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pêcher de confiderer les freres qui n'ont 3. Part pas cu la niême fincerité comme de ve- Ch. 3. ritables Plagiaires, fi nous avons lieu Voyez de douter que les freres ayent fur le ple d'obien des freres le même droit que les avius enfans fur celuy de leurs peres.

Il y a une maniere, d'emprunter le nom d'un frere, qui paroît d'autant plus digne d'approbation, qu'elle femble avoir plus de fondement fur les maximes de la modeftie, ou de la prudence. Nous, en trouvons l'ufage beaucoup plus grand parmi les Reguliers que parmy les Seculiers, parce que l'état de ceux-cy ne les obligeant pas à des égards femblables à ceux que ceux-là doivent avoir, il leur a efté libre de produire fous leur propre nom ce que les autres auroient eu fcrupule de faire par refpect pour leur profeffion. Il s'en eft trouvé même plufieurs que le mépris de la gloire a fait recourir à cet artifice la crainte de recevoir dans par ce monde, & de la part des hommes, une recompenfe vaine & paffagere au lieu de celle qu'ils attendoient de Dieu pour l'autre vie. C'est ce qui m'a paru particulierement dans la conduite de divers Jefuites de l'Efpagne & de l'Italie. Le Pere Jean Gondin Jefui-.

l'exem

d'Ifa.

.

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.Part. te d'Aragon n'a point eu d'autre vuë Ch. 3. lors qu'il a publié fous le nom de fon frere Laurent, qui estoit dans le monde, la Guide fpirituelle pour vivre & mourir dans la grace & dans l'amitié de Dieu. On en pourroit dire autant du Pere Jean Antoine Xarque Jefuite de la même Province, pour ce qu'il a publié fous le nom de fon frere François touchant la vie de quelques Peres de fa Compagnie, & fur l'état miferable de la Maifon d'Autriche : & d'un autre Jefuite Portugais nommé François Freyre, qui a pris le nom de fon frere Blaife de Pigna-Freyre, pour publier en Latin & en Portugais l'Hiftoire & l'Office de fainte Elizabeth Reine de Portugal. Voila les traits de la modeftie de ces Efpagnols; mais le Pere Baltafar Gracian en a donné un de fa prudence, lors Ce n'eft qu'il a pris le nom de fon frere Laupas le fen- rent, felon Nic. Antonio, pour ne de M. A point voir le fien au catalogue des Auteurs profanes.

timent

melot.

Cette pratique n'eft gueres moins ordinaire en Italie, comme il paroît par les exemples des Jefuites qui ont pris les noms de Laurent Mirabel, MarcAntoine Martinengue, Octave Pancirol, Paul Bifciola, &c. c'est à dire, des fre

res qu'ils avoient laiffez dans le monde 3 Part.. en le quittant. Ch.3.

Mais hors les confiderations que nous avons marquées, il faut avouer que le zele pour la reputation de fon frere en a porté peu d'autres à employer ces moyens, pour en faire revivre la memoire aprés la mort du frere. Les Auteurs de qui les generations font toutes fpirituelles, n'ont jamais pris pour eux la loy du Deuteronome, qui or- C.25.v. donne d'époufer fa belle - fœur lors qu'elle eft devenue veuve fans enfans, & qui veut qu'au moins le premier né de cet engagement porte le nom du fre re défunt, c'est à dire, qu'il foit reputé pour fon fils.

Il s'eft trouvé dans la Republique des Lettres des freres d'une autre efpece, & qui pour mieux fe déguifer ont employé la fraternité au fens du Chriftianifme, où l'on peut dire que ceux qui ont Dieu pour Pere, peuvent fe traiter mutuellement de freres. Mais on en a vû qui fous ce pretexte n'ont pas laiffé de feindre une fraternité charnelle, en prenant le furnom même de leurs adverfaires pour réiiffir plus fûrement dans le deffein de fe déguiser. C'est ainsi qu'un Jefuite d'Allemagne

3. Part. s'eft appellé Cunradus Andrea, Jacobi Ch. 3. frater, quoique ce Jacobus Andreæ, dont il s'eft dit le frere, fût un Proteftant; & qu'un autre Jefuite de France a pris le nom d'Andreas Scioppius Gafparis frater, quoique Gafpar Scioppius ne fût point alors l'ami des Jefuites. Enfin l'on a remarqué des fœurs qui ont emprunté le nom de leurs freres, pour laiffer voir le jour à leurs ouvrages, foit favorifer leur pour deftie, foit pour tâcher par une verita

Prendre

de fon

mari.

propre

mo

ble diffimulation de rendre moins extraordinaire une merveille qu'on admireroit davantage dans le fexe des femmes, que dans le noftre. Neanmoins les exemples en font fi rares, que je n'en ay pas encore trouvé que je puiffe joindre à celuy de Mademoifelle de Scudery, qui a fait l'honneur à M. fon frere de laiffer paroiftre quelques Romans fous fon nom.

§. III. Quant à ce qui regarde les le nom femmes mariées, il faut avoüer que depuis qu'on a laiflé introduire dans le monde l'ufage de leur faire porter lè nom de leurs maris, celles qui font devenues Aurcus, n'ont pas dû réüffir à vouloir fe déguifer fous ces noms. Mais celles même qui en ont ufé avec

Ch. 3.

la plus grande ouverture de cœur, n'ont 3. Part. pas toujours eu foin de prévenir une efpece de confufion qu'elles ont caufée dans la Republique des Lettres, lors qu'elles ont commencé à paroître dés le temps qu'elles n'eftoient encore que filles. Parce qu'on parloit de Mademoifelle de Parthenay Dame de Soubize, de Mademoiselle Defchamps, de Mademoiselle Seguier, de Mademoiselle de Clermont, de Mademoiselle de l'Aubépine, &c. avant qu'on cût connû dans le monde Madame de Rohan, Madame Servin, Madame de la Vergne, Madame de Retz, Madame de Villeroy, &c. la diverfité des noms a efté un fujet de trouble dans l'efprit de ceux qui ne fongeoient point à déveloper la naiffance des Demoifelles d'avec le mariage des Dames.

Il a plû aux Dames fçavantes d'augmenter encore la confufion & l'embarras, lors qu'elles ont jugé à propos de paffer à de fecondes nopces. Mais on ne doit pas leur faire l'injuftice de les accufer de ne s'eftre remariées que pour tromper les connoiffeurs en changeant de nom. C'est une malice dont on n'a jamais dû foupçonner celles du caratere de Mademoifelle des Jardins, qui

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