à desirer que le peuple les connaisse; car le jour approche où il faudra régler en plein, entr'eux et leur pays, un compte arriéré depuis long-tems. Nos soldats pourraient-ils lire avec indifférence cette partie du message qui s'adresse aux corps des volontaires, dont l'ardeur patriotique peut les porter à prendre part à des services, urgens? nous ne saurions le croire; et, sans doute, nous n'aurons pas long-tems à attendre pour publier la première offre honorable faite par nos troupes. Puisse la première offre de ce genre venir de la ville de New-Yorck ! Le corps qui donnera cet exemple, serà l'honneur de sa patrie.

Le parlement va se réunir; la première chose que M. Parceval doit lui soumettre, dit-on, est un arrangement relatif à la maison du roi, et à celle du prince régent, après l'expiration des restrictions on peut demander si à cette ouverture du parlement M. Parceval jugera à propos de communiquer aux nobles membres qui le composent, un des tableaux les plus frappans des opérations les plus essentielles des ministères dont le sien suit les erremens avec tant de fidélité. Ce tableau est de la plus haute importance; on peut le nommer l'acte d'accusation des ministères anglais, en y comprenant celui de M. Pitt dont le serment de haine à la France a été si imprudemment renouvellé par ses suc cesseurs. On y trouve le rapprochement de toutes les expéditions anglaises dirigées contre la France depuis 1793 jusqu'à nos jours. Nous ne croyons pouvoir rien mettre de plus curieux et de plus véritablement historique sous les yeux du lecteur.

Administration de Pitt. 1o. En février 1793, une expédition composée de 35,000 hommes, sous les ordres du duc d'Yorck, fut envoyée sur la côte de France, dans le dessein de conquérir ce royaume. Cette expédition échoua, après avoir perdu 28,000 hommes et une quantité immense

d'artillerie et de provisions de tous genres. Les débris de cette armée revinrent en Angleterre au mois de mars 1795.

2o. Au mois de mars 1794, une autre expédition composée de 10,000 hommes, sous le commandement du comte de Moira, fut envoyée en France dans le dessein de soutenir la cause des royalistes en Bretagne. Cette expédition échoua aussi; elle ne put même pas effectuer son débarquement en Bretagne. Elle fit voile pour Osten de et partagea la mauvaise fortune de la malheureuse armée du duc d'Yorck.

3°. La trop fameuse expédition de Quiberon, sous le commandement de Puissaye, composée de 12,000 hommes, fi voile en juin 1795, dans le dessein de marcher sur Paris. Les trois-quarts de l'armée d'anglo-émigrés, avec 70,000 fusils, des provisions et des habillemens pour 40,000 hommes, une somme considérable en argent, et six bâtimens richement chargés, tombèrent au pouvoir de l'en

nemi.

4°. L'expédition suivante, composée de 1200 hommes sous les ordres du général Coote, fit voile au mois de mai 1798, dans le noble dessein de détruire la navigation de la Hollande. Ce corps fit sauter les ouvrages du canal de Bruges, de sorte que leur réparation demanda quelques semaines pour être achevée mais le général Coote et son corps tombèrent au pouvoir de l'ennemi.

5°. En août 1799, le duc d'Yorck et les généraux Hemten et Essen, avec 27,000 Anglais et 20,000 Russes, partirent pour cette glorieuse expédition qui devait délivrer l'Europe, mais qui échoua après qu'environ la moitié de l'armée expéditionnaire eut péri dans les marais de la Hollande. Enfin, une capitulation fut conclue le 13 octobre, par laquelle le duc d'Yorck, afin d'obtenir la permission de se rembarquer, consentit à délivrer 8000 Français et Balaves, alors prisonniers en Angleterre.

Administration de Fox. 6o. Au mois de juillet 1806, une expédition forte de 5000 hommes, sous les ordres de sir John Stuart, partit des ports d'Angleterre; son objet était l'expulsion des Français de l'Italie. Elle échoua dans son projet.

Administration de Portland.-7°. Une armée de 20,000 hommes, sous le commandement de lord Cathcart, fit voile, au mois d'août 1807, pour Copenhague. L'objet de cette expédition était de prendre possession de la flotte

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