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dation en faveur d'autres perfonnes Laïques ne fût point reçû en France. Tout le tempérament qu'on y apporta, fut celui-là, qu'on n'auroit aucun égard pour les Inféodations depuis le Concile de Latran; mais qu'auffi on ne toucheroit point aux Inféodations que les Poffeffeurs justifieroient avoir été faites auparavant Loüet & Brodeau, lett. D. chap. 9.

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Pour connoître fi l'Inféodation étoit anterieure ou posterieure au Concile de Latran, tout Poffeffeur de Dîmes inféodées, étoit dans les commencemens tenu d'exhiber & de représenter fon Titre ; mais les troubles caufés par les Guerres Civiles, ayant fait perdre à la Nobleffe une partie de fes Contrats d'Inféodation, & l'autre partie ayant été comprise dans un Incendie arrivé

* Il y a apparence que la grande Queftion qui eft tant agitée entre les Auteurs, fçavoir fi les Dimes Inféodées ont été Eccléfiaftiques dans leur origine ou fi ce ne font pas des Rédévances purement Féodales

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ne fera jamais bien terminée. Ce qui a été propofé de plus judicieux fur ce point auffi obfcur, c'eft ce que dit Dargentré fur la Coûtume de Bretagne, art. 266. chap. 22. que s'il fe trouvoit quelque Lieu où il y eût deux Dimes établies, l'une appartenant à l'Eglife, & l'autre poffédée comme Inféodée, il n'y auroit pas à héfirer de foûtenir que cette feconde Dime eft une Rédévance purement Féodale; mais qu'en tout autre cas, c'est-à-dire quand il n'y a d'autre Dime dans le Territoire que celle qui eft poffedée comme Inféodée il doit paffer pour conftant que c'eft une Dime Eccléfiaftique , parce que fi c'eût été une Rédévance purement Féodale, rien n'auroit pû éviter, dans le rems que la Dime Eccléfiaftique fût introduite, que les Fonds chargés de cette Rédévance Féodale envers le Seigneur, ne fuffent chargés d'une feconde Dime en faveur de l'Eglife. Et il remarque que c'eft la même chofe, même dans le concours de deux Dimes, fi ces deux Dimes, celle qui eft payée à l'Eglife, & celle qui fubfifte comme Dime Inféodée, ne font toutes les deux enfemble que la quotité ordinaire de la Dime. Voilà ce que nous propofe Dargentré; mais malheureusement s'il en faut croire les Auteurs de la Confultation qui eft la vingt-cinquième dans le fecond Tome de Dupleffis; cette diftinction fi raifonnable va aboutir à une théorie de pure fpéculation & fans utilité, parce qu'il n'y a pas de Lieu où la Dime Iuféodée concoure avec une autre Dime établie en faveur de l'Eglife.

Quoiqu'il en foit la Jurifprudence du Royaume a pris un parti fixe & déterminé qui eft de juger tout ce qui regarde les Dimes Inféodées, fur ce principe immuable, qu'elles font cenfées être provenues de l'Eglife, De-là ces maximes que la Dime Inféodée eft imprefcritible de la part du Tenancier qu'elle fe leve avant le Champart, qu'elle eft fujette à la Congrue & aux réparations s'il n'y a pas de Dimes Eccléfiaftiques ou fi elles ne font pas fuffifantes.

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en la Chambre des Comptes de Paris, où le Roi Philippe le Bel avoit ordonné aux Propiétaires de les dépofer, on jugea, comine on le juge encore aujourd'hui dans tous les Parlemens du Royaume, qu'il fuffiroit à un Poffeffeur d'alleguer qu'il joüit des Dîmes comme inféodées avant le Concile de Latran, & de prouver qu'il en jouit depuis un tems immémorial, c'est-à-dire depuis cent ans. D'alleguer, difons-nous, la joüiffance de la Dîme inféodée depuis cent ans; car la Question s'étant préfentée au Parlement de Toulouse, fçavoir, fi on devoit prouver non-feulement qu'on avoit joui la Dîme depuis un tems immémorial, mais encore qu'on l'avoit joui comme inféodéc, la Queftion fut jugée en faveur du Poffeffeur. L'Arrêt eft rapporté par Mr. Catellan, liv. 1. chap. 38. *

*Il est donc reçû au Parlement de Touloufe que la Poff ffion immémoriale fuffit, quoiqu'elle ne foit pas accompagnée d'Aveux & de Dénombremens. C'est encore la Jurifprudence du Parlement de Bordeaux felon Lapeyrere, lett. J. n. 44. qui en rappotte un Arrêt du 31. Juillet 1690. Celle du Parlement de Rouen, felon deux Arrêts des 22. Décembre 1526. & 27. Août 1675. rapportés par Forget en fon Traité des Dimes & par Bafnage, fur l'art. 3. de la Coûtume de Normandie. C'eft auffi la difpofition de la Coûtume de Nivernois, chap. 12. art. 7. Et il paroît que Dumoulin l'a ainsi pensé dans fa Note fur le Chapitre prohibemus extra de Decimis. Le Parlement de Paris s'étoit formé des principes différens. Il eft vrai qu'il y a un Arrêt du 20. Novembre 1568. que Me. Louet, lett. D. Jomm. 35. rapporte comme ayant jugé que la preuve de la Poffeffion immémoriale étoit fuffifante feule & par elle-même., Mais Brodeau dans fes Remarques, fur le fomm. 9. prétend qu'il y avoit dans l'efpéce de cet Arrêt un aveu extrêmément ancien. Et il y a eu depuis un Arrêt du 31. Août 1658. rapporté au Journal des Audiences, qui a jugé que la poffeffion feule étoit impuiffante fi elle ne concouroit avec des Actes de Féodalité, tels que des Actes de Foi & Hommage, des Aveux & des Dénombremens.

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La Jurifprudence du Parlement de Toulouse eft fondée fur ce principe géque la poffeffion immémoriale fait préfumer le Titre. Celle du Parlement de Paris tomboit fur une raifon plus particuliére, fçavoir, que les Loix du Royaume n'ayant admis à l'égard des Dimes qu'une maniére de les acquerir, qui eft la voye de l'Inféodation; il paroît naturel de ne préfumer cette inféodation, qu'autant qu'il eft établi que la Dime a été poffedée avec le carac tére de Fief. On raifonnoit ainfi : La poffeffion feule a bien le pouvoir de faire préfumer un Titre en général; mais s'il faut une forte particuliére de Titre, la poffeffion ne peut faire préfumer cette nature de Titre, qu'autant qu'il a été poffedé en une qualité qui y ait du rapport.

Depuis ce tems-là eft venu l'Edit du mois de Juillet 1708. qui porte, à

Cela ainfi fuppofé, on demande fi dans le cas où les Dines inféodées reviennent à l'Eglife, elles reprennent d'abord la nature de Dîmes Eccléfiaftiques, foit par rapport au Roi, en forte que l'Eglife n'ait pas befoin d'obtenir du Roi des Lettres d'Amortiffement, foit par rapport aux Seigneurs particuliers dont elles peuvent relever immédiatement; en forte que l'Eglife ne puiffe être contrainte au payement de l'indemnité, & à la prestation d'Homme Vivant, Mourant & Confifcant.

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Par rapport au Roi, la Question eft fans difficulté depuis que Saint Louis, par fon Ordonnance de l'année 1269. a solemnellement renoncé aux Droits qui pouvoient le regarder tant pour lui que pour fes Succeffeurs, quantum in nobis eft volumus & concedimus quod omnes perfonne Laïce Decimas percipientes in terra noftra & in Feudis noftris moventibus mediatè vel immediatè

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P'Article premier. Voulons que tous les Propriétaires & Poffeffeurs des Dimes Inféodées & Patrimoniales, qui en ont joüi paisiblement par eux & leurs Auteurs pendant cent ans à quelque Titre que ce foit, foient & demeurent maintenus & confirmés, comme dès à préfent nous les maintenons & con firmons à perpetuité, eux leurs veuves, enfans, héritiers, ou ayans caufe, dans la propriété, possession & jouissance incommutable defdites Dimes fans que pour raifon dicelles ils puiffent à l'avenir être troublés ni inquiétés par les Eccléfiaftiques & Bénéficiers, fous quelque caufe & prétexte que ce foit, dans ladite propriété, possession & jouissance, en nous payant Par chacun desdits Propriétaires & Poffeffeurs desdites Dimes, fous les. Quittances du Garde de notre Tréfor Royal, deux années de leur revenu actuel.

Quoique dans cet Edit il ne foit requis de la part du Poffeffeur que la preuve fimple d'une joüiffance paisible de cent ans, fans parler d'Acte, de Foi & Hommage, ni d'Aveux & Dénombremens, les Auteurs du Parlement de Paris n'ont pas moins continué de prétendre que la preuve de la poffeffion devoit être accompagnée de ces marques de Féodalité. On ne peut préfumer que ces Auteurs n'ayent pas connu la difpofition de cet Edit; il faut donc qu'ils ayent crû que de cet Edit il ne refultoit rien qui foit contraire à cette façon de penfer, Ils fe fondoient fans doute fur ces premiers mots, que tous les Propriétaires & Poffeffeurs des Dimes Inféodées; ils en tiroient cette conféquence que quand, il eft ajoûté dans la fuite de l'Article, qui en ont joui paifiblement par eux & leurs Auteurs, cela devoit être entendu en ce fens qui avoient joüi de la Dime comme Infeodée & avec des circonftances de Féodalité. On peut voir Duperrier, Fuet, Hericourt & Raviot fur Perrier, queft. 345. n°. 31. Il y a cependant un dernier Arrêt du Parlement de Paris du 30. Juillet 1723. par lequel la poffeffion immémoriale a été jugée fuffifante fans Acte de Foi & Hommage, ni fans Dénombrement.

de nobis quas Clerici perciperent fi eas Laici non perciperent, poffint eas relinquere, dare & alio quocumque jufto titulo & licito modo Ecclefiis concedere tenendas in perpetuum noftro vel Succefforum noftrorum affenfu minimè requifito.

Mais la difficulté eft grande par rapport aux Seigneurs, defquels relevent immédiatement les Dîmes inféodées, & qui dans le cas où le retour de ces Dîmes à l'Eglife fupprimeroit & anéantiroit le Fief, perdroient une partie de leurs Droits Féodaux fans y avoir jamais renoncé. Jamais Question n'a été plus fçavament traitée par les Auteurs François ; mais on peut dire auffi que jamais Queftion n'a été moins clairement décidée.

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L'opinion qui favorise l'Eglife, je veux dire l'opinion qui tend à affranchir l'Eglife de tous les Droits d'indemnité envers les Seigneurs, paroît fondée fur des folides raifons, & celle - là entre autres, que l'indemnité ne peut être prétenduë par le Seigneur, pour des biens originairement Eccléfiaftiques, & du nombre defquels font les Dîmes inféodées que les Laïques poffedent feulement par Privilége, & peut-être même par ufurpation, ainfi que le fuppofe l'Ordonnance de Saint Louis, lorfqu'elle dit, Decimas quas Clerici perciperent fi eas Laïci non perciperent, &c. Si l'Eglife en acquerant des Dimes inféodées ne fait que recouvrer ce qui lui appartenoit de droit, & qui n'étoit entre les mains des perfonnes Laïques que par Privilége, il faut convenir que c'eft l'Eglife elle-même qui eft en quelque façon indemnifée par le délaiffement qu'on lui fait des Dîmes inféodées ; & fi c'est ellemême qui reçoit une espèce d'indemnité, il faut convenir encore qu'il n'y a ni raison ni prétexte, pour l'obliger de payer d'indemnité à d'autres perfonnes. D'ailleurs, fi après la réunion des Dîmes inféodées à l'Eglife, le Fief n'étoit entiérement éteint, comment les Arrêts rapportés par Thevenau, liv. 1. tit. 13. art. 1. Fevret, liv. 6. chap. 2. Louet & Brodeau, lett. D. chap. 60. auroient-ils jugé d'un côté, que ces fortes de Dimes deviennent d'abord après la réunion inaliénables & imprefcriptibles, ni plus ni moins que celles qui de tout tems ont été Eccléfiaftiques & de l'autre que dans le cas où la réunion fe fait par vente il n'y a lieu au Retrait, foit Linager ou Féodal? *

* C'eft la Doct ine commune des Auteurs que les Dimes inféodées ne font fujettes ni au Retrait Linager ni au Retrait Féodal. Il y a d'anciens Arrêts

qu'on

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& de

Malgré toutes ces raifons, l'opinion contraire a prévalu; je veux dire l'opinion de ceux qui regardent la Dime inféodée après même qu'elle a été acquife par l'Eglife comme un bien purement prophane, & qui veulent par conféquent que l'Eglife foit tenuë de payer au Seigneur le Droit d'indemnité donner un Homme Vivant, Mourant & Confifcant. Fevret fait une diftinction qui paroît jufte, mais à laquelle pourtant je doute qu'on voulût fe conformer; ou la Dîme inféodée, dit cet Auteur, eft cedée à l'Eglife, principaliter & per fe, & en ce cas elle reprend fa premiére nature de Dîme Eccléfiaftique; ou elle eft cedée, fimul cum Univerfitate & caftro cui Annexa erat & en ce cas elle retient toûjours la qualité de Dîme inféodée & Laïque. *

qu'on prétend Favoir ainfi jugé. Ils font rapportés par Coquille, queft. 80. & fur la Coûtume du Nivernois, chap. 12. art. 7. par Duluc, par Pithou, art. 74. des libertés de l'Eglife Gallicane. Et l'on cite un dernier Arrêt du Parlement de Paris du 4. Août 1695. contre le Préfident Bailleul. Dargentré fuivi de beaucoup d'autres, a tenu au contraire qu'il devoit y avoir lieu foit au Retrait Lignager, foit au Retrait Féodal. Et cette opinion eft foûtenuë avec force dans une Confultation qui eft la trente-cinquiéme au deuxième Volume de Dapleffis. La raifon fur laquelle fe fonde Dargentré, c'eft que de-là que les Dimes inféodées ont été rendues Patrimoniales elles doivent être fujettes aux Loix ordinaires. Mais il y a quelque chofe de plus preffant en faveur du Retrait Féodal. Si l'inféodation des Dimes a été autorifée dans le Royaume, on a done autorifé en faveur des Seigneurs tous les Droits qui font une dépendance de la mouvance Féodale. On voit affez communément que les Dimes font des Arriére-Fiefs, parce que les premiers en faveur de qui furent faites les inféodations donnerent ces Dîmes dans la fuite en ArriéreFief. Or la poffeffion de ces premiers Inféodataires n'étoit-elle pas de nature que l'Eglife n'auroit pas pûr les dépouiller? Pourquoi donc l'Eglife pourroitelle mettre obftacle qu'ils ufent du Droit qu'ils fe font refervés, en donnant. ces Dimes en Arriére-Fief, de pouvoir rentrer en leur poffeffion premiére en cas de mutation par Contrat de vente?

Cette diftinction que Mr. de Boutaric regarde comme une fubtilité eft pourtant l'opinion générale. Dumoulin eft le premier qui l'a propofée fur la Coûtume de Paris, 68. in v. Franc-Aleu, z. 24. & elle a été univerfellement fuivie.

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Voici donc les deux maximes certaines du Royaume fur cette matiére. 19. Que la Dime inféodée ne réprend pas le caractére de Dime Eccléfiaftique quand celui qui en a fait abandon à l'Eglife la tenoit en Fief d'un Seigneur particulier, à moins que ce Seigneur n'ait confenti par exprès à ce transport fait en faveur de l'Eglife. 2% Qu'elle ne reprend pas même le caractére

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