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1 Riviere de Lifere, en execution d'un autre du 17. Novembre 1661. qui enjoignoit aux Poffeffeurs de Péages de rapporter les Titres en vertu defquels ils joüiffoient, Arrêt par lequel divers Seigneurs furent maintenus fur le fondement d'Actes qui ne faifoient que juftifier une ancienne poffeffion.

Ainfi cet Arrêt contraire du Parlement de Touloufe, qui est rapporté par Mr. de Catellan, peut paffer pour être fingulier. Mais pour ne pas s'égarer fur un point auffi important, c'eft dans la difpofition des Ordonnances de nos Rois, qu'il faut chercher la fource des vrayes maximes.

L'Auteur du Dictionnaire des Arrêts dit que dans les Regiftres de la Chambre des Comptes de Grenoble il y a une Déclaration du 24. Août 1539. qui autorife les Péages dont la poffeffion feroit immémoriale, ou auroit commencé cent années auparavant. Et l'Ordonnance de Blois porte à l'Article CCXXVIII: Aboliffons tous Péages qui ne feroient fondés en Titre ou poffeffion légitime. Il cft donc fenfible que la poffeffion feule, aux termes de cette Ordonnance, & de cette Déclaration, étoit jugée fuffifante.

Depuis eft venue l'Ordonnance de 1670. qui, fous le Titre des Droits de Péage Travers & autres, porte deux Articles remarquables. Supprimons, eft-il dit, à l'Article premier, tous les Droits qui ont été établis depuis cent ans fans Titre. Et le fecond ajoûte, à l'égard des Péages & autres Droits établis avant les cent années par Titres légitimes, dont la poffeffion n'aura point été interrompuë.

On eft d'abord furpris en lifan: ces deux Articles, de voir qu'après qu'il a été annoncé qu'il y avoit difference à faire entre les Péages établis depuis cent ans, & ceux qui remontoient plus loin, les uns & les autres femblent avoir été foûmis à la même Loi, puifque de même que l'Article premier rejette les Péages établis depuis cent ans qui feroient fans Titre, l'Article II. en parlant des Péages antérieurs, ne conferve que ceux qui feroient établis par des Titres.

Mais en reflechiffant profondement fur le fens de ces deux Articles, il paroît que dans le premier, les mots établis fans Titre, doivent s'entendre de la Conceffion originaire comme s'il avoit été dit, fupprimons les Droits établis depuis cent ans, dont la Conceffion ne paroîtra point; Au lieu que dans le fecond les mots établis par Titres légitimes s'entendent d'Actes probatoires, qui fans être la Conceffion même, peuvent fervir à prouver qu'elle a été ou à la faire préfumer.

C'est le Prince lui-même qui nous a donné cette interprétation. Le Titre de la Police & confervation des Eaux & Forêts, en déclarant que les grandes Rivieres appartenoient à la Couronne, ajoûtoit, fauf les Droits de Pefche, Moulins, Bacs & autres Ufages, que les Particuliers peuvent y avoir par Titres & poffeffions valables. On douta quel étoit le fens de ce mot de Titres; & le Roi par une Déclaration du mois d'Août 1685. dit que c'étoit non-feulement les Actes primitifs d'inféodation ou d'aliénation, mais encore les aveux & dénombremens anciens qui auroient été rendus à fes Prédeceffeurs.

Après tout ce détail, voici quelles font felon moi les maximes qu'il faut fuivre, lorfqu'il cft queftion de fçavoir fi un Péage est bien & dûément établi. S'il eft prouvé que le Droit de Péage ait commencé dans les cent années qui ont précédé l'Ordonnance de 1670. c'eft alors le cas de l'Article premier dont j'ai parlé, qui ordonne que pour les Péages dont le commencement tomberoit dans les cent années précedentes, le Poffeffeur feroit tenu de rapporter la Conceffion primitive. S'il eft prouvé au contraire que le Péage en queftion remonte au de-là de l'année 1570. je crois bien que la poffeffion fimple qui confifte feulement à dire que de tout tems le Droit de Péage a été exercé, qu'il a été levé, qu'il y a eu même des faifies & des condamnations par des Sentences ou par des Arrêts, & cela quelque ancienne que paroiffe cette poffeffion ne doit être d'aucun poids. Mais fi à cette poffeffion fe joignent des Dénombremens rendus au Roi, qui ayent été bien blâmés & bien reçûs, la circonftance de ces Dénombremens doit fervir. à faire préfumer la vérité d'une Conceffion ancienne.

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Il refte feulement de fçavoir quelle regle il faut observer lorsqu'il ne paroît pas précisément, fi le Droit de Péage dont il est question eft anterieur à l'année 1570. & que tout ce que le Seigneur a d'Actes poffeffoires, ou de Dénombremens, eft pofterieur à cette époque. Je crois que c'eft contre le Seigneur qu'il faut fe déterminer, parce que de-là que fes Auteurs n'ont pas eu l'attention de faire dreffer un Verbal de leurs Titres comme l'enfeignoit l'Article II. de l'Ordonnance, & de faire ftatuer fur cela par devant le Confeil de Sa Majefté, il eft naturel de préfumer qu'ils n'avoient point alors de poffeffion établie qui pût donner lieu de les maintenir.

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Mém de M. de Tournier.

23.

Il y a un Arrêt remarquable du Parlement de Toulouse du Mai 1716. fur cette queftion de fçavoir comment doivent être établis les Droits de Leude & de Péage.

Le fieur d'Aygoboroufe, Seigneur d'Andufe, prétendoit un Droit de Leude de 5. f. fur chaque charge de bled, qui étoit portée au Marché de la ville d'Anduse,

Il rapportoit, 12. Une Charte, par laquelle Humbert, Comte de Viennois, Donataire du Roi, faifant lui-même donation de cette Terre en faveur du fieur Comte de Beaufort, avoit fait expreffement mention du Droit de Leude cum Leudis. 2o. Un Contrat de vente de 1639. dans lequel la moitié de la Terre d'Andufe étoit venduë fous cette même expreffion cum Leudis. 3o. Un Dénombrement du même-tems, mais qui n'avoit pas été blâmé, dans lequel le Droit de Leude avoit été compris. L'inftance étoit contre un Particulier à qui le fieur Marquis d'Andufe demandoit 45. liv. pour cinq charges de bled.

L'Auteur rapporte que les avis furent long-tems partagés. Mais ce qui faifoit le doute, ce n'étoit point la maxime que le Droit de Péage & de Leude, ne put être fondé que fur une Conceffion du Trône , parce que le Marquifat d'Anduse étant provenu du Roi, on crut que fuppofé que les énonciations dont il vient d'être parlé, fuffent jugées être une preuve fuffifante, étoit naturel de penfer que le Droit de Leude remontoit au tems où le Marquifat d'Andufe étoit encore fous la main du Roi.

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Il n'étoit donc queftion que de fçavoir fi ces énonciations devoient faire foi. Les uns croyoient qu'il ne pouvoit être permis de ftatuer un Droit auffi rigoureux fur de fimples énonciations. Et les autres eftimoient au contraire que des énonciations auffi anciennes, dont la premiére étoit partie de la bouche d'un Prince auffi refpectable que l'étoit Humbert dernier Dauphin, ne devoient point être traitées comme des énonciations ordinaires.

On fe rengea enfin à un interlocutoire qui fut d'ordonner que le fieur Marquis d'Andufe prouveroit une poffeffion de quarante ans. On jugea par-là trois queftions. La premiére, que des énonciations portées dans des Ates d'aliénation de la Seigneurie, quelques anciens que foient ces Actes, & quel que foit le caractere de ceux qui les ont confentis, n'emportoient point une preuve fuffifante contre les Sujets qui n'y font entrés pour rien. La feconde, que

cependant

cependant les énonciations peuvent devenir des Titres, fi elles font appuyées par une poffeffion conforme de trente ou de quarante ans. Et la derniére, que lorfqu'il s'agit des Terres émanées du Domaine de la Couronne, il n'eft pas néceffaire de rapporter des preuves particuliéres que le Seigneur tient le Droit de Péage d'une Conceffion du Roi, fi d'ailleurs les Actes qui font rapportés pour être des piéces juftificatives de ce Droit, ne font pas éloignés du tems où la Terre en queftion a été aliénée par le Prince.

Pour achever de faire connoître cette matiére, il eft bon d'a- VIII. joûter en cet endroit un court Commentaire de la Déclaration du dernier Janvier 1663. & du Titre de l'Ordonnance des Eaux & Forêts, où tout ce qui concerne les Péages eft amplement traité.

DECLARATION du dernier Janvier 1663.

ARTICLE PREMIER.

Q

UE les Edits, Arrêts & Reglemens faits par les Rois nos Prédeceffeurs, touchant les Péages qui fe levent par nos Sujets, tant par eau que par terre, fur les Paffans, Denrées & Marchandifes, foient executés ; & conformement à iceux faifons deffenfes à toutes perfonnes de quelle qualité & condition qu'elles foient, d'établir aucuns nouveaux Péages, ni même d'entreprendre de les retablir, foit fous le nom & prétexte de Péage, Gabelle, Vingtain, refection de Ponts, Chauffées, ou autres que ce foit, quelques Titres qu'ils prétendent avoir recouverts, s'il y a eu interruption,

PP

qu'ils n'ayent Letres de nous, bien & dûëment Enregiftrées en nos Cours de Parlement, à peine de confifcation de corps & de biens, & même de leurs Fiefs, que nous déclarons audit cas reünis à notre Domaine.

Q

UELLE faut-il qu'ait été l'interruption pour donner lieu à cette néceffité d'obtenir des Lettres Patentes ? Le Prince a entendu une interruption qui ait éteint le Droit, puisque fi le Droit n'eft pas éteint, rien ne doit empêcher d'en reprendre l'exercice. L'Ordonnance parle donc d'une interruption qui ait été affés longue pour que le Droit foit prefcrit. Or l'Article III. de la même Déclaration porte qu'il n'y a qu'une interruption de dix années qui produife cet effet.

La défense de retablir les Péages, même fous prétexte de refection de Ponts, Chauffées & autres, eft abfoluë & générale; c'està-dire, qu'encore que l'interruption du Droit de Péage ne foit arrivée que par la ruine du Pont fur lequel tomboit le Péage, le Droit n'eft pas moins éteint, fi le Seigneur Péager a resté dix ans fans relever le Pont; & il ne feroit point reçû à dire que n'ayant pas été à portée d'ufer de fon Droit, tant qu'il n'y a pas eu de Pont, la prescription ne doit pas avoir couru à son préjudice.

Le crime d'établir un nouveau Péage, ou de retablir un Péage prefcrit, eft un cas Royal, ce qui produit cet effet, que la confifcation ne fe communique point aux Seigneurs particuliers, mais eft pleinement acquife au Roi.

ARTICLE I I.

E parce qu'aucuns Particuliers profitant des defordres paffés, auroient pris occafion de quelques legeres reparations à faire des Ponts, & autres prétextes, pour furprendre des Lettres, portant établissement de Péages, avec adreffe aux Cours où ils pouvoient trouver plus de facilité, & évitant à deffein nos Par

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