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dont la destruction est permise, soit pour se protéger contre les attaques d'un fauve, soit pour repousser par la force un animal nuisible accomplissant ou venant accomplir un dommage (L. 3 mai 1844, art. 1 et 9).

LELOUIS ET AUTRES.

5 juill. 1886, jugement du tribunal correctionnel de Marennes, ainsi

conçu :

LE TRIBUNAL : = Attendu que l'article 9 de la loi du 3 mai 1844 reconnaît à tout propriétaire, possesseur ou fermier, le droit de repousser ou de détruire, même par les armes à feu, les bêtes fauves qui porteraient dommage à ses propriétés; Attendu que, pour rendre ce droit efficace, la loi a dû permettre au propriétaire ou fermier de se faire assister et aider par tels auxiliaires qu'il lui plaira de choisir;

Attendu que le renard est incontestablement un fauve, que le propriétaire ou le fermier a le droit de repousser et de détruire; Attendu qu'il est constant en fait que, depuis longtemps, des renards infestaient la commune de Hiers-Brouage, et que beaucoup d'habitants ont été victimes des déprédations de ces animaux; que, dans la soirée du 28 mai dernier, Lelouis père et fils, leur fermier, Debrie, et leur domestique, Pouvreau, se sont réunis pour poursuivre et détruire un renard qui venait d'enlever une poule; Attendu que le fait reproché aux prévenus rentre dans la disposition finale du § 3 de l'article 9 de la loi du 3 mai 1844, et ne constitue ni délit ni contravention; qu'en effet, la présence du renard dans la ferme de Lelouis, le dommage qu'il venait d'y causer constituaient bien le péril imminent autorisant chacun à employer le moyen le plus efficace pour défendre sa propriété ; Par ces motifs; Renvoie les prévenus des fins de la plainte, etc. Appel par le ministère public.

ARRÊT:

LA COUR: Attendu que le fait de tirer un coup de fusil dans un bois qui n'est pas un enclos dépendant d'une habitation peut être considéré comme un acte de chasse, tant que le porteur de l'arme ne démontre pas qu'il en a fait usage, soit pour atteindre un autre but qu'un gibier, soit pour tuer un animal dont la destruction est permise, à l'aide de ce moyen, par l'autorité compétente, soit pour se protéger contre les attaques d'un fauve, soit pour repousser par la force un animal nuisible accomplissant ou venant d'accomplir un dommage; - Attendu qu'il résulte du procès-verbal dressé par la gendarmerie de Marennes que, dans la soirée du 28 mai dernier, plusieurs coups de feu ont été entendus dans le bois de la Guilletterie, commune de Hiers-Brouage, et qu'on doit, dès lors, admettre, jusqu'à preuve contraire, qu'ils ont été tirés par des personnes se livrant à la chasse; Attendu que les éléments suffisants d'une preuve ne sauraient résulter de la simple déclaration des prévenus, alléguant qu'ils s'étaient mis à la poursuite d'un renard qui venait de leur enlever une poule, s'il était établi par ailleurs qu'ils ont tiré les coups de feu entendus par les gendarmes; Mais

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attendu que, loin de faire cette constatation, le procès-verbal atteste, au contraire, que les sieurs Debrie et Pouvreau étaient porteurs, au sortir du bois, d'une ferrée et d'une faux, et que les autres délinquants n'ont point été vus; qu'il n'est donc pas possible de faire résulter des faits ainsi consignés la preuve que les prévenus ont fait usage d'une arme à feu; Attendu qu'à la vérité les prévenus ont reconnu qu'ils s'étaient mis à la poursuite d'un renard ; mais, comme ils ont déclaré en même temps qu'ils n'étaient porteurs d'aucune arme à feu, on ne saurait rencontrer, dans leurs aveux, la preuve qu'ils ont commis l'acte de chasse illicite qui leur est imputé; Adoptant au surplus les motifs des premiers juges; Confirme, etc.

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OBSERVATIONS. - Le propriétaire peut se faire aider dans l'exercice du droit de destruction: voir, dans le sens de notre arrêt, Giraudeau, La chasse, nos 581 et suivants; - Puton, La louveterie, p. 351 et note 28.

Le renard rentre évidemment dans la catégorie des bêtes fauves: Caïn, 26 juin 1878; - Leblond, Pal., 78, 1283; -Villequez, Destruction des animaux nuisibles, n° 57; Leblond, Code de la chasse, no 146; Puton, loc. cit.

Quant au système suivi par la Cour d'après lequel un individu qui a tiré un coup de fusil est présumé, jusqu'à preuve contraire, s'être livré à la chasse, nous ne pouvons admettre une présomption de ce genre, qui est directement contraire à tous les principes en matière de poursuite. C'est au ministère public à faire la preuve complète du délit dont il demande la répression; il ne suffit donc pas qu'il établisse qu'un coup de fusil a été tiré, il doit démontrer de plus qu'il y a eu acte de chasse de la part du prévenu, car le fait de se servir d'une arme à feu, même en dehors de l'enclos attenant à une habitation, n'est en soi nullement punissable.

N° 21. COUR DE RENNES (Ch. corr.). 9 Mars 1887.

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Arrêté préfectoral. Colportage du gibier. - Petits oiseaux.

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Le colportage du gibier ne constitue un fait punissable que s'il a eu lieu dans le temps où la chasse est prohibée.

L'arrêté préfectoral qui se borne à interdire la destruction des petits oiseaux n'est point applicable au fait de colportage.

X... c. MIN. PUBLIC.

Par arrêté du 26 août 1886, le préfet d'Ille-et-Vilaine avait interdit << la destruction des petits oiseaux par tous moyens ».

A la veille de la clôture de la chasse, un sieur X..., ayant acheté des petits oiseaux à la halle, fut traduit devant le tribunal correctionnel pour colportage de petits oiseaux.

A la date du 28 janvier 1887, le tribunal rendit le jugement suivant : LE TRIBUNAL:- Attendu que le 24 janvier 1887, X... a été trouvé à Redon, transportant des petits oiseaux tués, qu'il avait achetés au marché de cette ville;

Attendu que l'article 3 de l'arrêté préfectoral en date du 28 août 1886, pris conformément à l'article 9 de la loi du 3 mai 1884, interdit la chasse des petits oiseaux;

Que la prohibition du colportage édictée par l'article de ladite loi est la conséquence logique et inévitable de la défense de destruction;

Qu'en effet on ne saurait tolérer l'écoulement des produits d'un acte illicite et autoriser ainsi le bénéfice d'un délit; que vainement le prévenu alléguerait-il la provenance légitime des oiseaux dont il était porteur, puisqu'il est de principe qu'il suffit que telle chose soit défendue dans un département pour qu'il y ait lieu d'y interdire la vente et le transport du gibier, quand même cette sorte de chasse serait autorisée dans un département voisin; Par ces motifs,

Condamne le sieur X... à seize francs d'amende.

Appel fut interjeté contre ce jugement, qui a été infirmé par l'arrêt qui suit :

LA COUR:-Considérant que les dispositions de la loi pénale sont limitatives et ne peuvent être étendues à des cas analogues;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 3 mai 1844, le colportage du gibier ne constitue un fait punissable que s'il a eu lieu dans le temps où la chasse est prohibée; et qu'en fait il est constant que, le 24 janvier dernier, à l'époque où procès-verbal a été dressé à Redon contre X..., pour colportage de petits oiseaux, la chasse n'était pas fermée dans l'Ille-et-Vilaine ;

Considérant, en outre, que si l'arrêté préfectoral du 24 août 1886, dans son article 3, prohibe en tous temps la chasse des petits oiseaux du pays, il n'en interdit pas formellement le colportage, d'où suit que l'action dirigée contre le prévenu n'est pas fondée;

Par ces motifs,

Infirme le jugement dont est appel;

Décharge le sieur X... des condamnations prononcées contre lui, et le renvoie du fait de la poursuite sans dépens.

Du 9 mars 1887.-C. de Rennes (Ch. corr.).-M. Guillaumin, prés.

(Journal la Loi du 29 avril 1887.)

OBSERVATIONS. -Cet arrêt décide à bon droit que la défense de colporter ne résulte pas implicitement de la défense de chasser, lorsque d'ailleurs on ne se trouve pas dans le temps de la fermeture générale; c'est une conséquence de l'interprétation rigoureuse de la loi pénale. (Sic Grenoble, 26 déc. 1844, Pal., 45, 2, 120;-Metz, 29 déc. 64, Pal.,' 65,1,254.)

Mais que serait-il arrivé si le préfet, au lieu de prohiber simplement la destruction des petits oiseaux, en avait de plus formellement interdit le colportage? Il semble bien que cette défense serait valable, car c'est bien un moyen propre à « prévenir la destruction des oiseaux », dans le sens de l'art. 9, dernier paragraphe. Le colporteur de petits oiseaux, même en temps d'ouverture, serait donc punissable, non pas en vertu de l'art. 12-4° (colportage en temps prohibé), mais en vertu de l'art. 11-3• (contravention à un arrêté préfectoral légalement pris). Nous ne connaissons pas de jurisprudence se rapportant à cette hypothèse.

No 22. COUR DE CASSATION (Ch. crim.).
20 Novembre 1886.

Prescription, Suspension, Délit forestier, Question préjudicielle.

L'exception préjudicielle soulevée devant le tribunal correctionnel par le prévenu d'une infraction à l'art. 147, C. forest., est par ellemême suspensive de la prescription; le prévenu ne peut se faire un moyen de prescription des retards apportés au jugement d'un procès correctionnel lorsque ces retards ont pour cause l'obligation de faire statuer au préalable sur l'exception qu'il a lui-même soulevée (1). (C. forest., 147, 187; C. instr. crim., 640.)

LA COUR;

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LAMICHE.

ARRÊT :

Sur le moyen tiré de la violation par fausse application de l'article 640, C. instr. crim. : Attendu que Lamiche était poursuivi devant le tribunal correctionnel de Provins comme prévenu d'avoir, le 4 septembre 1882, contrevenu à l'article 147, C. forest., en conduisant un troupeau de quatre cent cinquante moutons sur une route forestière dépendant de la forêt domaniale de Jouy; qu'à l'audience, il a prétendu que la route sur laquelle il avait fait passer son troupeau ne faisait pas partie de cette forêt, qu'elle était la propriété de la commune de Chenoise, au nom de laquelle, en sa qualité d'habitant de la commune, il entendait la revendiquer; que cette exception préjudicielle de propriété ainsi soulevée par le prévenu a été admise par jugement du 18 avril 1883, et que, par une série de jugements successifs, il a

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été sursis à statuer sur la prévention jusqu'au 8 juillet 1885, afin de permettre aux tribunaux compétents de statuer sur la question de propriété soulevée préjudiciellement; Attendu qu'à l'audience du 8 juillet 1885, le tribunal correctionnel de Provins a refusé d'accorder un nouveau sursis sollicité par Lamiche, en constatant que, malgré le temps écoulé, il ne justifiait pas avoir encore saisi la juridiction compétente de l'exception préjudicielle par lui soulevée; qu'en conséquence, et par application des articles 147, 199 et 182, C. for., il a passé outre au jugement du fond, et condamné Lamiche à 900 fr. d'amende; Attendu que, sur l'appel des prévenus, est intervenu l'arrêt attaqué, lequel, statuant uniquement sur un moyen de prescription soulevé subsidiairement par la défense, a infirmé la décision des premiers juges, et déclaré l'action prescrite par application de l'article 640 C. instr. crim., par ce motif que le jugement du 18 avril 1883, qui avait admis l'exception préjudicielle, avait remis à statuer au 7 novembre 1883, et qu'il n'était pas judiciairement établi que des prorogations de délais eussent été imparties depuis ledit jugement jusqu'au 8 juillet 1885; Attendu qu'en statuant ainsi qu'il l'a fait, l'arrêt attaqué a faussement appliqué à la cause l'article 640 C. instr. crim.; qu'en effet, la preuve des prorogations de délai successivement accordées par le tribunal, du 7 novembre 1883 au 8 juillet 1885, résulte tout à la fois des feuilles d'audience de l'Administration des forêts contenant ses conclusions et jointes au dossier, et d'un certificat du greffier du tribunal correctionnel de Provins, produit par l'Administration des forêts, duquel il résulte que l'affaire a été remise par le tribunal, d'abord du 18 avril au 7 novembre 1883, puis du 7 novembre 1883 au 13 février 1884, du 13 février 1884 au 14 mai 1884, du 14 mai au 20 août 1884, du 20 août 1884 au 4 mars 1885, du 4 mars au 3 juin, et enfin du 3 juin au 8 juillet 1885; Attendu, d'ailleurs, que l'exception préjudicielle admise par le tribunal était par elle-même suspensive de la prescription; que le prévenu ne peut, en effet, se faire un moyen de prescription des retards apportés au jugement du procès correctionnel, lorsque ces retards ont pour cause l'obligation de faire statuer au préalable sur l'exception préjudicielle qu'il a lui-même soulevée; Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi; Casse, etc.

Du 20 nov. 1886. Ch. crim. - MM. Loew, prés.; Sévestre, rapp.; Loubers, av. gén.; Gosset, av.

Nota.

(Sirey, 1888, I, 46.)

Du même jour, arrêt identique, affaire Bouvrain.

trats et avocats.

Mêmes magis

1. C'est un point constant qu'au cas de sursis et renvoi devant l'autorité compétente pour. statuer sur une question préjudicielle élevée par un prévenu, la prescription du délit ou de la contravention est suspendue pendant tout le temps du sursis, et jusqu'à ce que cette autorité ait prononcé sur la question préjudicielle. V. notamment, Cass. 30 janv. 1830; 7 mai 1851 (S., 1851, 1, 802; P., 1852, 1, 385); 11 décembre 1863 (S., 1870, 1, 91. — P., 1870, 1, 83). Adde, Brun de Villeret, Tr. de la prescr. en mat. crim., n. 269 et suiv. V. aussi Cass. 4 février 1876 (S., 1877, 1, 233; - P. 1877, 564); 24 août 1882 (S. 1884, 1, 352).

MAI 1888.

II — 4

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