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possible, s'est montrée très favorable aux propriétaires dans la solution de cette question.

Voir, outre les décisions rapportées dans l'arrêté du Conseil de préfecture que nous publions, celles qui sont indiquées par M. Aucoc, Conf. sur le Dr. admin., II, n° 777, p. 521 et suiv.; Féraud-Giraud, Code des mines et mineurs, nos 1026 et suiv., p. 190 et suiv.

(Journal La Loi, du 7 octobre 1887.)

Cet arrêt, bien que rendu dans une espèce non forestière, nous a semblé utile à reproduire, en ce qu'il indique, pour tous les terrains, à quelles conditions une carrière doit être considérée comme ouverte, au point de vue de l'application de la loi de 1807.

No 46. COUR DE NÎMES (1re Ch.). 6 Février 1888.

Validité de l'acte d'adjudication de phosphates passé sans l'intervention des agents forestiers.

Une adjudication de phosphates à extraire d'un bien communal soumis au régime forestier n'est pas nulle parce que le cahier des charges n'a pas été approuvé par le Conseil municipal, parce que l'adjudication s'est faite sans que les agents forestiers y aient concouru et sans que le préfet l'ait approuvée, alors que l'approbation du service forestier et du préfet résulte implicitement des mesures ultérieures d'exécution du

contrat.

Entre la commune de Saint-Maximin (Gard), représentée par son maire, appelante principale;

Et 1o Pierre Ardisson, entrepreneur, domicilié à Uzès; 2o Cyprien Gastal, vétérinaire, domicilié à Remoulins, intimés, sur l'appel principal.

ARRÊT :

Attendu que, par acte en la forme administrative, le droit d'extraire les phosphates de chaux existant dans les bois communaux de Saint-Maximin a été concédé, le 5 avril 1884, pour une durée de neuf ans, à Gastal et Ardisson au prix de 6 fr. 25 la tonne;

Qu'en exécution de cet acte et des clauses du cahier des charges contenant les conditions de la concession, les adjudicataires, dûment pourvus de la permission d'extraire, délivrée par le Conservateur des forêts, le 22 avril 1884, ont commencé l'exploitation, laquelle a été continuée jusqu'à ce jour sous la surveillance de l'Administration forestière et le contrôle du Maire;

Qu'ils ont exactement versé dans la caisse municipale la redevance correspondant au nombre de tonnes extraites et qu'ils se sont conformés à toutes les prescriptions du cahier des charges;

Attendu, néanmoins, que, par exploit en date du 27 mai 1886, la commune a assigné lesdits Gastal et Ardisson devant le Tribunal d'Uzès, pour voir prononcer la nullité de l'acte du 5 avril 1884, pour défaut de consentement, le Conseil municipal n'ayant pas été appelé à délibérer sur les conditions de la concession;

Attendu que le premier juge a déclaré ce moyen mal fondé et rejeté la demande par son jugement du 10 mars 1887;

Que, pour le décider ainsi, il a admis que les articles 17 et 19 de la loi du 18 juillet 1837 étaient inapplicables à l'aliénation des produits du sol forestier, laquelle serait régie par la loi forestière, l'ordonnance d'exécution du 1er août 1827 et, spécialement pour l'objet du litige, par l'article 169 de l'ordonnance et par celle du 4 décembre 1844, article 2;

Sur ce moyen: Attendu que, pour les motifs d'intérêt général, la loi a enlevé aux Conseils municipaux l'administration des bois et forêts dont les communes sont propriétaires, pour la confier à l'Administration forestière;

Que cette dernière procède, pour leur compte, à l'aliénation des produits principaux, tels que les coupes ordinaires et extraordinaires, ainsi qu'à celles des produits accessoires;

Attendu que l'arrêté du Ministre des finances, du 1er septembre 1838, classe au nombre des produits les minerais, terres, pierres, sables (art. 1er, n° 12);

Qu'en rapprochant cet arrêté de l'article 169 de l'ordonance, on serait amené à conclure que ce dernier article, conçu dans les termes les plus généraux, s'applique aux extractions de minerais et de pierres, et que l'aliénation de ces produits doit avoir lieu sur la mise à prix fixée par le Préfet, les Conseils municipaux y demeurant étrangers;

Attendu, néanmoins, que la loi spéciale sur les mines, minières et carrières du 21 avril 1810 ayant, en ce qui concerne les minerais de fer d'allu vion, disposé que le prix en serait réglé de gré à gré avec le propriétaire ou à dire d'expert et, en ce qui regarde les carrières, maintenu le droit commun d'après lequel le prix de la vente ou du bail est fixé par le propriétaire, on doit admettre que, lorsque les extractions portent sur des substances qui n'ont aucune analogie avec le produit propre au sol forestier et rentrent plus particulièrement sous l'application de la loi de 1810, l'article 169 de l'ordonnance cesse d'avoir son effet. C'est ainsi que, par décision du 7 mars 1840, le Ministre des travaux publics a déclaré que le prix du minerai de fer extrait sur le sol forestier devait être réglé de gré à gré entre le propriétaire du sol et l'extracteur et non par le Préfet;

Il n'y a pas de raison pour soumettre l'extraction des phosphates à un régime différent, surtout si l'on considère que les gisements de ce minerai peuvent avoir une valeur considérable, comme dans l'espèce, où la substance, cédée pour une période de neuf ans, procure à la commune un revenu minimum de 8.000 francs par an, et il ne semble pas que l'article 169 de l'ordonnance, édictée en vue des produits accessoires, puisse être étendu à des gisements de cette importance qui, pour se trouver dans l'intérieur du

sol forestier, n'en constituent pas moins un bien distinct de la forêt même; Sans doute, l'extraction de ce produit ne pourra avoir lieu qu'avec l'autorisation de l'Administration, à qui appartient la police et la surveillance de Ja foret, mais l'aliénation du produit sera régie par le droit commun;

Attendu que c'est dans ce sens que, par décision du 5 janvier 1885, le Ministre de l'agriculture, s'écartant de l'interprétation donnée, le 7 février 1866, à l'article 169 de l'ordonnance, a déclaré qu'à l'avenir les adjudicataires des exploitations de phosphates dans les bois soumis au régime forestier pourront se faire à la diligence des maires, d'après les cahiers des charges rédigés par eux, adoptés par les Conseils municipaux, approuvés par le Conservateur des forêts et le Préfet;

Attendu, dès lors, que de ce qui précède il faudrait conclure que la commune serait en droit de demander la nullité de l'acte du 5 avril 1884 si, en réalité, le cahier des charges d'après lequel cette adjudication est intervenue n'avait pas été soumis à l'approbation du Conseil municipal;

Mais attendu qu'il résulte de la lettre du 11 mars 1884, adressée par le Maire au Préfet et accompagnant le cahier des charges, que les conseillers alors en exercice dans la commune ont pris connaissance de ce cahier des charges et qu'ils l'ont approuvé;

Que cette lettre ne porte pas seulement la signature du Maire, mais qu'elle est, en outre, revêtue de celle des conseillers municipaux alors en exercice dans la commune;

Attendu que si l'on peut objecter que le consentement du Conseil municipal aurait dû se produire sous une autre forme, il y a lieu de considérer que, par deux délibérations subséquentes, le Conseil municipal a pleinement ratifié l'aliénation du 5 avril 1884;

Attendu, en effet, que par sa délibération du 15 juin 1884, enregistrée à la préfecture le 19 juin, le Conseil municipal de la commune de Saint-Maximin, considérant que la solution donnée à l'affaire des phosphates est conforme à tous égards aux intérêts de la commune, que cette solution est une œuvre de sage administration, à l'unanimité a donné son entière approbation au cahier des charges et à l'adjudication du 5 avril 1884;

Attendu qu'il est à remarquer que cette délibération, ainsi qu'il résulte du procès-verbal qui la constate, avait été précédée d'un exposé dans lequel le Maire rappelait l'engagement formel pris par la commune dans sa délibération du 17 mai 1882, approuvée par le Préfet, de concéder l'extraction des phosphates au prix de 2 fr. la tonne au sieur Bourrely et le même engagement pris dans la délibération du Conseil municipal du 22 février 1883 envers Gastal et Ardisson;

Que, dans ce même exposé, le Maire rappelait la proposition faite par le Préfet, le 16 juillet 1883, lorsque, en présence des offres de divers oblateurs venus après les engagements pris le 17 mai 1882 et le 22 février suivant, il invitait la commune à donner la concession à Gastal et Ardisson au prix de 5 francs la tonne;

Qu'il est vrai cette proposition ne fut pas agréée par la commune, qui exprima le vœu qu'il fût procédé à une mise en adjudication; que cette adjudication avait eu lieu le 5 avril 1884 et avait procuré un prix net de 6 fr. 25

qui, de l'aveu des hommes les plus compétents, devait être considéré comme très avantageux;

Attendu que s'il pouvait être regardé comme tel en 1884, on doit aujourd'hui, avec bien plus de raison, lui reconnaître cette qualité, car il est avéré que le prix des phosphates a subi une dépréciation considérable;

Attendu que, le 30 novembre 1884, la commune, appelée de nouveau par le Préfet à s'expliquer sur l'acte du 5 avril 1884, a confirmé l'approbation contenue dans sa précédente délibération et déclaré que l'attaque dirigée par quelques habitants contre cet acte compromettait gravement les intérêts de la commune; et il semble que cette appréciation serait fondée puisque, le 26 janvier 1885, les habitants qui avaient engagé en leur nom une instance en nullité de l'adjudication s'en sont désistés, et ont déclaré ne pas vouloir y donner suite;

Attendu qu'on ne saurait dire que la ratification résultant des actes ci-dessus rappelés donnée en pleine connaissance de cause par la commune demeure inefficace pour n'avoir pas été approuvée par le Préfet, cette approbation résultant implicitement de ce fait que l'acte qu'il s'agit de valider a, non seulement été approuvé par le Préfet, mais que même, suivant ce qui est rappelé dans une lettre du Maire, du 6 mars 1884, le cahier des charges aurait été rédigé dans les bureaux de la préfecture et préparé sur les indications fournies par l'Administration forestière ;

Attendu, sous un autre rapport, que si les délibérations des 15 juin 1884 et 30 novembre 1884 rendent la commune non recevable à demander la nullité de l'adjudication, l'exécution qu'elle a librement donnée à cet acte élève contre son action une autre fin de non-recevoir; cette exécution résulte :

1o Des procès-verbaux de dénombrement des tonnes de phosphates enlevées pendant les années 1884, 1885, 1886, 1887, procès-verbaux dressés en conformité de l'article 7 du cahier des charges par le Maire, dans lesquels il reconnaît à Gastal et Ardisson la qualité d'adjudicataires;

2o De la nomination faite par le Maire, en conformité de l'article 15 du cahier des charges, d'un employé spécial assermenté, préposé à la bascule ; 3o Enfin de ce fait que dans les différents budgets de la commune de 1885 à 1888, les sommes à elles dues par les adjudicataires de 1884 à raison de 6 fr. 25 par tonne de minerai enlevé ont été portées en recettes;

Comme aussi on y a porté en dépenses le salaire de 720 fr. alloué au garde peseur des phosphates, et il n'est pas douteux que cette exécution par la commune de l'acte qu'elle incrimine aujourd'hui a eu lieu avec le concours et l'approbation de l'Administration forestière qui a successivement accordé, depuis le 22 avril 1884, les permis d'exploiter sur les différents cantons de la forêt; ainsi qu'avec le concours et l'approbation du Préfet qui avait approuvé la délibération du Conseil municipal du 17 mai 1882, autorisant pour la première fois le Maire à traiter de l'extraction des phosphates au prix de 2 fr. la tonne, et qui, voulant concilier, au mois de juillet 1883, l'intérêt de la commune et les règles de l'équité qui ne lui permettaient pas de s'affranchir, sans indemnité, de la promesse faite aux inventeurs, proposait de donner la concession à Gastal et Ardisson au prix de 5 fr. la tonne et approuvait le cahier des charges qui a servi de base à l'adjudication;

Enfin, revêtait de son approbation les budgets communaux dans lesquels la commune faisait figurer au chapitre des recettes le prix annuellement touché par elle des phosphates aliénés et au chapitre des dépenses l'emploi qu'elle avait fait de ce prix; c'est ainsi que dans le budget de 1887, approuvé par le Préfet le 17 décembre 1886, le produit des phosphates pour cet exercice est porté à 16.000 fr.

En conséquence, attendu que soit qu'on se place au point de vue spécial de l'approbation de l'article 169 de l'ordonnance, soit qu'on accepte le tempėrament apporté dans l'application de cet article par la décision du Ministre des finances du 5 janvier 1885, il faut reconnaître que ni le Préfet, ni la commune, ne sont demeurés étrangers à la fixation du prix des phosphates aliénés, et que si quelque irrégularité a pu être commise dans l'expression donnée au consentement de la commune, celle-ci l'a couverte par l'approbation si explicite qu'elle a donnée à l'adjudication du 5 avril 1884;

Sur le moyen de nullité pris de ce que le cahier des charges contiendrait une transaction imposée à la commune par le Préfet, en dehors des formes exigées par la loi:

Attendu que l'obligation imposée par le cahier des charges à l'adjudicataire de payer aux inventeurs la somme de 60.000 fr. ne saurait être considérée comme ayant le caractère d'une transaction, cette somme n'étant autre chose que le prix des matières déjà extraites par les soins de Gastal et Ardisson et dont la valeur, déduction faite de la redevance à la commune, ne pouvait pas être sérieusement contestée;

Adoptant au surplus sur ce chef les motifs du premier juge,

La Cour, parties ouïes et le ministère public,

Confirme le jugement rendu par le Tribunal civil d'Uzès, le 10 mars 1887; Rejette la demande en nullité de l'acte d'adjudication du 5 avril 1884, formée par la commune ;

Condamne cette dernière à l'amende et aux dépens.

Are Chambre.

Prés. M. Gouazé.

Avocats pour la commune appelante, Me Colfavru, député, et Me Roux, ce dernier du barreau de Nîmes'; - pour les sieurs Gastal et Ardisson, Me Robert, du barreau de Nîmes.

OBSERVATIONS. L'arrêt de la Cour de Nîmes, inséré dans le Répertoire sous le n° 22, tranche la question de compétence et attribuc à l'autorité judiciaire la connaissance des contestations auxquelles peut donner lieu l'adjudication, quoique passée dans la forme administrative, de l'exploitation de phosphates dans une forêt communale soumise au régime forestier.

La commune de Saint-Maximin a, après cet arrêt, saisi le Tribunal civil d'Uzès de sa demande en nullité de l'adjudication de ces phosphates faite le 5 avril 1884, en se fondant sur ce que cette adjudication a été faite sans l'intervention des agents forestiers, sur ce que

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