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LE LIVRE VERT

Il a été fait au Livre Vert récemment distribué aux chambres romaines le reproche de ne rien contenir de nouveau ni d'intéressant.

Nous protestons contre ce reproche, car il est injuste, comme nous l'allons montrer tout à l'heure. Par contre, nous accusons le gouvernement italien de se l'être attiré en donnant à ses recueils de documents diplomatiques tous les défauts de forme propres à le justifier: des caractères minuscules entassés sur des lignes sans fin qui se serrent les unes contre les autres sur un papier mince et sombre, dont les feuilles sont réunies par un simulacre de brochage en ce format in-quarto, qui rend le volume aussi incommode à tenir à la main que difficile à lire sans guide-ligne. Ces défauts, dont un seul serait propre à discréditer le meilleur éditeur, se trouvent habituellement réunis dans les Livres Verts, et sont surtout frappants dans le plus récent qui embrasse diverses matières et plus de mille pages.

L'administration italienne tiendra compte de nos observations et y remédiera dans la mesure qu'il lui plaira; or, il lui plaira beaucoup et il pourra tout ce qu'il voudra, quand il aura compris qu'une légère augmentation de dépenses suffira pour empêcher que sous les défauts réels de la forme ne succombe le mérite non moins réel de ses Livres Verts, comme il en est arrivé au plus récent, dont un compilateur, effrayé pour ses yeux et pour son dos, aura excusé ses faiblesses par le jugement sommaire : Rien de neuf, rien d'intéressant. Cette condamnation subsisterait sans appel, si le Portefeuille Diplomatique ne s'était créé avec cette mission spéciale de mettre à la disposition facile de chacun les recueils diplomatiques qui sont une difficulté pour tous.

Rien de nouveau Pardon. Sans aller bien loin dans le volume, nous saisissons une information qui est nouvelle, parce que le gouvernement français et le gouvernement anglais ont pris un égal soin à la soustraire à l'information de leurs chambres. Des deux côtés de la Manche, on devait croire et l'on croyait tout naturellement à tout ce que disaient le Livre Jaune et le Livre Bleu touchant l'échange des ratifications de Berlin.

Le procès-verbal de cette opération rend bien compte du retard qu'a subi l'expédition de Constantinople des instruments de ratification et du délai de quinze jours demandé par l'ambassadeur ottoman.

Ce procès-verbal est exact; mais il est besoin du Livre Vert pour savoir que le samedi, 3 août, jour fixé pour l'échange des ratifications, « le cabinet de Berlin se trouvait, jusqu'à la dernière heure, dans une pénible incertitude sur les dispositions de la Turquie, qui désirait ajourner la sanction définitive du Traité. >>

En effet, une demande d'ajournement sine die avait été, dès le 20 juillet, adressée au prince de Bismarck par le grand-vizir Khaïreddin Pacha; sur le refus du chancelier allemand de l'accueillir, la S. Porte avait adressé à ses représentants auprès des puissances signataires du Traité du 13 juillet, un télégramme les invitant à réclamer l'ajournement des ratifications au 18 août, à cause du temps nécessaire à la traduction en turc et à la transcription en six exemplaires; toutes les puissances s'y étaient refusées : l'Allemagne avait manifesté son ressentiment; la Russie avait déclaré la S. Porte seule responsable des conséquences; mais on ignorait partout comment la S. Porte répondrait à tant de refus? et qu'arrivera-t-il si l’ambassadeur turc ne venait pas à la réunion des chefs de mission convoqués pour le 3 août? Les préliminaires de San-Stéfano et le Traité de Berlin resteront-ils sans valeur à l'égard de la Turquie? L'état de guerre entre elle et la Russie existera-t-il ipso facto? On comprend que le cabinet de Berlin ait été inquiet jusqu'à la dernière heure, et que les autres l'aient été avec lui, car l'apparition de Sadoullah bey, arrivant à la réunion du corps diplomatique sans y apporter les instruments d'échange, prouve que la S. Porte a très sérieusement voulu et cru pouvoir tout remettre en question. Quant aux déclarations satisfaisantes de l'ambassadeur turc, elles sont connues par le Livre Jaune et le Livre Bleu; le Traité est valable pour le sultan comme pour les autres puissances, sauf que les chancelleries européennes attendront la traduction turque ornée du tourah impérial.

Au Livre Vert revient le mérite d'avoir raconté cet incident diplomatique dont l'importance ne s'est pas de sitôt effacée de la mémoire des puissances.

Rien de nouveau : encore pardon. C'est encore au Livre Vert que nous devons la connaissance d'une circulaire adressée par

la chancellerie allemande aux grandes puissances. Dans cette circulaire, expédiée au commencement de septembre 1878, le prince de Bismarck prend l'initiative d'une politique d'intervention qui deviendra, environ dix-huit mois plus tard, celle de lord Granville, en proposant que des démarches diplomatiques soient faites auprès du gouvernement turc pour le presser d'exécuter les clauses du Traité de Berlin; les arguments sont les mêmes troubles dans la péninsule, dangers pour la paix. Cette initiative du cabinet allemand échoua devant le refus du cabinet anglais de s'y associer.

Rien de nouveau : une troisième fois pardon au critique qui a formulé cette condamnation sommaire. C'est bien au Livre Vert que l'on doit la connaissance de la circulaire russe du 13 mars 1879, proposant « l'occupation de la Roumélie orientale par une force militaire mixte, formée de contingents européens de dix à quinze mille hommes, à répartir entre celles des puissances qui voudraient y contribuer. » Cette proposition du cabinet russe n'eut pas plus de succès que la circulaire du cabinet allemand du mois de septembre: elle échoua devant l'opposition du gouvernement turc appuyé par l'Angleterre, devant l'accueil tout conditionnel du gouvernement italien, devant la condition posée par le comte Andrassy, que la Turquie fournisse sa part du contingent, devant la résolution de M. de Bismarck, de ne fournir aucun contingent et devant « l'intention particulièrement arrêtée du cabinet de Versailles de ne donner ni soldats ni argent pour une semblable occupation. »>

Voilà déjà trois éléments inconnus, c'est-à-dire nouveaux, que le Livre Vert fournit à l'histoire de la crise orientale; l'intérêt du public s'attache-t-il tellement à la nouvelle du jour, qu'il n'en reste plus pour celle de la veille? Nous ne le pensons pas, et nos lecteurs partageront notre opinion. Aussi sommesnous décidé à continuer la lecture et l'analyse de ces documents italiens, et à enregistrer ceux qui répandent une lumière nouvelle sur les faits qui se sont passés en Orient entre le 20 juillet 1878 et le 6 juin 1880.

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Le réseau complet des chemins de fer hongrois avait, à la fin de l'année 1879, un développement de 7,981 kilomètres dont 1,706 kilomètres railways appartenant à l'Etat, 2,410 kilomètres garantis et 3,865 kilomètres de lignes privées non garanties.

En 1879, les lignes suivantes ont été livrées à l'exploitation:

1. Kronstadt à Tömös-Pass; tronçon des chemins de fer de l'État hongrois d'une longueur de 30 kilomètres, établissant la jonction entre les lignes de l'est de la Hongrie (Transylvanie) et le réseau roumain.

2. Orsova à Verciorova, tronçon des chemins de fer de la Compagnie impériale et royale autrichienne de l'État, d'une longueur de 4 kilomètres, établissant la jonction entre les lignes du sud-est de la Hongrie proprement dite, Bucharest et le réseau roumain.

3. Oedenburg à Neufeld, tronçon de la ligne de RaabOedenburg-Ebenfurth, d'une longueur de 31 kilomètres, établira la jonction avec les chemins de fer de l'État de la basse Autriche. La construction du tronçon de ces chemins de fer allant de Leobersdorf à Ebenfurth est déjà décidée et les travaux vont être commencés. Lorsque ce dernier tronçon sera construit, les villes hongroises de Raab, d'Oedenburg et les stations intermédiaires disposeront d'une ligne plus courte vers l'ouest, laissant Vienne à sa droite. On sait que le centre et l'ouest de l'Europe sont d'une grande importance pour l'exportation des céréales de la Hongrie, et la construction également projetée de la ligne de Bude à Raab facilitera encore les communications dans cette direction.

4. Le railway d'intérêt local de Mézo-Tur à Szarvas, qui sera sous peu livré à l'exploitation.

5. Le tronçon de Brod à Busud, qui établit la jonction du railway de Dalja à Vinkovce et à Brod à la ligne impériale et royale de la vallée de la Bosna.

Cette ligne de Bosnie a été construite à voie étroite et a,

de Brood à Zenica, une longueur de 190 kilomètres; il est question de la prolonger prochainement jusqu'à Séraïévo. Elle est placée sous l'administration militaire et a pour but principal les transports destinés à l'armée d'occupation. Pour rendre de vrais services au commerce de l'Autriche-Hongrie avec la Bosnie, il sera évidemment nécessaire de donner, plus tard, à cette voie ferrée la largeur normale des chemins de fer de grande communication.

Quant aux lignes de chemins de fer dont la construction est décidée ou projetée, les principales sont :

1. Le chemin de fer de Budapesth à Semlin, pour lequel une Convention a été conclue le 9 avril 1880 entre le gouvernement d'Autriche-Hongrie et celui de la Serbie.

En vertu de cette Convention, la Hongrie fera construire jusqu'au 15 juin 1883 une jonction de Budapesth par Semlin jusqu'à la frontière hongroise-serbe à Belgrade, par un raccordement avec les lignes déjà existantes à Szégedin ou NagyKikinda.

Par la même convention, le gouvernement princier de Serbie s'engage, de son côté, à faire construire un chemin de fer se raccordant à cette ligne, lequel partira de la frontière hongroiseserbe à Belgrade et conduira en ascendant par la vallée de la Morava jusqu'à Niche, avec les embranchements, dont l'un ira de Niche à la frontière serbo-bulgare vers Bellova dans la direction de Constantinople, et l'autre de Niche à la frontière serbo-turque vers Salonique, pour se joindre à un point convenable de la ligne Salonique-Mitrowitza.

2. Le réseau des confins militaires de Croatie-Slavonie, dont la prolongation vers Sissek et, par conséquent, vers Karlstadt donnera aux contrées productives de la vallée de la Save accès au réseau des voies ferrées et augmentera le mouvement des transports sur le tronçon de l'État allant de Karlstadt à Fiume.

3. La ligne de Bude à Raab, déjà mentionnée, et pour laquelle il s'est formé dernièrement un consortium sérieux et qui serait appelée à rendre le chemin de fer de l'ouest de la Hongrie indépendant des lignes de raccordement. qui l'entourent. Il y a longtemps que cette ligne est en projet, mais la situation défavorable des affaires en a retardé la construction.

4. Plusieurs lignes d'intérêt local qui s'embrancheraient sur le réseau du nord-est de la Hongrie; ce sont les tronçons de

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