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SI LA RENTE EST RACHETABLE.

I.FACULTE de racheter les Rentes conftituées. II. & III. Si la faculté de racheter une Rente Fonciere, eft imprefcriptible.

IV. Si la Directe conftituée à prix d'argent eft une vraye Directe, jouiffant des privileges ordinaires. V. Examen plus profond de cette question.

V Í. Sentiment de Dumoulin.

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VII. Réfutation de ce fenti

ment.

VIII. Diverfité de Jurifpru

dence.

IX. Tempérament à fuivre fur cette question.

X. Suite.

XI. La Cenfive eft utilement créée in traditione fundi, quoique le Contrat foit mêlé de vente, partage, &c.

Left de la nature de toutes les Rentes conftituées à prix d'argent, de pouvoir être rachetées par le Débiteur,mais il n'en eft pas de même des Rentes Fonciéres : & on voit d'abord la raifon de la difference, elle eft prise entr'autres de ce que la Rente conftituée a un prix certain, au lieu que le prix de la Rente Fonciere eft le Fonds même qui a été baillé fous cette condition, & que le Cenfitaire ne peut par conféquent retenir fans être obligé de payer.

I.

I I.

On a vû quelquefois des Baux où il eft ftipulé que le Cenfitaire pourra toties quoties, racheter la Rente moyennant une certaine fomme d'argent ; & ces ftipulations ont donné lieu à une queftion, fçavoir, fi la Rente étant, comme nous avons dit, imprefcriptible, la faculté de racheter l'eft auffi ? Les Arrêts rapportés par Mr. Dolive ont jugé que non ; & ces Liv. 2. ch.22. Arrêts font fondés fur ce que la faculté de racheter

46.

I I I.

Duranti, qu.

toties quoties, eft de sa propre nature sujette à la prescription ordinaire de 30. ans, & qu'elle ne ceffe pas d'être telle pour être appofée dans un Contrat imprefcrible. La claufe du Bail qui foûmet le Cenfitaire au payement de la Rente, & celle qui donne au Cenfitaire la faculté du rachat, n'ont entre elles rien de commun. La premiere conferve l'imprescriptibilité fans la communiquer à l'autre.

A Jurifprudence du Parlement de Toulouse a fouvent varié fur cette question.

LA

Duranti rapporte un Arrêt rendu, les Chambres affemblées, par lequel il fut jugé que la faculté de rachat étoit imprefcripMaynard, liv. tible. Et M. Maynard rapporte un Arrêt femblable du 26. Fé

4. cb. 53.

Cambolas,

vrier 1586.

Au contraire Ferriere fur Duranti, M. de Cambolas & M. liv. 6. ch. 14. Dolive rapportent divers Arrêts des années 1599. 1631. & 1633. qui ont jugé pour la prescription.

Dolive, liv. 2. cb. 22.

IV.

Nous apprenons de M. de Catellan, qu'on eft revenu depuis à l'ancienne Jurifprudence. Il eft vrai que les Arrêts qu'il rapporte, ont été rendus pour des Rentes Obituaires, & non pour des Rentes Foncieres ; mais ne font-ce point les mêmes principes à l'égard des unes & des autres ?

U

N homme poffedant un Fonds noble ou allodial, confent que fur ce Fonds il foit créé une Rente; cette Rente fera-t-elle regardée comme Fonciere, de maniere qu'elle ne foit ni rachetable, ni prefcriptible? Les Arrêts ont jugé differemment cette question; mais fuivant la derniere Jurifprudence, une telle Rente cft regardée comme conftituée & volante, prefcriptible par conféquent, & rachetable. Une Rente vraiment Fonciere doit être êtablie in traditione fundı : & tout ce que l'on pourroit dire, c'eft que dans le cas

propofé, l'établissement de la Rente par un espece de fiction, fictione brevis manus a été précedé de la tradition du Fonds, rien n'empêchant, en effet, que celui qui poffede un Fonds ou allodial, ne le délivre d'une main à titre de vente, & ne le reçoive de l'autre fous la condition de payer annuellement une Rente. Tout cela n'eft que fubtilité, & qu'un prétexte pour faire impunément des Contrats ufuraires.

Du refte, fi la Rente Fonciere n'eft point rachetable, elle n'eft pas non plus reductible en argent, lorf qu'elle a été établie en grains ou autres efpeces ; & en cela encore la Rente Fonciere eft differente de la Rente conftituée, celle-ci pouvant être toûjours reduite en argent, fuivant & à proportion du prix pour lequel elle a été achetée.

A queftion que décide en cet endroit M. de Boutaric
mérite d'être difcutée avec foin.

LA

Dumoulin l'a traitée en deux endroits differens de fon Commentaire, & dans l'un & dans l'autre, il décide que la foûnifmiffion du Proprietaire qui fe rend l'Emphitéote d'un autre, produit une Directe veritable.

Il en donne deux raifons. La premiere, que depuis que la distinction des deux Domaines a été introduite, il doit être auffi libre au Proprietaire d'aliener & tranfporter la Directe de fon héritage, que d'en aliener la pleine proprieté. Et la feconde, que dans cette ceffion du Domaine direct, il faut diftinguer par fiction deux Actes differens. L'un, par lequel le Proprietaire eft cenfé avoir remis l'héritage à celui qu'il a voulu faire fon Seigneur; & l'autre, par lequel celui-ci lui a revendu l'héritage, en retenant la Cenfive & le Domaine direct..

Il eft vrai que Dumoulin veut qu'on ufe d'un temperament, lorfque c'eft à prix d'argent qu'a été faite cette conftitution de de la Directe. Il veut qu'on diftingue alors, fi la Cenfive stipuléc remplit elle feule le légitime interêt de la fomme que le Pro

V.

V I.

VII.

VIII.

Expilli, en fes Arrèes, ch. 68.

priétaire a reçûë; ou au contraire fi ce qui a été compté, eft le juste
prix qu'auroit dû valoir une femblable Directe avec la Cenfive &
les autres Droits en dépendans. Au premier cas, il regarde la stipu-
lation de la Directe & des Droits Seigneuriaux, comine une
ufure formelle & il déclare que les chofes doivent demeurer
réduites aux purs termes d'une conftitution de Rente; mais au
fecond cas,
il déclare que le Contrat a produit une Directe
auffi effective, que fi elle eût été conftituée dans la tradition
du Fonds.

>

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L'opinion de Dumoulin conforme à celle d'un grand nombre d'Anciens, a été beaucoup controverfée parmi les Modernes.

On s'eft apperçu que ce que nous appellons la Dominité Directe n'eft point chofe qui ait une existence véritable & naturelle. Il y a dans le Droit la diftinction de l'ufufruit & de la propriété, & c'eft une diftinction que l'on conçoit fans nulle peine. Mais il n'eft guere poffible de concevoir celle de deux Dominités, ou de deux dégrès différens dans la Dominité du même héritage. De forte, encore une fois, que cette idée d'un Domaine direct n'a rien de réel, & ne fubfifte que comme chose de pure convention.

Il faut donc examiner en quelle forme s'eft introduite cette convention ancienne, univerfelle, par laquelle les hommes ont ftatué de reconnoître une efpéce de Dominité , qu'ils ont appellée Domaine direct; & comme l'ufage de cette Dominité dans fa premiére origine, n'a été reçu que pour attribuer un Droit plus éminent & plus avantageux à ceux qui fe dépoüilloient de leurs poffeffions, il s'enfuit que cette conftitution d'un Domaine direct, introduite dans les Actes de Bail de l'héritage, ne doit pas être reçûë dans d'autres circonstances.

Il faut pourtant convenir que les Parlemens de ce Royaume ont été long-tems incertains fur cette queftion.

Mr. Expilli, rapporte quatre Arrêts des 12. Décembre 1572. 13. Février 1582. 1. Septembre 1611. 2. Août 1613. qui, d'une Directe ainfi conftituée à prix d'argent, ont adjugé des Lods avec les arrerages de la Cenfive depuis vingt-neuf ans tandis qu'il fut jugé par ces mêmes Arrêts, que cette Cenfive & cette Directe étoient perpetuellement rachetables.

>

10. Juin 1634. Tom. 1. liv. 3.

Il y a un Arrêt du Parlement de Paris du rapporté par Henrys, qui jugea qu'une pareille Directe, avec la Cenfive & les autres Droits en dépendans prefcrite.

avoit pû être

queft. 17.

tit. z.ch. 5.

Boniface fait mention d'un Arrêt du Parlement d'Aix, qui Tom. 1. liv. 3. permit de racheter, refufa les Lods, mais accorda les arrerages depuis vingt-neuf ans.

Liv. 2. chap.

Le Parlement de Touloufe eft peut être celui où la queftion a été le plus agitée. Mr. Duranti rapporte un Arrêt Quefl. 55. du 19. Février 1585. qui débouta de la demande des Lods, quoiqu'ils euffent été ftipulés. Et Mr. Dolive au contraire en rapporte trois des années 1632. 1634. & 1641. par lefquels il 20. & 21. fut jugé que c'étoient des vrayes Cenfives Seigneuriales, joüiffant de tous les privileges de la Directe, & qui ne pouvoient être ni rachetées, ni prefcrites. Mais il rapporte en mêmetems deux Arrêts pofterieurs des années 1643. & 1644. qui ont traité ces Cenfives comme des conftitutions de Rente; & telle a été la décision d'un dernier Arrêt du inois de Juin 1644. qui eft rapporté par Mr. de Catellan.

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,

, que

Je ne fçai s'il m'eft permis d'ouvrir ma penfée fur une conteftation qui a tant partagé les Auteurs les plus célébres & les Cours Souveraines. Je crois d'abord, avec Dumoulin dans le cas que la Directe a été ftipulée à prix d'argent, il ne peut être queftion, ni de Directe, ni de Lods ni des autres Droits dépendans du Domaine direct, fi la Cenfive ftipulée égale le jufte interêt de la fomme que le Proprietaire a reçûë; mais lorfque cet établiffement a été fait par une convention gratuite & fans prix, ou lorfque ce qui a été compté, eft le jufte prix que pourroit valoir une Directe femblable, c'est alors feulement que commence le doute.

y >

Et pour dire ce que j'en penfe, je ne crois pas qu'en aucun de ces cas il ait un transport véritable du Domaine direct. Je fuis convaincu que cette efpece de Dominité ne peut utilelement fe former, que dans la tradition du Fonds; mais je crois auffi qu'encore qu'il n'y ait pas de Directe effective, tous les effets de la Directe, Acapte, Droits de Lods, & autres femblables font véritablement dûs comme Droits de convention que c'eft une charge à laquelle le Poffeffeur s'eft foûmis, & le

, parce

Liv. 3. ch.4.

IX.

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