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On divife communément la Juftice des Seigneurs en Juftice Haute, Moyenne & Baffe; Loyfeau, Traité des Seigneuries chap. 10. cherche à trouver quelque reffemblance de ces trois différentes espéces de Justice, à ce que le Droit Romain Leg. 3. ff. de furifdictione appelle Merum imperium, mixtum imperium & Jurifdictio; mais quoiqu'il en foit, il nous fuffit d'obferver que par la plupart des Coûtumes du Royaume les Droits de la Moyenne & Baffe Juftice confiftent uniquement; fçavoir, ceux de la Baffe à connoître des Caufes Civiles jufqu'à trois livres, & ceux de la Moyenne à connoître de tontes Caufes Civiles fans distinction, & des Criminelles lorfque l'amende n'excede pas foixante fols Loyfeau en l'endroit cité, Boiffieu de l'Ufage des Fiefs, chap. 57. Bacquet des Droits de Juftice, chap. 2.

Le Seigneur Haut-Jufticier connoît feul des crimes où il échet peine de mort naturelle ou civile, peine afflictive ou infamante; il a ce que les Loix appellent Poteftas Gladii, jus animadvertendi in facinorofos homines; mais ce n'eft pas tout, il fuccéde en cette qualité aux Bâtards en certains cas & fous certaines conditions ; il fuccéde encore à ceux qui ne laiffent aucuns heritiers Teftaimentaires ou ab inteftat; c'est à lui que les biens confifqués font adjugés ainfi que les Epaves & partie des tréfors trouvés ; il a la propriété des Riviéres non navigables, le Droit prohibitif de la Chaffe, & plufieurs autres avantages dont nous allons traiter féparement. Il y a peu de Lieux où le Seigneur Haut - Jufticier n'ait auffi la Moyenne & Baffe-Juftice; & fuivant l'Observation de Mr. Boiffieu, de l'Ufage des Fiefs, chap. 57. la préfomption à cet égard ou le Droit Commun eft toûjours pour le HautJufticier. Celui, dit cet Auteur, qui a la Haute Justice, eft fondé de la Moyenne & de la Baffe, & qui a la Myenne eft fondé de la Baffe s'il ny a Titre au cont aire; parce que Is Droits de la M yenne &Baffe Justice Séparés de la Huie, ont été tirés & éclipfés de

celle-ci.

FFC: I2C FC: IFC FC JFEC: JFFC X XX XX XX X X X56 CHAPITRE PREMIER

DE L'ADMINISTRATION ou exercice de la Justice.

E Seigneur Haut - Jufticier peut nommer des Officiers qui L rendent la Juftice à fon nom, & ce Droit lui est commun avec le Jufticier Moyen & Bas & chacun pour ce qui le

concerne.

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,

Non-feulement le Seigneur peut nommer des Officiers, mais il cft encore obligé de le faire; car les Seigneurs ne peuvent eux-mêmes exercer ou rendre la Juftice: ils le pouvoient, & ils le faifoient autrefois, mais ils ne le peuvent plus aujourd'hui ; la caufe de ce changement eft parfaitement bien expliquée par Loyseau, Traité des Offices liv. 5. chap. 1. n°. 42. en ces termes : En la premiére Antiquité les Seigneurs étoient les vrais Juges, auffi n'étoient-ils lors que fimples Officiers du Roi; mais ayant converti Leur Office en Seigneurie qui est une espéce de Dignité diftincte spécifiquement de l'office, comme ils ont pris à eux ce qui appartenoit au Roi, à fçavoir la propriété de la justice, aussi ils ont laissé à leurs Juges ce qui étoit de leur ancien Office, fçavoir l'exercice de la Justice.

Les Juges des Seigneurs connoiffent de toute forte de crimes; il n'y a d'exception que pour ceux dont l'Ordonnance de 1670. Titre I. Article X I. & X I I. attribuë la connoiffance aux Baillifs & Sénêchaux, ou aux Prévôts & Juges Préfidiaux.

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Les Baillifs ou Sénêchaux connoiffent à l'exclufion des Juges des Seigneurs, ainfi que des premiers Juges Royaux, du crime de Léze-Majesté, du Sacrilége avec effraction de la Rebellion aux Mandemens émanés de Sa Majefté ou de fes Officiers, de la Police pour le port des Armes, des Affemblées illicites, féditions, émotions populaires, force publique, fabrication, alté

,

ration & expofition de fauffe Monnoye correction des Officiers Royaux, & malverfations par eux commifes dans leurs Charges, crimes d'héréfie trouble public fait au Service Divin, Rapt & enlevement des perfonnes par force & violen

ce,

&c.

,

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Ces crimes font appellés cominunément Cas Royaux : ils font tels, difent quelques uns de nos Auteurs, parce qu'ils font fi graves qu'il importe d'en affûrer la recherche & la pu nition; mais ce raisonnement eft faux & ce qui le prouve évidamment, c'est qu'il y a des crimes plus graves & plus énormes que ceux dont nous venons de parler, & qui cependant ne font point des Cas Royaux; le crime de Léze - Majefté divine, le Parricide &c. Ce qui fait le Cas Royal est moins l'énormité du crime , que les conféquences ou les fuites du crime par rapport à l'Etat & au Public; & on peut définir en ce fens le Cas Royal, celui où la Majefté du Prince, la Dignité de fes Officiers, la fûreté & la tranquillité publique, fe trouvent violées ou intéreffées.

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Les Prévôts & les Juges Préfidiaux connoiffent à l'exclufion des Juges des Seigneurs & des premiers Juges Royaux, de tous crimes commis par les Vagabonds, Gens fans aveu & fans domicile, ou qui ont été condamnés à quelque peine corporelle banniffemens ou amende honorable, des oppreffions, excès ou autres crimes commis par Gens de Guerre, tant dans leur marche, Lieux d'Etape, que d'affemblée & de féjour, affemblées illicites avec port d'armes, levée des Gens de Guerre fans commiffion du Roi, des vols faits fur les grands chemins ; (4) des vols faits avec effraction , port d'armes publique, des facrileges avec effraction, affaffinats prémedités, féditions, émotions populaires, fabrication, altération ou expo- que lorfqu'ils fition de fauffe Monnoye.

& violence

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(a) Les Prévots ne connoif

fent de ceux-ci

ont été commis hors les Villes

ce.

Je dis les Prévôts ou les Juges Préfidiaux ; parce qu'en effet de leur réfidenles Juges Préfidiaux concourent avec les Prévôts ; & avec cet : avantage même qu'ils connoiffent du crime, quoique le Prévôt ait prévenu & décreté avant eux, , pourveu qu'ils ayent décreté le même jour. Article X V. du Titre I. de l'Ordonnance criminelle.

Il y a, comme l'on voit, de Cas Royaux qui ne font point

mis parmi les Cas Prévôtaux; le crime de Léze - Majesté par exemple, les malverfations commises par les Officiers Royaux en l'exercice de leurs Charges, le crime d'héréfie, le trouble fait au Service Divin, le rapt & enlevement des perfonnes par force & violence ; & ce qui paroît contraire à la difpofition des anciennes Ordonnances, c'eft ce qu'il y a des Cas Prévôtaux qui ne font point mis au nombre des Cas Royaux, le vol exemple, qui eft fait avec effraction, l'affaffinat prémedité, &c. Contraire, difons - nous, à la difpofition des anciennes Ordonnances qui ne déclaroient aucun Cas Prévôtal fans l'avoir auparavant jugé Cas Royal, ayant choifi entre les cas dont la connoiffance appartenoit aux Officiers Royaux à l'exclufion des Juges des Seigneurs ceux qui regardoient particuliérement la fûreté publique , pour en attribuer la connoiffance aux

Prévôts.

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› par

&

Les Prévôts & les Préfidiaux jugent en dernier reffort les Sénéchaux jugent toûjours à la charge de l'Appel. Artiticle XIV.

Les Juges des Seigneurs connoiffent des caufes mêmes des Nobles, tant en matière civile qu'en matiére criminelle ; & en cela leur pouvoir eft plus étendu que celui des premiers Juges Royaux, dont les Nobles fuivant l'Edit de Cremieu, & la Déclaration de Compiegne, ne font point obligés de reconnoître la Jurifdiction.

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2

Par l'Article V. de l'Edit de Cremieu les Nobles peuvent en premiére Instance porter leurs caufes devant les Sénechaux fçavoir; les causes civiles, tant en demandant qu'en défendant & les criminelles en défendant feulement; & par la Déclaration de Compiegne en interprétation de cet Edit par le Roi François premier, il eft dit : il eft dit "Que ce Privilége accordé aux Nobles

n'aura point lieu au préjudice des Juges des Seigneurs, mais ,, feulement des premiers Juges Royaux ;,, en forte que les Nobles Jufticiables d'un Seigneur ne peuvent, foit en matiére civile, foit en matiére criminelle, décliner la Jurifdiction du Siége du Seigneur; au lieu que les Nobles jufticiables du Roi peuvent en matière civile & criminelle décliner la Jurifdiction des premiers Juges Royaux.

Suivant l'Ordonnance de 1670. Tit. I. Article VII. & IX.

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les Sénêchaux peuvent prévénir les Juges des Seigneurs lorfque ceux-ci ont négligé d'informer & de décreter dans les vingtquatre heures mais ils ne peuvent prévenir les premiers Juges Royaux qu'au cas ils n'ayent informné & décreté dans trois jours après le crime commis; la différence peut être prife fans doute de ce que la négligence eft moins excufable de la part des Juges des Seigneurs qui peuvent être aifément inftruits des crimes commis dans le détroit de leur Jurifdiction, moins étendue ordinairement que celle des Juges Royaux, fi on veut dire encore que la dévolution des Juges des Seigneurs aux Sénêchaux fe fait plus naturellement & en moins de tems que celle des premiers Juges Royaux, parce que fuivant l'obfervation de Meffieurs les Commiffaires, que nous trouvons dans le Procès Verbal des Conférences fur l'Ordonnance de 1670. le Roi ne s'est pas fi fort dépouillé en faveur des Seigneurs de la propriété de la Justice, & fur tout de la Juftice criminelle, qu'il ne fe foit reservé le droit de la faire exercer par les Juges, même par concurrence avec ceux des Seigneurs; raifon pour laquelle dans le premier projet de l'Ordonnance, non-feulement les Sénéchaux, mais encore les premiers Juges Royaux, pouvoient prévenir les Juges des Seigneurs en informant & décretant le même jour.

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On a douté long-tems fi le Juge du Seigneur pouvoit connoître des Procès & conteftations entre le Seigneur & les Jufticiables; mais l'Ordonnance de 1667. au Titre des Recufations des Juges "décidé la Question en ces termes : ", a N'entendons exclure les Juges des Seigneurs de connoître de tout ce qui concerne les Domaines, Droits & Revenus ordinaires ou cafuels, tant en Fief que Roture de la Terre, même des Baux, Sous-Baux & joüiffances, circonftances & dépendances, foit », que l'affaire fût poursuivie sous le nom du Procureur Fifcal », ou du Seigneur ; & à l'égard des autres actions où le Seigneur fera Partie ou intéreffé, le Juge n'en pourra connoître.

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De ce qui concerne les Domaines, dit l'Ordonnance, & delà il naît une autre Question: fçavoir, fi le Juge du Seigneur eft competant lors même que la propriété de la chofe eft contentieufe, & que la qualité de Vaffal ou d'Emphitéote eft contef tée; fuivant l'opinion commune on peut décliner en ce cas la Jurifdiction du Seigneur: Sequitur, dit Argentré, fur la Coûtume

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