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le second cas comme dans le premier, la pénalité encourue par l'adjudicataire est celle édictée par l'article 34 susvisé du Code forestier; qu'ainsi l'arrêt attaqué, en déclarant cet article applicable au demandeur dans les circonstances de fait qu'il relate, loin de violer ledit article, en a fait, au contraire une exacte et juste application;

Sur le 2e moyen pris d'une violation des droits de la défense, en ce que l'arrêt attaqué aurait refusé d'admettre le demandeur à prouver par témoins que les chablis qu'il était prévenu d'avoir coupés et enlevés de la coupe en délit étaient compris dans le lot de sapins à lui adjugė;

Attendu qu'aux termes de l'art. 45 du Code forestier l'adjudicataire est responsable de tous les délits commis pendant son exploitation dans sa coupe ou à l'ouïe de la cognée; qu'il l'est spécialement de tout fait d'abatage ou d'enlèvement dans une coupe jardinatoire d'arbres ne portant pas l'empreinte du marteau de l'Administration; que la loi ne donne à l'adjudicataire aucun autre moyen de se soustraire à la responsabilité dont il s'agit que le rapport fait et communiqué à l'agent de l'Administration dans les formes et les délais prescrits par l'article 45, rapport qui n'a pas eu lieu dans l'espèce; que d'ailleurs l'absence de l'empreinte sur la souche des arbres abattus dans une coupe jardinatoire emporte la présomption légale que ces arbres n'étaient pas compris dans l'adjudication et ont été, par conséquent, coupés et enlevés en délit ;

Attendu, en outre, que la preuve testimoniale est d'autant moins admissible, dans le cas dont s'agit, qu'indépendamment des nombreux abus qu'elle peut entraîner,elle demeurerait toujours incomplète, puisque l'Administration n'aurait aucun moyen de faire la preuve contraire à l'effet de vérifier si l'empreinte que l'on disait avoir vue sur les souches était bien certainement celle de son marteau; d'où suit que ce moyen ne saurait être accueilli. Par ces motifs, rejette, etc.

Du 14 avril 1888. Ch. crim.- MM....., président; Sevestre, rapporteur; Bertrand, avocat-général; Gosset et Brugnon, avocats..

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OBSERVATIONS. Le dernier considérant de l'arrêt de la Cour de cassation, que n'expliquent peut-être pas suffisamment les termes de l'arrêt attaqué, répond à une partie des conclusions prises par le s' Gaulet devant la Cour d'appel et dont le rejet, d'après son pourvoi, portait atteinte aux droits de la défense. Il avait, en effet, demandé que la Cour de Pau l'admît à prouver, non seulement que l'Administration n'avait pas fait marquer tous les chablis vendus, mais encore que l'empreinte apposée sur plusieurs de ces arbres avait été enlevée. Or il a été maintes fois décidé que la preuve de l'enlèvement des empreintes est d'autant plus inadmissible qu'elle ne serait pas pertinente, rien ne pouvant établir que les empreintes, dont on prouverait

la disparition, étaient celles des marteaux de l'Administration. Il est d'ailleurs certain que l'adjudicataire d'une coupe jardinatoire ou d'une coupe de chablis, comme de toute autre marquée en délivrance, encourt, pour les délits commis dans l'enceinte ou à l'ouïe de la cognée de sa vente, la même responsabilité que l'adjudicataire d'une coupe à tire et aire. La Cour de cassation a plusieurs affirmé cette responsabilité.

Il se présentait toutefois dans l'espèce une question assez délicate : celle de la qualification des arbres coupés en délit.

Gaulet invoquait un arrêt de la Cour de cassation du 23 prairial an X, qui avait refusé de considérer comme réserves des arbres morts non marqués en délivrance dans une coupe jardinatoire.

D'autre part, en ne s'arrêtant pas aux limites indiquées par les affiches, en déclarant que chaque arbre vendu formait une coupe spéciale à partir de laquelle devait se mesurer l'espace appelé l'ouïe de la cognée (1), en prescrivant enfin une expertise pour fixer le nombre et les dimensions des arbres coupés en délit à moins de 250 mètres de chacun des chablis compris dans la vente, l'arrêt interlocutoire du 20 février 1886 paraissait avoir admis que Gaulet n'était responsable que d'un enlèvement d'arbres situés à l'ouïe de la cognée, mais non pas dans l'enceinte de sa coupe ou de ses coupes. On pouvait se demander si, par suite de l'exécution de cet arrêt, il n'y avait pas chose jugée et si l'on ne devait pas considérer que les arbres enlevés en délit n'étaient pas des réserves dans le sens de la loi, cette qualification ne devant être donnée qu'aux arbres réservés dans l'enceinte des coupes. En cas d'affirmative, il n'y aurait pas eu lieu à l'application des pénalités aggravées de l'article 34. Mais il est à remarquer que le s' Gaulet n'avait pas produit ce moyen devant la Cour de cassation dont l'arrêt semble indiquer que, pour elle, il s'agissait bien d'un délit,commis dans l'enceinte de la coupe vendue.

(1) Voir dans ce sens un arrêt de la Cour de Paris du 19 décembre 1840 et, sur pourvoi, un arrêt de rejet de la Cour de cassation, Ch. crim., du 17 juin 1812.

JUILLET 1888.

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No 38. COUR DE PARIS (Ch. corr.). -19 Octobre 1887.

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En matière de délit de chasse, l'action est prescrite par trois mois à compter des dernières poursuites.

Spécialement, à compter du jour où l'affaire a été rayée du rôle sans qu'il soit donné défaut contre le délinquant qui n'a pas comparu.

LE LIARD.

Ainsi jugé dans les termes suivants :

LA COUR; Considérant que Le Liard a régulièrement interjeté appel du jugement du tribunal de Versailles, qui l'a condamné, à la date du 13 novembre 1886, pour délit de chasse;

Que, cité à l'audience de la Cour du 3 janvier 1887, pour voir statuer sur son appel, Le Liard, qui faisait alors son service militaire en Algérie, n'a pas comparu, et qu'il n'a pas été donné défaut contre lui; qu'il n'a été cité à nouveau qu'à la date du 22 août dernier; qu'il s'est écoulé ainsi plus de trois mois sans qu'il ait été fait contre lui aucun acte de poursuite;

Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 3 mai 1844, ‹ toute action relative aux délits prévus par la présente loi sera prescrite par le laps de trois mois, à compter du jour du délit » ;

Par ces motifs,

Met à néant le jugement dont est appel, en ce qui concerne Le Liard; le décharge des condamnations prononcées contre lui; déclare l'action contre lui éteinte par la prescription, et condamne la partie civile aux frais, etc. Du 19 oct. 1887.- Cour de Paris (Ch. corr.).-M. Bresselle, prés. (Journal la Loi, du 5 novembre 1887.)

OBSERVATIONS.-La Cour de Paris a varié dans la détermination du délai de la prescription en matière de chasse, après interruption résultant de poursuites antérieures. Un arrêt du 26 juin 1880 (Rép. for., X, p. 262), inaugurant le système reproduit ci-dessus, déclare qu'après interruption le nouveau délai qui recommence est de 3 mois, comme le délai originaire. (Voir, loc. cit., p. 263-264, les objections présentées par M. Meaume contre cette théorie.) Un arrêt du 6 juillet 1884 (Ib., XI, 395) estime que dans le silence de la loi spéciale relativement à l'effet de l'interruption en matière de chasse, on doit prendre le délai du droit général, qui est de 3 ans; c'est la théorie généralement adoptée. (V. Dalloz, Code forestier annoté, sur l'article 29 de la loi de 1844, nos 67 et suiv.)

Il y aurait encore un troisième système, pour lequel la Cour de Paris pourrait faire valoir avec autant d'avantage l'unique raison donnée dans l'arrêt de 1887; elle eût pu dire que, par ces mots « toute action », la loi ordonne que, nonobstant interruption, le jugement soit rendu dans les 3 mois à compter du jour du délit, déniant ainsi tout effet aux actes d'instruction ou de poursuite effectués dans l'intervalle. On peut objecter qu'il est bien dur de faire découler d'un seul mot, aussi vague et aussi général, l'abrogation en matière de chasse du second paragraphe de l'article 637. Instr. cr.; toutefois, ce troisième système serait encore plus logique et plus soutenable que celui de notre arrêt. (Pas de jurisprudence.)

No 39. COUR DE DIJON (Ch. corr.). 1er Juin 1887.

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Si en principe le droit de suite ne comprend pas le droit de tirer, il est néanmoins loisible aux parties contractantes de leur donner toute l'extension qui leur semble convenable.

Lorsqu'une pareille extension résulte d'une tolérance continue et d'une pratique non contestée entre voisins de chasse, le retrait de cette autorisation tacite ne saurait avoir d'effet rétroactif.

DEVANNE C. MUGNERET.

Le 15 janvier 1887, M. Rossin, accompagné des gardes Amidieu et Mugneret, chassait dans les bois d'Echalot et de Minot, arrondissement de Châtillon-sur-Seine. Mugneret blessa un sanglier qui faisait sang et se réfugia à la nuit dans les bois d'Aignay.

Le lendemain, Mugneret reprit la brisée et arriva sur le sanglier, baugé là où il avait été abandonné la veille : le garde l'acheva d'un coup de fusil.

Le même jour, Devanne, amodiataire des bois d'Aignay, fit dresser procès-verbal par la gendarmerie.

Le parquet ne suivit pas sur cette plainte. Aussi Devanne crut-il devoir poursuivre lui-même les deux gardes devant le tribunal correctionnel de Chatillon-sur-Seine, après avoir adressé, le 16 janvier, unc lettre à M. Rossin, dans laquelle il déclarait qu'il lui était impossible

d'arrêter le procès, ajoutant que, « pour M. Rossin et ses ayants droit, le droit de suite était entendu ».

Il fit plaider devant le tribunal que, par ces derniers mots, il entendait réserver, comme par le passé, à M. Rossin ou à ses cofermiers, la faculté de suivre dans les bois d'Aignay le gibier blessé par eux, mais qu'il la refusait aux gardes particuliers.

Le tribunal débouta Devanne de sa demande, le 7 mars 1887, en décidant que:

L'exercice d'un droit de suite a toujours été respectivement consenti et mis en pratique par Rossin entre les adjudicataires de la chasse des bois d'Aignay, ainsi que cela résulte de la lettre du sieur Benoît en date du 16 février dernier ; que, de plus, le plaignant a lui-même reconnu expressément l'existence de cette convention dans le dernier alinéa de la lettre qu'il a adressée à Rossin le 16 janvier 1887.

Devanne a interjeté appel du jugement.

La Cour de Dijon a rendu l'arrêt confirmatif suivant :

LA COUR;

Attendu qu'il résulte des débats et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que le sanglier, lancé dans la soirée du 15 janvier dernier, et mortellement blessé dans les bois de Minot, a été achevé le lendemain matin par les prévenus dans la réserve d'Aignay;

Que les prévenus n'ont agi que sur les instructions du sieur Rossin, adjudicataire des bois de Minot;

Attendu qu'il est établi que, depuis de longues années, il existait entre les adjudicataires des bois de Minot et ceux d'Aignay une convention tacite en vertu de laquelle ils s'étaient réciproquement concédé le droit de suite;

Que l'existence de cette convention est reconnue et confirmée par le plaignant, dans une lettre à la date du 16 janvier 1887, qu'il a adressée au sieur Rossin (lettre qui sera enregistrée en même temps que le présent arrêt); Attendu que si en principe le droit de suite ne comprend pas le droit de tirer, il est néanmoins loisible aux parties contractantes de leur donner toute l'extension qui leur semble convenable;

Attendu que, dans la lettre du 16 janvier précitée, le plaignant, en témoignant à Rossin son regret de ce qui s'est passé, reconnaît implicitement la légitimité des faits constatés par le procès-verbal, et ce dans les conditions où ces faits se sont produits;

Que si ultérieurement Devanne a cru devoir retirer à Rossin l'autorisation qu'il avait concédée, ce fait ne saurait avoir d'effet rétroactif;

Qu'il prouve, au contraire, que le droit existait au moment où le prétendu délit a été relevé;

Attendu que la partie qui succombe doit supporter les frais;

Par ces motifs,

Confirme le jugement dont est appel; condamne Devanne, partie civile, aux frais d'appel.

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