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du sol. Par le double bénéfice résultant pour la végétation d'une part de l'isolement ou du dégagement des cimes, de l'autre de l'accès des agents atmosphériques à la surface du sol, on espérait obtenir de la forêt le maximum de production.

C'était, comme on le sait aujourd'hui par des preuves expérimentales, une illusion. Le sol, trop souvent découvert, s'appauvrit, les massifs trop clairs cessent de prospérer, et enfin l'accroissement insolite des sapins qui suivait les coupes, cache une dépréciation du bois de service et même une réduction du volume de cubage due à la déformation des tiges 1. C'est que la recrudescence dans la vigueur de la végétation ne doit pas laisser croire que la forêt s'enrichit au contraire, elle risque de voiler un appauvrissement du sol, à redouter, s'il doit être progressif.

On peut admettre que, dans une gestion sage et bien entendue de la propriété forestière, il est légitime, nécessaire même de réaliser en partie, et périodiquement, la provision des matériaux nutritifs que renferme le sol, au lieu de les laisser s'accumuler indéfiniment: car on permet ainsi à la génération actuelle de prendre sa part de l'épargne déjà recueillie. Mais la culture forestière telle que nous la pratiquons remplit ce but. Nous ne nous proposons nullement de produire des forêts vierges aux troncs gigantesques qui ne répondraient ni à nos besoins ni à nos moyens. d'exploitation, et les coupes de diverse nature, surtout les coupes de régénération, ont nécessairement pour effet de découvrir le sol dans une certaine mesure, quelque prudentes qu'elles soient; dès lors, elles ont pour résultat d'activer la décomposition du terreau. En dehors de ces coupes, il faudrait se garder de dépenser d'une façon systématique la réserve de matières nutritives.

Les réactions chimiques par lesquelles le sol forestier livre ses principes nutritifs azotés aux végétaux qui le couvrent sont mal connues, ou du moins controversées; on sait qu'elles different beaucoup des réactions du sol arable. Je n'aborderai pas cette question et me bornerai à présenter une dernière remarque:

Il n'est pas toujours facile de se rendre compte du fait de l'appauvrissement du sol forestier en raison du découvert.

A la suite d'une exploitation ayant éclairci la futaie dans une large mesure, à plus forte raison d'une coupe à blanc, de même qu'à la suite

1.

Telle était cependant à peu près la base de la Méthode Gurnaud, d'une application dangereuse en outre parce que la détermination de la possibilité était influencée par l'appréciation de l'accroissement que prennent les réserves après l'exploitation (sinon fixée sur cette base); c'est surtout dans les massifs d'épicéa pur ou dominant que ces idées étaient funestes; et vraiment il était impossible d'imaginer une méthode qui prit mieux à contresens les exigences de l'épicéa !

d'une exploitation de taillis on voit le parterre de la coupe se garnir dans les sols frais et fertiles d'une végétation herbacée, très drue et qui atteint parfois deux metres de hauteur. Ces plantes, n'étant pas récoltées, rendent au sol tous les principes nutritifs qu'elles lui ont empruntés.

Ceci ne s'applique nullement, il est facile de le comprendre, aux terrains infertiles et dépourvus de fraîcheur, où la vigueur de la végétation herbacée décroît très rapidement; ainsi les sols de sable siliceux sont envahis par certaines espèces sociales telles que la callune bruyère et leur appauvrissement est dès lors hors de doute. Certaines forêts de montagne, surtout des massifs d'épicéa, sont assises sur des amas de blocs provenant d'éboulis anciens ou'sur des lapiaz: une très belle végétation s'y maintient grâce à l'accumulation séculaire du terreau qui garnit les intervalles des blocs ou les crevasses des rochers et de la mousse qui couvre le tout; à la suite d'une exploitation à blanc, de pareilles forêts disparaissent sans espoir de régénération : la mousse s'est desséchée, le terreau s'est dispersé tant par sa décomposition chimique que par voie de dénudation et le sol revient à sa stérilité primitive.

A côté de ces observations, il faut noter le fait connu du dépérissement d'une futaie claire et dépourvue de sous-bois, surtout si elle est formée d'essences à couvert léger. Ce fait semble en contradiction avec ce que nous savons de la recrudescence de la végétation des réserves dans une futaie fortement éclaircie. Ce même fait semble s'opposer à ce qu'on admette que le sol découvert et garni de végétation herbacée puisse conserver sa fertilité. Ces contradictions ne sont qu'apparentes. Il est vrai que l'on doit attribuer le dépérissement de la futaie claire justement au tapis de végétation herbacée, qui se développe d'autant plus dru que les essences de la futaie ont le couvert plus léger (on prévient en effet ce dépérissement par la culture du sol). Mais à moins qu'il n'y ait un appauvrissement réel du sol, qui serait décélé par exemple, par l'envahissement des bruyères, le dépérissement des arbres est dû à ce qu'une partie des matériaux nutritifs est absorbée par les herbes, au lieu de profiter à la végétation arborescente. De plus, certaines graminées ou cypéracées forment un gazon feutré qui soutire l'humidité de la terre, et les arbres croissant sur un sol pareillement gazonné sont non seulement affamés, mais surtout assoiffés.

En résumé, l'on doit encore admettre comme vrai que le sol forestier est d'autant plus riche qu'il est plus couvert et que sa richesse s'accroît progressivement à la condition que le couvert ne soit jamais interrompu. E. GUINIER.

DE L'ANTISEPSIE EN PISCICULTURE 1

Si la propreté, sous le nom d'asepsie ou d'antisepsie, a produit des résultats merveilleux, non seulement en chirurgie, mais encore dans le domaine de l'hygiène préventive, on peut dire qu'en pisciculture c'est l'élément primordial du succès. Et il ne peut en être autrement, car le pisciculteur n'est autre chose qu'un accoucheur en petit et le père nourricier d'enfants délicats, dont il a pour mission de protéger les premiers pas dans la vie. Il ne lui suffira pas de recourir à des protecteurs soigneusement sélectionnés, irréprochables sous tous les rapports pour obtenir une race saine et vigoureuse, il sera nécessaire qu'il applique toute son intelligence à préserver ses élèves de causes multiples de mort qui les entourent, causes d'autant plus nombreuses que, par l'agglomération dans un petit espace des œufs et des alevins, il multiplie les chances d'infection et de contamination. La nourriture elle-même, élément indispensable à la croissance et à la vie du poisson, peut devenir un poison mortel par son séjour et sa décomposition dans les bassins d'élevage, tandis que les produits excrémentitiels auront une tendance constante à vicier les milieux d'élevage. Les poissons eux-mêmes ont tellement le sentiment de la nécessité, pour leur propre santé et pour celle de leur progéniture, d'une eau propre et exempte de germes, que nous voyons la plupart d'entre eux rechercher avec soin les endroits les moins pollués, soit pour y vivre, soit pour s'y reproduire. C'est ce sentiment qui guide très probablement dans leurs migrations certains salmonides, et qui fait qu'un grand nombre de poissons nettoient avec soin les lieux où s'opère la fécondation. Du reste, ce principe n'est plus discuté par les pisciculteurs qui savent bien que c'est à leur incurie, à leur manque d'ordre et de propreté, et souvent, disons-le, à leur ignorance de la question qu'ils doivent la plupart de leurs insuccès.

Innombrables sont les germes qui, dès la fécondation de l'œuf, guettent leur proie, et, dans un établissement négligé, s'implantent partout, se multipliant avec une incroyable rapidité, dans les canalisations, les bacs, aquariums, etc., etc., et deviennent l'origine d'épidémies redoutables. C'est d'abord sur des œufs morts ou non fécondés que commence le développement des saprolégniacées, qui se continue ensuite, si on n'y prend garde, sur les œufs voisins, compromettant parfois toute une

1. Oltramare

Schweiz. Fischerei Zeitung. Suppl. fr., no 1, 1900.

ponte. Plus tard, ce sont les branchies des alevins, puis les plaies accidentelles qu'ils peuvent se faire entre eux qui servent de porte d'entrée à ces germes, qu'on voit également se développer plus tard encore sur des individus adultes, mais généralement malades.

Depuis longtemps, les pisciculteurs se sont préoccupés de soustraire leurs élèves à ces causes de destructions, et on a recommandé dans ce but diverses pratiques, dont la plus courante consiste à soustraire œufs et alevins à l'action de la lumière. Le remède est contestable et contesté, et le plus simple semble être d'éviter la contamination par une asepsie rigoureuse. Pour cela, chaque année, les divers ustensiles employés seront nettoyés ou flambés et passés à une solution antiseptique, le laboratoire lavé et désinfecté dans ses moindres recoins. La fécondation ne sera opérée qu'avec de l'eau très pure, les germes pouvant probablement pénétrer dans l'œuf en même temps que les spermatozoïdes, et l'eau servant à l'incubation, prise aussi près que possible de la source, sera filtrée si c'est nécessaire. Plus tard, les bacs ou aquariums seront souvent vidés, brossés et désinfectés. Nous nous servons depuis quelques années, pour l'antisepsie de tous ces engins et de nos conduites, d'une solution forte de permanganate, qui nous a toujours donné les meilleurs résultats. C'est un destructeur énergique des germes, un oxydant intense, qui fait disparaître rapidement toute trace de décomposition. Quant aux grandes pièces d'eau, elles seront chaque année vidées, curées soigneusement et exposées le plus longtemps possible à l'action de l'air, du soleil et des gelées. Une végétation abondante sera ensuite le meilleur moyen d'y entretenir la salubrité. Il va sans dire que, plus l'eau sera abondante et pure, moins les élevages souffriront de l'encombrement et moins il sera indispensable de serrer de près nos recommandations; mais néanmoins il y aura toujours utilité pour le pisciculteur à avoir présents à la mémoire les grands principes de l'asepsie.

(Bulletin de la Société centrale d'aquiculture et de pêche.)

ACCIDENTS DU TRAVAIL

Justice de paix de Noyon.- 9 Mars 1900.

Scieur de long. Loi du 9 avril 1898

La loi du 9 avril 1898 est inapplicable au scieur de long qui s'est engagé à travailler sur les chantiers d'un marchand de bois, lors même que son salaire serait réglé aux pièces et non à la journée.

BOULANGER C. DUFOUR

Aux termes d'un exploit du ministère de Ronat, huissier près le tribunal civil de Compiègne à la résidence de Noyon, en date du quinze février dernier, enregistré, Boulanger a fait citer Dufour à comparaître le vingt-deux du même mois à l'audience et par devant M. le Juge de paix du canton de Noyon,

Pour:

Attendu que le six août mil huit cent quatre-vingt-dix neuf le demandeur alors au service de Dufour en qualité de scieur de long au salaire de quatre francs par jour, fut atteint, au cours de son travail, par la chute d'un madrier qui lui fractura la jambe gauche;

Que Boulanger fut immédiatement transporté à l'hôtel-Dieu de Noyon d'où il n'est sorti que le vingt-sept janvier dernier;

Que, depuis l'accident, il lui a été impossible de se livrer à aucun travail ;

Qu'en outre il résulte d'un certificat du médecin qui a soigné Boulanger à l'hôpital de Noyon que la victime, bien que la fracture soit réduite, est atteinte d'une plaie fistuleuse, conséquence de l'accident qui prolonge encore son incapacité de travail.

Attendu que le demandeur se trouve actuellement dans le cas prévu par l'article trois de la loi du neuf avril mil huit cent quatre-vingt-dixhuit, et est en droit de réclamer à Dufour, son patron, l'indemnité déterminée par la dite loi, en cas d'incapacité temporaire, soit une indemnité journalière égale à la moitié du salaire qu'il recevait de Dufour, et ce, à partir du cinquième jour de l'accident.

Par ces motifs,

S'entendre condamner à payer à M. Boulanger la somme de trois cent quatre-vingt-douze francs représentant le montant de l'indemnité à lui due à raison de deux francs par jour à compter du onze août mil huit cent quatre-vingt-dix-neuf jusqu'au vingt-deux février mil neuf cent, et en tant que de besoin à titre provisoire.

S'entendre, en outre, condamner à payer au demandeur une indemnité de deux francs par jour, à partir du vingt-deux février mil neuf cent jusqu'à parfaite guérison.

S'entendre, en outre, condamner aux dépens.

JUGEMENT

Nous, juge de paix...

Attendu que Boulanger, simple manouvrier, s'est engagé l'été dernier envers

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