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« J'ai écrit pour la première fois cette histoire il y a quarante années. Le temps, l'étude, l'expérience des grandes affaires, usus rerum, ne m'ont pas appris que je dusse changer les lignes générales de mes premiers récits. Aujourd'hui comme alors, je pense que la liberté de Rome n'avait rien de commun avec la nôtre et que les républicains des bords du Tibre. étaient une oligarchie étroite qui, après avoir conquis le monde, ne sut pas le gouverner. Guy Patin disait à un premier président que, s'il avait été au sénat le jour des Ides de Mars, il aurait donné au dictateur le vingt-quatrième coup de poignard. C'était une opinion littéraire qu'il était de bon goût de professer en souvenir de Cicéron glorifiant le meurtre de César, et en un temps où les frondeurs du Parlement se croyaient des Catons. « La cause victorieuse qui avait plu aux dieux », déplaît encore en France à quelques lettrés; mais, dans la libre Angleterre, comme dans l'Allemagne césarienne, la critique historique donne à présent raison aux dieux.

<«< Comme bien d'autres, j'aurais souhaité que la grande république qui, pendant des siècles, avait montré tant de sagesse, eût duré. Le pouvait-elle ? On trouvera la réponse dans ce livre, si l'on veut bien étudier, en toute liberté d'esprit, les transformations que les circonstances historiques ont imposées à la société romaine. C'est une lecture qui demandera moins d'heures que l'ouvrage n'a coûté d'années à écrire, et elle donnera la conviction que tout en restant de son temps, on peut approuver une révolution qui fut un progrès pour l'humanité. Cent familles y ont perdu, mais quatre-vingts millions d'hommes y ont gagné. »

Ce qui ressort le plus clairement de cette confession du savant auteur, c'est que son esprit le portait vers César écrasant la République, avant qu'un César son contemporain eût, à sa façon, fait trembler les méchants et rassuré les bons. Il n'est pas permis à la critique de douter de la sincérité d'une opinion qui s'étale ainsi à la face du lecteur. Mais on peut à bon droit se demander à quel mobile a obéi M. Duruy, en écrivant ces lignes plus propres à accentuer une tendance personnelle qu'à accréditer l'indépendance du critique. Il apprécie des personnages, il examine leurs actes, il sonde au plus profond de leur cœur. L'expression de son jugement entraîne le lecteur, et celui-ci regimbe devant une profession de foi qui lui rend le jugement suspect.

En effet, M. Duruy, dans la philosophie de l'histoire de Rome,

peut être considéré comme l'avocat plaidant pour un passé récent et conséquemment pour lui-même, ou bien comme un prophète qui s'éclairant des lumières de l'histoire prédit l'instabilité de toutes institutions, et prêche la croyance dans les sauveurs nécessaires. Nous réservons notre jugement jusqu'après une étude plus approfondie.

Quand l'ouvrage de M. Duruy sera complet, on pourra, sans quitter son fauteuil, visiter tous les musées de l'Europe où l'art antique a ses plus belles ou ses plus curieuses représentations, et notre école historique n'aura plus rien à envier à l'érudition allemande; elle aura trouvé son Mommsen, bien supérieur à celui de Berlin sous le rapport de la composition et de la clarté.

Il est inutile d'ajouter que ce volume, comme les précédents, est illustré de magnifiques gravures selon l'antique. On n'en compte pas moins de 600 avec 8 plans et 6 chromolithographies, dont l'une reproduit des peintures tout récemment découvertes à Rome et encore inédites.

CHRONIQUE FINANCIÈRE

Jeudi, 9 décembre 1880.

La semaine offre peu d'incidents dignes d'être relevės. Durant ces huit jours, la spéculation s'est bornée à maintenir les cours, à piétiner sur place, comme on dit vulgairement.

Du reste, un mouvement d'une certaine importance doit être visé en ce moment, et il ne tardera probablement pas à se dessiner. Nous n'en voulons pour preuve que le bon marché extraordinaire des primes fin du mois. Lorsqu'on donne du dont dix sous, du dont cinq sous et du dont deux sous, avec un écart de vingt, trente et cinquante centimes, c'est qu'on ne croit pas au maintien prolongé des cours actuels.

On a fait grand bruit cette semaine de gros retraits d'or, qui se seraient produits à la Banque d'Angleterre, et on a assuré que l'escompte allait être relevé à Londres.

Cela est vrai, et la mesure que vient de prendre la Banque d'Angleterre, relevant l'escompte de 1/2 pour le porter à 3 0/0, prouve que les retraits en question n'étaient pas imaginaires.

On a procédé par comparaison et l'on a dit que pareille chose devait se produire en France.

Que maintenant, la Banque d'Angleterre mise à contribution par l'Amérique et craignant de voir disparaître tout son stock d'or, s'adresse à nous et cherche à remplir le vide de sa caisse au moyen de notre or, il n'y a là rien que de très naturel; mais ce jour-là, la Banque de France prendra de nouvelles mesures de défense et élèvera à son tour le taux de l'escompte.

Cette mesure devra forcément être prise, puisque c'est la seule qui puisse être assez efficace en cette occasion.

Seulement, le jour où elle sera affichée officiellement, le marché la saluera par la hausse, car elle lui donnera l'espoir de voir la fin de l'exportation de notre numéraire le plus précieux.

En attendant, le marché se soutient et garde toutes ses bonnes dispositions. Il suffirait qu'une volonté énergique se manifestât dans le sens de la hausse, pour que la spéculation suivît docilement et allègrement.

Rentes. Le 5 0/0 est en recul de 0,17 1/2 à 119,20; le 3 0/0 perpétuel faiblit de 0,20 à 85, 65; le 3 0/0 amortissable baisse de 0,30 à 87,20; le 4 1/2 0/0 gagne 0,15 à 114,25.

Fonds étrangers.

Les consolidés anglais sont en hausse de 1/16 0/0 à 99 après 99 5/16.

Les fonds étrangers cotés sur notre marché ont, grâce aux cotes de bourse de leurs pays d'origine, gagné de nouveau du terrain.

L'Italien 5 0/0 monte de 0,25 à 88,15 après 88,25.

Tout annonce l'approche de l'emprunt qui devra être le salut, si les ressources qu'il procurera au Trésor sont bien appliquées.

Le Russe 1877 5 0/0 progresse de 1/8 0/0 à 97 après 97 1/4.

Rien de nouveau de ce côté. Le nouveau ministre des finances cherche à engager des pourparlers en vue d'un emprunt. S'il est émis à un taux raisonnable, il ne peut manquer de

réussir.

Le Hongrois 6 0/0 or monte de près de 1 0/0 à 96 1/2 après 96 3/4; et l'Autrichien 4 0/0 or de 7/8 0/0 à 75 3/8.

Que signifie la tenue de ces fonds? Ce n'est pourtant pas la situation budgétaire de l'Autriche-Hongrie qui peut justifier de pareils cours.

Les fonds turcs sont fortement agités. Les cours montent, descendent et remontent d'une unité en une seule séance. On attribue cette attitude à la démarche du syndicat des établissements de crédit, mettant leurs guichets à la disposition des porteurs pour le dépôt de leurs titres, et formant un centre d'action puissant pour agir sur le gouvernement ottoman. Les établissements de crédit, en prenant cette décision, montrent qu'ils ont quelque souci de la fâcheuse position des créanciers de la Turquie, et qu'ils ont à cœur de leur venir en aide.

Les fonds espagnols n'ont que peu varié. Le 3 0/0 ancien reste à 21 1/8 en perte de 1/80/0 après 21.

La faveur des titres égyptiens s'accentue chaque jour. Deux nouvelles importantes ont été publiées cette semaine. L'une constate que les encaissements pour la dette unifiée s'élèvent déjà à £. 400,000 et pour la dette privilégiée à £. 152,000 et cela en un mois ou six semaines après l'échéance des coupons. La seconde nouvelle nous apprend qu'un de nos grands établissements de crédit a repris au Crédit foncier de France son stock d'obligations égyptiennes à d'excellentes conditions.

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Etablissements de crédit et valeurs industrielles. La Banque de France est en hausse de 45 fr. à 3790.

Le bilan arrêté à la date de ce jour offre les variations suivantes:

L'encaisse diminue de 2 millions, par suite d'une rentrée d'or de 4 millions et d'une sortie d'argent de 6 millions; d'où, à la balance, excédent de sortie, 2 millions d'argent.

Les comptes courants des particuliers augmentent de 29 millions.

Sont en diminution: la circulation pour 21 millions, le portefeuille pour 30 millions, le compte du Trésor pour 24 millions. Les bénéfices de la semaine atteignent 800,000 fr.

En somme, ce bilan est fort bon. Une chose cependant est à noter: c'est que les expéditeurs d'or trouvant des difficultés à se faire délivrer des pièces de 20 francs, retirent des lingots d'or. Le chapitre des avances sur lingots diminue en effet de 8 millions.

Ce n'est pas la même chose que des retraits de numéraire, mais le résultat est à peu de chose près le même.

Le Crédit foncier de France est en avance marquée de 35 fr. à 1400.

Le Crédit foncier et agricole d'Algérie va entrer dans la phase de l'activité. Les affaires ne lui manqueront pas dans notre belle colonie, et, tout en venant en aide à nos colons, il fera de beaux bénéfices.

La deuxième assemblée constitutive a eu lieu ce matin, sous la présidence de M. Christophle, gouverneur du Crédit foncier.

Toutes les résolutions prises par la première assemblée ont été ratifiées.

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