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qui n'est pas mise en doute; qu'on y retrouve, en effet, indépendamment de l'intention certaine des contractants, les éléments qui peuvent différencier le contrat de louage du contrat de vente mobilière, la périodicité du prix des loyers représentant les fruits naturels, les risques mis dans une certaine mesure à la charge du bailleur, et enfin et surtout l'obligation imposée au preneur de préparer par ses travaux personnels la venue des récoltes futures;

Attendu que le démasclage consiste à dépouiller le corps et les branches des chènes d'une première écorce appelée liège mâle pour permettre le développement d'une seconde écorce appelée liège femelle et qui seule est propre aux usages industriels; que le démasclage constitue une opération unique, en ce sens qu'il n'est effectué qu'une seule fois sur chacune des parties de l'arbre, et une opération successive en ce sens qu'il est effectué sur chacune de ces parties seulement, au fur et à mesure qu'elle acquiert une grosseur suffisante et que le liège mâle parvient à maturité;

Attendu que le démasclage, qui doit se faire aux frais de l'adjudicataire, constitue donc incontestablement une culture du chêne-liège appropriée à la nature du produit à récolter et destinée à en préparer la venue;

Attendu sans doute que, le liège ne pouvant être récolté que sept ou huit ans après le démasclage, le preneur, en entrant en jouissance, profitera immédiatement des démasclages antérieurs qu'il n'a pas faits et ne recueillera pas les bénéfices des démasclages qu'il opérera dans les dernières années de son bail; mais que ce fait ne saurait changer la nature du contrat; que l'adjudicataire se trouve dans la situation du fermier ordinaire qui profite, au début de son bail, de travaux faits par son prédécesseur et laisse à son successeur le bénéfice des travaux exécutés à l'expiration de ce bail;

Attendu que, pour donner à la convention le caractère d'une vente mobilière, l'administration se prévaut de ce que les clauses de l'adjudication excluent expressément du bénéfice conféré à l'adjudicataire tous les droits inhérents à la jouissance du sol, lesquels droits sont formellement réservés au propriétaire de la forêt; qu'elles lui interdisent notamment de faire ou de laisser paître dans la forêt les animaux de trait ou de bat; qu'en un mot le droit de l'adjudicataire est exclusivement de récolter chaque année, à des époques prévues, le produit particulier d'un immeuble dont la jouissance et l'usage continuent d'appartenir au propriétaire;

Mais attendu que les réserves contenues dans le cahier des charges s'expliquent par cette considération que ce qui est donné à bail, ce n'est pas la forêt, c'est uniquement l'écorce des chènes-lièges; qu'aux termes de l'art. 1713 C. civ. le louage peut avoir pour objet toute sorte de biens meubles et immeubles et que rien, ni dans la loi ni dans la nature du contrat de louage, ne s'oppose à ce que le propriétaire d'un héritage limite le droit de bail qu'il concède à un produit particulier de cet héritage; que la réserve de la jouissance du sol, consentie au profit du propriétaire, ne saurait avoir aucune influence sur la nature du contrat, alors que, comme dans l'espèce, la récolte des produits donnés à bail n'exige aucune culture spéciale du sol;

Attendu, dès lors, que la convention intervenue constituant un véritable bail, l'administration de l'enregistrement n'est point fondée à réclamer l'acquittement des droits proportionnels de vente à 2 p. 100 et de cautionnements à o fr. 50 p. 100;

Par ces motifs,

Déclare que l'adjudication du 29 janvier 1889 de l'écorce de chênes-lièges à récolter, dans la forêt communale de Collobrières constitue, non pas une vente mobilière, mais un contrat de louage passible des droits proportionnels de bail à o fr. 20 p. 100 et de cautionnement de o fr. 10 p. 100;

En conséquence, annule la contrainte signifiée aux opposants le 31 janvier 1891.

L'administration de l'enregistrement s'est pourvue en cassation de ce jugement et a formulé à l'appui de son pourvoi le moyen suivant :

<< Violation de l'art. 69, § 5, no 1, de la loi du 22 frimaire an VII, et fausse application de l'art. 1709 C. civ. et de l'art. 1er de la loi du 16 juin 1824, en ce que le jugement attaqué a décidé que l'adjudication du droit de récolter l'écorce de chênes-lièges a le caractère d'un bail et non d'une vente, bien que la jouissance du sol ait été expressément réservée au profit des communes propriétaires des forêts à exploiter. >> La chambre civile a accueilli ce pourvoi par l'arrêt suivant :

LA COUR,

Sur le moyen unique :

Vu l'art. 69, § 5, n° I, de la loi du 22 frimaire an VII :

Attendu que, suivant procès-verbal administratif du 29 janvier 1889, Zéphirin Laugier s'est rendu adjudicataire, pour une durée de douze années, de la ferme de l'écorce des chènes-lièges dans la forêt communale de Collobrières;

Attendu que les clauses de l'adjudication réservent formellement au propriétaire le corps des chênes-lièges ainsi que le droit, dans les bois mêmes ou l'écorcement du liège est affermé, de faire toutes les ventes d'arbres ou autres produits quelconques, toutes exploitations et tous travaux, en un mot de prendre toutes mesures ayant pour objet la mise en valeur, l'amélioration de la forêt en général et la culture des diverses essences; qu'il résulte de ces stipulations que l'adjudicataire n'a aucun droit sur le sol et que ce qui lui est attribué uniquement, c'est le droit de recueillir un produit particulier de la terre, dont la jouissance et l'usage direct continuent d'appartenir exclusivement au propriétaire; qu'une convention aussi restreinte n'a pas le caractère de louage, qui, selon l'art. 1709 C. civ., a essentiellement pour objet de transporter la jouissance d'une chose pendant un certain temps, mais qu'elle constitue une vente mobilière obligeant le propriétaire dans les termes de l'art. 1582 du même Code et conférant à l'adjudicataire le droit d'enlever chaque année, moyennant le prix stipulé, le produit naturel qui a fait l'objet de l'adjudication; d'où il suit qu'en décidant que le droit exigible sur le procès-verbal d'adjudication était le droit proportionnel de bail et non le droit de vente mobilière, le jugement attaqué a faussement appliqué l'art. 1709 C. civ. et violé l'art. 1582 du même Code, ainsi que l'art. 69, § 5, no 7, de la loi du 22 frimaire an VII ; Casse le jugement du Tribunal civil de Toulon du 25 avril 1893.

Présidence de M. Quesnay de Beaurepaire. MM. Monod, rapp.; Sarrut, av. gén. Mes Moutard-Martin et Aguillon, av.

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Note.

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L'administration de l'enregistrement, à l'appui de la thèse qu'elle a fait triompher, dans l'espèce, devant la chambre civile, invoquait l'autorité d'un grand nombre d'arrêts, antérieurs Cass., 3 décembre 1832 (S. 33. 1. 888); 20 mai 1839 (S. 39. 1. 525); 21 mai 1849 (S. 49. 1, 524); 23 mars 1870 (D. 78. 5. 166), lesquels ont décidé que le prétendu bail, ayant pour objet l'exploitation d'une forêt pendant plusieurs années consécutives, constitue en réalité une vente de bois, donnant ouverture, au point de vue fiscal, à la perception du droit d'enregistrement de 2 p. 100, du moment où les droits du preneur se réduisent à des coupes d'arbres à des époques déterminées, sans qu'il puisse jouir du sol de la forêt. Elle invoquait encore et surtout un récent arrêt rendu le 25 janvier 1886 (S. 88.1. 226 — D. 86.1.441), dans une matière de droit civil et aux termes duquel la chambre des requêtes a déclaré y avoir lieu de considérer, non comme un bail, bien que les parties lui eussent attribué cette qualification, mais comme une vente mobilière, la convention par laquelle le propriétaire d'une forêt de chênes-lièges déclare louer à un tiers le produit de l'écorce des chêneslièges et la coupe des chênes géants existant dans cette forêt lorsque le proprićtaire s'est, en même temps, par une clause expresse, réservé la jouissance du sol, soit pour y habiter, soit pour le cultiver ou faire paître ses troupeaux. Comp. aussi Cass. 19 mars 1845 (S. 45.1.261); 30 mars 1868 (S. 68.1.201-D. 68.1.417); 5 mai 1875 (S. 75.1, 323 D. 75. 1. 368). (Gaz. Pal.)

L'ÉCOLE

No 41. DECRET AUTORISANT LE MINISTRE DE L'AGRICULTURE A ACCEPTER UN DON DE 2.000 FR. OFFERT A L NATIONALE FORESTIÈRE.

Le Président de la République française,

Sur la proposition du président du conseil, ministre de l'Agriculture, Vu l'offre présentée au nom du comité d'exécution du buste de M. Mathieu, ancien professeur à l'École nationale forestière, et ayant pour objet de faire don à ladite École d'une somme de 2.000 fr. ;

Vu la délibération du conseil d'instruction de l'École forestière, en date du 19 mai 1896, portant acceptation de ce don;

Vu l'article 1910 du Code civil;

Vu l'ordonnance du 2 avril 1817;

Le conseil d'État entendu,

Décrète :

Art. 1. Le président du conseil, ministre de l'Agriculture, est autorisé à accepter, au nom de l'État, pour l'École nationale forestière, le don d'une somme de 2.000 fr., offert à cette École !par M. Fliche, représentant le comité d'exécution du monument élevé à la mémoire de M. Mathieu, ancien professeur.

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Art. 2. Cette somme sera placée en rentes sur l'État, dont les titres seront remis entre les mains du directeur de l'école; les arrérages en seront exclusivement employés à la formation d'un prix portant le nom de « prix Mathieu » et qui sera décerné tous les quatre ans, à la suite d'un concours entre les élèves, d'après un programme arrêté par

le directeur des forêts sur la proposition du conseil d'instruction de l'É

cole.

Art. 3. Le président du conseil, ministre de l'Agriculture, est chargé de l'exécution du présent décret, qui sera inséré au Bulletin des lois.

Par le Président de la République :

Fait à Paris, le 8 juillet 1896.
FÉLIX FAURE

Le président du conseil, ministre de l'Agriculture,

J. MÉLINE.

Le souvenir de l'excellent professeur, du digne homme que regrettent les anciens élèves français et étrangers de quarante promotions à l'École forestière, va donc être perpétué doublement. Et, par le prix Mathieu, notre cher Auguste Mathieu contribuera indéfiniment à fomenter le travail à l'École. C'eût été certainement son vœu le plus ardent. Les souscripteurs au monument projeté l'année dernière et maintenant deux fois réalisé peuvent justement être fiers du succès.

N° 42. LA PISCICULTURE ET LA

C. B.

LOI SUR LA PÊCHE.

Le conseil supérieur de pisciculture créé en France, l'an dernier, sur l'initiative de M. Jousset de Bellesme, directeur de l'aquarium du Trocadéro de Paris, a tenu, cette année, sa session annuelle à Lille, du 25 au 27 mai. L'assistance se composait de représentants des Sociétés de pisciculture de Boulogne-sur-Mer; Syndicats du Nord, Reims, Alençon, Lyon, Moret-sur-Loing, La Varenne-Saint-Hilaire, Saint-Quentin, Péronne, Lestrem, Cambrai, Armentières et Syndicat des pêcheurs de la Seine dont l'entrée a été saluée par des applaudissements. Les Sociétés dont les noms suivent avaient envoyé leur adhésion et leurs votes sur les questions soumises au Congrès: Nevers, Aubusson, Bordeaux, Vonnas, Brest, Lot, Bruay, Châteauroux, La Ferté-Bernard, Grenoble, Dreux, Coulommiers, Mâcon, Auxerre, Montbéliard, Toulouse, Romilly-surSeine, Thônes, Cherbourg, Montluçon, Auch, Tarbes, Moret-sur-Loing, Bordeaux.

Les membres présents se sont entretenus du mouvement piscicole dans leurs régions respectives, et en ont constaté avec plaisir les bons effets, tant au point de vue de la protection que du repeuplement. De nombreuses Sociétés se sont appliquées à empoissonner leurs cours d'eau, puissamment aidées en cela par l'Aquarium du Trocadéro, qui, dans l'es✨pace d'une année, de mars 1895 à avril 1896, a distribué des quantités

considérables d'oeufs et d'alevins aux Sociétés de Pisciculture et de Pêche.

A l'ouverture de la première séance, M. Jousset de Bellesme a exposé le but du conseil supérieur et les moyens qu'il compte mettre en pratique pour résoudre la question si complexe du repeuplement des eaux par l'initiative des sociétés. Mais tout d'abord il a expliqué combien le conseil supérieur, en venant tenir sa session à Lille, a été heureux de se réunir là où « plus que nulle part ailleurs s'est affirmée la tendance à l'association, dans cette contrée où l'on aime passionnément la pêche, et où l'on sait se dévouer à l'œuvre que l'on a entreprise ».

Après avoir adressé un public hommage à M. Thellier, président du syndicat du Nord, et à M. Dubois, l'infatigable défenseur des intérêts piscicoles dans la région, M. Jousset de Bellesme a précisé la mission du Conseil supérieur, institution qui ne relève que de l'initiative privée, simple agglomération d'amateurs de pêche, de propriétaires d'étangs ou de cours d'eau, de pêcheurs, de bons Français en un mot qui, navrés de voir leurs rivières se dépeupler de plus en plus, désolés de tendre leur ligne à l'eau sans rien prendre, exaspérés de voir que l'État leur promet toujours du poisson, que, dans ce but, il prélève de bonnes sommes d'argent dans leurs poches sans qu'on voie jamais rien venir, se sont réunis un beau jour en se disant: « Pourquoi ne ferions-nous pas nos affaires nous

mêmes. >>

C'est animé de cet esprit que le Conseil supérieur, libre de toute entrave officielle, va travailler à la fois à repeupler les eaux, réprimer le braconnage, et apporter à la législation sur la pêche, aujourd'hui démodée sur certains points, des modifications en rapport avec nos besoins actuels.

Pour arriver à son but le Conseil supérieur devra sortir de l'ornière et adopter une voie nouvelle. Il faut renoncer au pétitionnement, car cette manière de procéder n'a pour tout avantage que d'entasser dans les cartons de nos ministères de nombreuses réclamations dont ils n'ont cure. C'est au Parlement qu'il faut avoir recours. Il incombe donc au Conseil supérieur d'étudier les questions à résoudre, de préparer des mémoires très complets et de porter ces questions devant le Parlement. Quant aux sociétés leur rôle sera d'intervenir près de leurs députés pour faire voter les projets élaborés par le conseil supérieur, compétent et bien informé. M. Dubois, secrétaire général, a pris ensuite la parole et en termes excellents, souvent applaudis, fait ressortir la situation exceptionnelle des eaux dans la région. Il a commencé par insister sur la perte considérable du revenu français, du fait de la disparition du poisson, perte qui

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