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fallait aussi relever le crédit public en France, trouver les milliards exigés par l'ennemi vainqueur, et créer de nouveaux revenus pour satisfaire aux dépenses considérables, devenues nécessaires: les combinaisons financières, pour emprunts énormes et pour impôts ou autres recettes, ont fait rendre différentes lois où se trouvent quelques dispositions comme sanction, soit fiscale, soit même pénale, qui seront indiquées en leur lieu 2.

La réorganisation de l'armée, pour la défense du pays à l'intérieur, puis éventuellement à l'extérieur, a dû être également l'objet des plus sérieuses préoccupations. Les combinaisons paraissant préférables exigent plusieurs lois successives, dont l'une a pu être adoptée en juillet, et les autres se préparent avec des dispositions réglementaires diverses. La première, concernant le recrutement et rendant le service militaire obligatoire pour la généralité des jeunes gens, sanctionne les obligations et défenses par une série de dispositions pénales. Quelques-unes sont entièrement nouvelles, à raison de l'innovation principale, et d'autres reproduisent, sauf de légers changements, celles qu'avait la loi de 1832, actuellement remplacée et dès lors abrogée. Recueillant ces dispositions dans une publication qui ne doit négliger aucune partie de la législation criminelle, M. Godin les a accompagnées d'explications comme premier commentaire 3.

Pour la défense de l'ordre social troublé, il était nécessaire et urgent de frapper, autant que possible, une association cosmopolite qui a fait tant de mal en France : tel a été l'objet d'une loi spéciale, voulant punir l'affiliation à une «< association internationale dont le but serait de provoquer à la suspension du travail, à l'abolition du droit de propriété, de la famille, de la religion ou du libre exercice des cultes. >> Ses dispositions principales ont été dirigées contre ceux qui, en France, s'affilieraient ou feraient acte d'affiliés à l'Internationale : on s'est demandé s'il y avait des poursuites efficaces, si la loi n'est

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tifs à la paix avec l'Allemagne.— 1er Volume: Conventions diplomatiques et militaires, actes législatifs, janvier 1871 à juin 1872; II. Documents complémentaires, débats législatifs, exposés de motifs, rapports, instructions, notes, pièces diverses, fév. 1871 à août 1872.

2. Voyez Loi pour la répression de la fraude sur les spiritueux, 24 fév. 1872 (Bull. des lois, no 83; Journ. offic., 29 fév.); loi concernant la fabrication des liqueurs et la perception du droit d'entrée sur les spiritueux, 26 mars 1872 (Bull. des lois, no 87; Journ. offic., 7 avril); loi relative aux contributions directes, 23 juill. 1872 (Bull. des lois, n° 100; Journ. offic., 28 juill.); loi qui règle les obligations imposées aux distillateurs et bouilleurs de cru, 2 août 1872 (Bull. des lois, no 104; Journ. offic., 5 sept.).

3. L. 27 juill.-17 août 1872 (Journ. du Dr. cr., art. 9357).

4. L. 14 mars 1872 (Journ. du Dr. cr., art. 9226).

pas demeurée simplement comminatoire; mais la police judiciaire vient de mettre en arrestation un certain nombre d'affiliés, dans plusieurs pays. L'art. 3 de la loi spéciale, permettant même des aggravations, comprend, avec les membres ayant accepté quelques fonctions dans une telle association, « ceux qui auront sciemment concouru à son développement, soit en recevant ou en provoquant à son profit des souscriptions, soit en lui procurant des adhésions collectives ou individuelles, soit enfin en propageant ses doctrines, ses statuts ou ses circulaires: » pour le cas de publication pouvant constituer la propagation punissable, il s'est élevé la question de savoir si le publicateur devait ou non être poursuivi devant le jury, comme en matière de délits de presse. La compétence des tribunaux correctionnels, saisis par citation à des gérants de journaux qui avaient simplement publié une circulaire, peut-être pour se montrer mieux informés que d'autres, a été déclinée en ce qu'il leur paraissait que la disposition précitée voulait atteindre la seule propagation ayant pour but le développement de l'association; mais les décisions fixant le caractère du délit ont considéré : que la loi de 1871, rendant au jury la connaissance des délits de presse, a voulu protéger la liberté de discussion et l'indépendance des écrivains; que celle de 1872 a pour objet de réprimer non des doctrines théoriques, mais le fait d'avoir sciemment concouru à la propagation interdite; que son art. 3 ne distingue nullement entre les moyens par lesquels la propagation a pu se produire ; qu'il indique suffisamment la volonté de laisser cette infraction dans la juridiction répressive des tribunaux correctionnels, qui toutefois ne condamneront qu'autant que le publicateur aurait eu la connaissance exigée par l'art. 3 5.

Une loi, très importante pour la justice criminelle, est celle qui vient de régler à nouveau la composition du jury. On sait quelles ont été les imperfections et vicissitudes de la législation à cet égard: remaniée depuis 1792 au moins douze fois, profondément modifiée à la suite d'une révolution qui introduisait le suffrage universel dans les élections politiques, changée de nouveau sous le second empire et ramenée au système de 1848 après la révolution de 1870, elle a fait l'objet d'études diverses dans plusieurs publications, où étaient différemment appréciées les modifications à réaliser 6. Malgré les criti

5. C. de cass., 23 août et 6 déc. 1872 (infrà). Voy. aussi jug. du trib. corr. de la Seine, 27 janv. 1873.

6. Pour l'historique et les dispositions positives, voy. mon Rép. gén. du Dr. cr., vo Jury, sect. 1re, § 1er, et le Journ. du Dr. cr., art. 4371, 5633, 9077 et 9247.

Relativement aux critiques théoriques et aux vues respectives pour des réformes, voyez: Du Jury en matière criminelle, par M. de Bigorie de

ques et entraves que lui prodiguent et suscitent certaines opinions, dont chacune voudrait la consécration de ses idées, une amélioration est incontestable aux yeux des criminalistes. Entre autres conséquences d'une épuration mieux opérée des listes annuelles, la confection de la liste de service pour chaque session ne produira pas tant de ces radiations ou dispenses qui, réduisant trop souvent le nombre des jurés idoines au-dessous de celui qu'exige la loi pour le tirage du jury de jugement, obligeaient à le compléter par d'autres moyens, ce qui amenait de fréquentes erreurs, nécessitant une vérification et parfois la cassation. Cette loi récente sera prochainement recueillie et commentée 8.

Parmi les lois déjà votées définitivement, il en est deux d'un intérêt relativement secondaire, dont l'une abroge la disposition du décret de 1852 qui interdisait tout compte-rendu pour délits de presse, actuellement soumis au jury, et la seconde permet l'admission de circonstances atténuantes pour les infractions au décret de 1851, sur les débits de boissons, afin que la répression soit proportionnelle et mieux assurée 10.

D'autres lois, quoique déjà discutées, subissent l'effet dilatoire du système législatif actuel, qui veut trois délibérations avec intervalles pour qu'un projet devienne loi, mais qu'il est question de modifier, peut-être même par l'institution d'une seconde chambre législative. L'une doit prévenir et au besoin réprimer l'ivrognerie, à l'état d'ivresse habituelle ou scandaleuse : dès le commencement de l'année dernière, j'avais traité ce sujet dans une dissertation complète (J. cr., art. 9265); il a fait l'objet d'une proposition, d'un rapport et

Laschamps; De la Composition du Jury criminel en France, depuis 1790, par M. D. O'Reilly, conseiller à la Cour d'appel de Rouen, 1872; Des Vicissitudes du Jury et du Nouveau projet de sa réformation, par M. Paringault, ancien magistrat (Revue pratique de Droit français, 1872, nos 8 ǎ 12).

Pour l'explication législative des modifications proposées et opérées en 1872, voy. notamment le rapport qu'avait présenté, en 1848, à la Constituante, M. Emile Leroux; celui qui le fut en 1853, au Corps législatif, par M. Langlais; l'exposé de motifs du projet nouveau, par M. le garde des sceaux Dufaure; et le rapport, présenté à l'Assemblée nationale au nom de la Commission, par M. Albert Desjardins.

7. Voy. notamment les arrêts des 14 janv. et 14 déc. 1872, 2 et 30 janv. et 13 fév. 1873 (infrà).

8. L. 24 nov. 1872 (infrà).

9. L. 12 fév. 1872.

Article unique.

l'art. 17 du décret du 17 fév. 1852, qui procès pour délits de presse.

Est abrogé le paragraphe 1er de interdit de rendre compte des

10. L. 11 mars 1872. Dans les cas prévus par la loi du 29 déc. 1851, sur les débits de boissons, les tribunaux sont autorisés à appliquer l'art. 463 du C. pén.

de deux délibérations successives, qui ont fait penser à quelques journalistes qu'il y avait loi définitivement votée; le projet est encore actuellement à l'ordre du jour, pour la troisième délibération avec amendement nouveau 10 bis.

Nous attendons aussi le vote définitif de la loi projetée qui doit introduire une amélioration dans l'organisation et le fonctionnement des tribunaux de police. Cette juridiction et de nombreuses questions de sa compétence ont une importance particulière, qui se manifeste surtout devant la chambre criminelle de la Cour de cassation, ayant à juger beaucoup de pourvois directs et à censurer un nombre considérable de jugements: l'avantage principal du changement législatif sera de supprimer la juridiction que le Code de 1808 avait attribuée aux maires en certains cas, de réserver aux juges de paix la connaissance de toutes contraventions de simple police et d'avoir pour les fonctions du ministère public des organes présentant de sérieuses garanties, selon le projet que vient de subir sans objection la seconde délibération 10 ter.

L'Assemblée nationale est actuellement saisie d'un projet de loi sur la surveillance de la haute police, sujet si délicat, que plusieurs fois déjà depuis 1810 la législation à cet égard a été profondément modifiée : il s'agirait d'un système nouveau, qui ferait abroger ou modifier les dispositions actuelles des art. 44, 47 et 48 du C. pén.; mais quel serait le meilleur ? - Il y aura plus de difficultés encore pour l'adoption du projet de loi concernant les associations, sujet fort délicat qui soulève des controverses et dissidences au point de vue politique surtout je dois ici me borner à renvoyer d'abord aux explications que j'ai données dans mon Répertoire du droit criminel, puis à l'étude nouvelle de M. Godin dans ce Recueil (art. 9277.)

Dans le projet de loi actuellement soumis à l'Assemblée nationale, en ce qui concerne l'organisation de la magistrature 11, se trouve une innovation, quant à la nomination des présidents d'assises, que formulerait en ces termes l'art. 21. « Chaque année, dans la première quinzaine du mois d'août, la Cour d'appel, en assemblée générale où

10 bis. Le vote définitif vient d'avoir lieu (14 janv. 1873). La loi adoptée sera bientôt recueillie, avec commentaire, dans ce journal.

10 ter. La deuxième délibération ayant eu lieu le 7 janvier, il y a eu le 27 vote définitif de cette loi, que nous recueillerons aussi.

11. Proposition de M. Em. Arago sur le mode de nomination des magistrats; propositions de MM. de Peyramont, Bottiau et Delsol, à l'effet d'abroger le décret du 1er mars 1852, ayant soumis à une limite d'âge les magistrats inamovibles, et de régler leur mise à la retraite; proposition de M. Bérenger sur l'organisation judiciaire, en général; projet de loi présenté au nom de la Commission par son rapporteur, M. Bidard; avis, aussi imprimé, de la Cour de cassation, consultée.

les membres du parquet auront voix délibérative, arrêtera au scrutin secret la listes des magistrats proposés pour les présidences d'assises. Le nombre des candidats inscrits sur cette liste ne pourra être inférieur au double ni supérieur au triple de celui des départements du ressort. Le choix du garde des sceaux s'exercera parmi les magistrats ainsi désignés. » Le système actuel est-il défectueux, tellement qu'il faille en hasarder un nouveau ?

La C. de cassation, consultée sur cette question et d'autres, a encore émis un avis qui repousse l'innovation, ainsi que celle relative aux juges d'instruction, dont le projet, art. 17, donnerait la désignation chaque année aux Cours d'appel en assemblée générale. Pour des choix importants comme pour des résolutions analogues, l'une des principales garanties est dans la responsabilité personnelle de celui qui décide: or, la responsabilité s'amoindrit, lorsqu'elle devient collective en se divisant par des votes, soit secrets, soit même ostensibles.

D'après le même projet, il serait dit, art. 55: « La Cour d'appel, toutes chambres assemblées, peut entendre les dénonciations, qui lui seraient faites par un de ses membres, de crimes ou de délits; elle peut mander le procureur général, pour lui enjoindre de poursuivre, à raison de ces faits, ou pour entendre le compte qui doit lui être rendu sur sa demande de toutes poursuites commencées. » Cette disposition remplacerait l'art. 11 de la loi dn 20 avril 1810, ainsi conçu : « La Cour impériale pourra, toutes les chambres assemblées, entendre les dénonciations, qui lui seraient faites par un de ses membres, de crimes ou délits; elle pourra mander le procureur général, pour lui enjoindre de poursuivre, à raison de ces faits, ou pour entendre le compte que le procureur général lui rendra des poursuites qui seraient commencées. » Le texte nouveau serait-il seulement une interprétation législative, tranchant la grave controverse qui s'éleva dans une affaire mémorable (voy. Journ. du Dr. cr., 1861, p. 320-324); ou bien serait-ce une innovation, développant l'art. 11 de 1810? Le rapport de la commission à l'Assemblée nationale donne cette explication supposée, qui serait féconde en doutes nouveaux: «Un précédent fâcheux a introduit dans l'art. 11 une distinction, en 'șe fondant sur l'interprétation véritablement judaïque du texte, et a refusé aux Cours d'appel le droit de se faire rendre compte des poursuites commencées, quand ces poursuites avaient été commencées sur une première injonction. Si cette clause, restrictive du droit de se faire rendre compte des poursuites commencées, eût été dans l'esprit du législateur de 1810, il eût été vraisemblablement de bon goût de ne pas attribuer aux Cours d'appel le droit d'enjoindre de poursuivre. Comment comprendre le droit de donner un ordre, sans le droit de vérifier si

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