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les yeux, ni fe couper les mains; mais feulement ne s'en fervir jamais pour faire le mal. Si la vue d'un objet fcandalife, il n'y a qu'à fermer les yeux pour ne point voir l'objet ; il faut s'éloigner de cet objet dangereux, & on évite le fcandale & le peché. Ces feparations font difficiles, mais le precepte de J. C. feroit bien plus mal-aifé s'il nous avoit ordonné de demeurer fans peché dans les occafions du peché. Il eft bien plus facile d'éviter la chûte en s'éloignant des chemins gliffans, qu'en s'obftinant à y marcher.

Dans le feu de l'enfer. A la lettre il y a, dans la géne du feu. Géne vient d'un mot qui fignifie la vallée de Hennon. Dans cette vallée qui étoit proche de Jerufalem les Juifs idolatres alloient facrifier leurs enfans aux idoles, en les brûlant impitoiablement. Le faint Roi Jofias pour rendre ce lieu abominable y fit jetter les corps morts. A caufe donc du fuplice qu'on avoit fait fouffrir là à ces enfans, le lieu a été pris dans la fuite pour l'enfer même, & la gêne du feu fignifie le feu éternel de l'enfer.

Prenez bien garde de méprifer aucun de ces petits; car je vous declare que dans le ciel leurs Anges voient fans ceffe la face de mon Pere. Il ne faut pas méprifer ces juftes, qui parce qu'ils font humbles, font petits & paroiffent vils & méprifables aux yeux de la chair. Mais fi on les gegarde avec les yeux de la foi, on verra combien ils font grands aux yeux de Dieu, puifqu'il leur donne pour gardiens ces efprits celeftes qui font continuellement en fa prefence comme les Princes de fa cour. Les Anges voient la face du Pere, c'eft-à-dire, voient Dieu a découvert, ce qui eft le fouverain bonheur de. toutes les creatures fpirituelles qui font les An

ges & les hommes. Dicu leur eft toujours prefent, & ils ne le perdent jamais de vue lors même qu'ils executent fes ordres ici-bas. Ils font les miniftres de fa puiffance, & par eux il peut vanger ces petits du mépris qu'on fera d'eux; fouvent même il députe pour la garde des fiens les premiers d'entre les Anges, ce qui nous doit rendre venerables ces Saints dont le monde fait fi pcu d'estime, mais auffi dont le monde n'eft pas digne, felon l'expreffion de l'Apôtre. Nous parlerons ailleurs plus amplement de la nature des Anges, & des fervices qu'ils rendent aux élûs dont ils font les gardiens.

FAites, Seigneur, que nous foions petits à nos yeux, & que nous ne voulions être grands que devant vous : & nous n'aimerons pas les grandeurs de la terre; nous mépriferons également & l'honneur & le mépris des hommes.

ou

Donnez-nous d'autant plus de refpe&t & d'affection pour vos Saints, qu'ils fe cachent davantage, & qu'ils font ou moins connus même plus méprifez du monde fuperbe. Ouvrez notre cœur pour cux, & nos maisons & nos mains leur feront ouvertes. Que ne leur donnerons-nous pas fi nous vous aimons, puifque vous nous affurez que c'est vous qui recevrez ce que nous leur donnerons.

Faites par votre grace, mon Dieu, que loin de fcandalifer ces petits qui font à vous, nous foions nous-mêmes de ces petits que l'humilité rend fi grands, qu'ils font au-deffus de tous les fcandales: & que tout ce qui fcandalife les foibles, ne fert qu'à les édifier.

A la grace que vous nous faites de nous donner pour protecteurs ces efprits bienheureux qui

voient votre face; ajoutez en une autre, Seigneur donnez-nous de les imiter, & de vous avoir toujours presens à notre efprit. Quoi-qu'ils faffent, ils font toujours heureux, parce qu'ils vous voient toujours. Quoi-que nous faffions, nous ferons toujours faints, nous ferons toujours contens, fi nous vous avons fans ceffe devant les yeux par la foi, fi nous n'agiffons que felon les regles de votre loi; fi nous ne faifons rien que par vous & pour vous; fi nous n'attribuons jamais qu'à vòus feul le bien que nous faifons. Qui vous voit toujours de la forte fur la terre, commence ici-bas ce qui fera fa beatitude éternelle dans le ciel.

LE IX. MAI,

S. GREGOIRE DE NAZIANZE. Double.

Aint Gregoire furnommé par excellence le

tes de fainte Nonne fa mere ; & nâquit en Cappadoce l'an 328. Une vifion qu'il cut dans fa jeuneffe, lui fit embraffer la virginité. Il alla étudier à Cefarée, puis à Alexandrie, & de là à Athenes, où il lia une amitié tres étroite avec S. Bafile, & ils refolurent tous deux de fe donner à Dieu dans une entiere folitude. Pour executer ce deffein, il partit d'Athenes peu après S. Bafile, & retourna en fon païs, où il reçut le batême. Il fe trouva obligé de prendre le foin des affaires de fa maison; ce qui ne l'empêcha pas néanmoins d'aller vifiter fon ami dans fa retraite du Pont, & de paffer quelque-tems avec

lui. Le pere de notre Saint, nommé auffi Gregoire, étoit Evêque de Nazianze pendant tous les troubles dont l'Arianifime agitoit l'Eglife. II figna par furprise la confeffion de foi du Concile de Rimini, ce qui caufa du fchifine à Nazianze, fes Moines & une partie de fon peuple s'étant feparez de fa Communion. Cette divifion affligea fort le Saint, qui demeurant uni avec les deux partis, eut enfin le bonheur de les reconcilier au bout de trois ans. Cependant fon pere qui étant acablé de vieilleffe, avoit befoin de fecours pour le gouvernement de fon Eglife l'ordonna Prêtre malgré lui le 6. Janvier 362. Il s'enfuit peu de jours après fon ordination, & alla trouver S. Bafile dans fa folitude, d'où, après avoir digeré fa douleur pendant quelques mois, il retourna enfin vers Pâque à Nazianze exercer les fonctions de fon Sacerdoce, qu'il commença par la prédication. 370. S. Bafile aiant été fait Archevêque de Cefarée en Cappadoce, voulut en vain partager avec lui le 371. gouvernement de fon Eglife. L'année fuivante il le crea malgré lui Evêque de Sazimes, où il ne fit néanmoins aucune fonction, à cause des violences d'Anthime de Thyanée, qui prétendoit auffi-bien que S. Bafile, être le Métropolitain de cette petite ville. S. Gregoire aiant donc renoncé à cet Evéché, confentit à gouverner celui de Nazianze avec fon pere, à condition que fon pere étant mort, il lui feroit libre de faire ce que le S. Efprit lui infpireroit. Il fe rendit neanmoins aux prieres de tout le peuple, & s'il s'engagea après la mort de fon pere à le gouverner, jufqu'à ce qu'il eût un nouvel Evêque. Mais comme on ne fe hâtoit point d'en choifir, il fe deroba l'année suivante, & fe re

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tira à Seleucie. Il y paffa quelques années avec bien du plaifir, mais il lui fallut quiter fa chere folitude, pour aller fecourir l'Eglife de Conftantinople, qui étoit dechirée par les differen- 379à tes fectes d'heretiques, où les Catholiques, qui étoient en tres-petit nombre, avoient befoin d'un Docteur auffi éclairé, & d'un defenfeur de la foi auffi genereux que l'étoit S. Gregoire. Il changea bien tôt la face de cette ville, où par la fainteté de fa vie, par l'éloquence de fes difcours, & par l'éclat de fes miracles, il rétablit la pureté de la doctrine & des mœurs, & laiffa autant d'orthodoxes qu'il avoit trouvé d'heretiques. Ce ne fut pas fans beaucoup de peines qu'il défricha cette vigne du Seigneur; il fut perfecuté par les Ariens qui le lapiderent & le mirent en justice, mais Dieu le délivra de tous ces dangers. Il eut bien plus à fouffrir d'un fchifme qui arriva à Conftantinople parmi fon troupeau. Un miferable Egyptien nommé Maxime, qui avoit l'habit, la chevelure, & l'impudence des Cyniques, après avoir couru plufieurs Provinces, où il avoit laiffé des marques de fes defordres, vint à Conftantinople, trompa le Saint, lui fit valoir des peines auxquelles il avoit été condanné en juftice pour fes débauches, & fe fit paffer pour Confeffeur, c'est-à-dire pour un homme qui avoit fouffert en défendant la caufe de J. C. & après s'être infinué bien avant dans fon affection & fon eftime, fe fit ordonner Evêque de Conftantinople par des Prelats que Pierre d'Alexandrie y avoit envoiez pour ce fujet.S.Gregoire voulut fe retirer, mais fon peuple l'en empécha. Mixime alla trouver Theodofe à Theffalonique, pour apuier fon ordination de l'autorité de l'Empereur. Mais ce Prince le rebuta,

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