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l'établissement du cadastre et ceux qui, à cette même époque, se trouvaient boisés et furent inscrits bois.

Pour les premiers, elle reconnaît le droit au dégrèvement des trois quarts de l'impôt et elle le dénie aux seconds, s'appuyant sur les termes << terrains déjà en valeur » de cet article 116, termes qu'elle déclare non applicables aux terrains cadastrés bois.

Les intéressés ont protesté, l'Administration a tenu bon des procès ont été engagés, mais jusqu'à présent celle-ci est parvenue à faire adopter sa doctrine par le Conseil d'État, juge en dernier ressort.

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La base juridique de cette doctrine est cependant assez peu solide, surtout si l'on considère l'esprit général de la loi de frimaire et si l'on se reporte à quelques autres articles de cette même loi, tels que les articles 112, 113 et 114 qui s'opposent, pour les terres vaines et vagues, à toute majoration de la cotisation foncière, pendant dix ans, lorsque ces terres viennent à être mises en culture-pendant vingt ans, lorsqu'elles sont plantées en vignes, mûriers et autres arbres fruitiers, pendant trente ans, lorsqu'elles sont reboisées. D'autre part, l'article 115 porte que «<le revenu imposable des terrains déjà en valeur (par opposition, certainement, aux terres vaines et vagues), qui seront plantés en vignes mûriers, etc..., ne pourra être évalué pendant les quinze premières années qu'au taux de celui des terres d'égale valeur non plantées. »

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L'intention du législateur est manifeste elle est bien d'encourager toute amélioration, tout accroissement de valeur productive du sol national, en accordant un délai avant de faire bénéficier la contribution foncière de l'augmentation de revenu obtenue par le contribuable. Cette faveur justifiée ne saurait être contestée à tous ceux qui reboisent, qui substituent à la production agricole, devenue ingrate, la culture forestière mieux appropriée au terrain, et il importe peu que cette culture forestière soit celle pratiquée à l'époque précise de l'établissement du cadastre.

Mais l'Administration tient en réserve un gros argument, purement fiscal il est vrai; le voici les terrains qui se trouvaient boisés lors de l'établissement du cadastre ont pu depuis être défrichés, mis en culture; mais les classifications de ce cadastre n'ayant jamais été et n'étant jamais modifiées, ces terrains n'ont pas cessé d'être réputés bois pour l'assiette de la contribution foncière et d'être imposés comme tels; pendant la période de culture agricole ils ont payé moins, et aujourd'hui ils vont seulement payer autant que leur état réel le comporte en équité, il y a compensation. Si le propriétaire a fait une mauvaise opération financière en détruisant son bois pour être obligé de le rétablir par la suite, lui

seul en doit supporter les conséquences pécuniaires, et l'intérêt public n'a rien à voir dans l'affaire; en effet, les défrichements effectués avaient été autorisés et, par suite, le rétablissement de ces massifs forestiers, de même que le fut leur disparition, lui est indifférent.

On pourrait faire observer tout d'abord à l'Administration que les terrains dits en culture, terres arables ou autres, ne sont pas toujours inscrits à la cote foncière pour un revenu supérieur à celui des bois et forêts, qu'il se trouve des parcelles classées bois au cadastre qui sont frappées d'une cotisation supérieure à celle des champs voisins: une fois défrichées, ces parcelles, en vertu de l'immuable cadastre lui-même, continuent à payer plus que ces champs, et la fameuse compensation ne peut se produire en cas de reboisement ultérieur; la pseudo-équité fiscale fonctionne alors à rebours.

Mais admettons encore la donnée de l'Administration, quelque contestable qu'elle soit dans sa généralité et contraire à de nombreux cas : il n'en reste pas moins que celui qui a exécuté un défrichement il y a quarante ou cinquante ans et plus, puisque le cadastre a été établi au commencement de ce siècle, est rarement celui qui reboise par la suite, que l'impôt trop lourd aujourd'hui va peser sur un autre que celui qui a bénéficié de la période agricole prospère, et qu'enfin si une erreur économique a été commise, c'est celui qui la répare qui se trouve frappé.

Quant à l'autorisation de défrichement, elle ne comporte nullement cette conséquence que la conservation d'un massif forestier et, par suite, son rétablissement sont indifférents à l'intérêt public: la législation forestière limite strictement les cas dans lesquels l'État peut faire opposition au défrichement des bois de particuliers et il n'en est ainsi que lorsqu'il y a préjudice grave et certain pour la chose publique.

D'ailleurs, ce n'est pas l'intérêt de cette chose publique que l'Administration des contributions directes a la prétention de défendre en ces matières; que demain, par exemple, quelque richissime amateur de chasse veuille transformer en tirés, par la plantation ou le semis en bois, quelque terre, fertile par excellence, de tous temps surchargée de magnifiques céréales, voire quelque grasse prairie aux luxuriants herbages, et nous en connaissons quelques exemples aux environs de Paris, en Brie ou ailleurs, l'Administration, d'après sa doctrine actuelle, devra réduire des trois quarts pendant trente ans la contribution foncière de cet heureux domaine alors qu'elle maintiendra rigoureusement l'intégralité des charges pesant sur quelque plateau dénudé et aride de Lorraine que l'on tente de reboiser à grands frais, et non sans peine, mais qui fut bois jadis au dire du cadastre.

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A en patois bourguignon, c'est eau: la combe de l'A (Côte-d'Or), le bois de l'A (Haute-Saône). Aa et Aach viennent aussi de aqua, comme Aachen, Aix-la-Chapelle, Ax, Axat, Dax, etc.

Le même aqua transformé successivement en aqva, ava, ève, eave, eaue, eau, puis déformé de mille manières, qui a fait à en Bourgogne; comme il a fait ô en France, a donné des noms: en aique, aigue, aigne, ain même, comme Aiguebaude, Aigoual, Laigue, Laigne, Aignay, Ainvelle ; des noms en ève, ave: Evette, Evaux, Evoges, Avon, Eveux; les Eveux sont des cantons mouilleux; en yves: Yvoy, Yvory, Yvry; eness, ais: Essey, Aisey;-en aux: Auxy, Auxon; etc., etc. On a parfois peine à les débrouiller, mais la situation ou la source peut les éclairer. Ainsi en est-il de la combe de l'Hoâ (Bourg.), de celle d'Evoaz (Ain), d'Ainvelle opposé à Hautevelle (Haute-Saône), d'Aouze, aquosa (Vosges). Abadie, en langue d'oc, de ab, abies, dénomme une forêt de sapins ou de pins. Abbadie, abbaye, a deux b, mais il peut en avoir perdu un en circulant.

Un abergement ou un abergeage était en Bourgogne une concession de terres incultes, à long bail et sous condition de défrichement. Il vient du haut allemand herberga, her(i)berga, campement militaire, qui a maintemant le sens d'auberge en allemand comme en français. Il a donné aussi les haberts du Dauphiné, et, par corruption, les Alberts (près Briançon).

L'Adrech, comme l'adroit, exposé directement au soleil, est une forme

1.- De divers côtés on a demandé le sens et des étymologies de noms forestiers. Ces dernières (Tupos λoy cs, vrai sens) sont comme la jurisprudence du langage forestier, fixée par le peuple. Et, si beaucoup d'étymologies sont les unes peu attrayantes, les autres douteuses, ce sont là encore des caractères propres aux discussions et aux arrêts juridiques? D'ailleurs la jurisprudence forestière est aujourd'hui fixée, l'usage des transactions tend à réduire beaucoup la poursuite des délits, et les discussions importantes en cette matière sont devenues rares. Sans les négliger, et en attendant les nouveaux Codes forestiers promis à la France et à l'Algérie, il semble possible d'adjoindre au Bulletin de jurisprudence, aux places libres et sans dommage pour ce Recueil, quelques études sur le sens et l'origine des mots du langage forestier.

M. de Sailly veut bien donner son concours à ce travail. L'aide qui pourrait lui venir d'autres abonnés serait également bien accueillie.

de directum, de même que l'ubac, le versant opposé, est une forme de opacum. Il fait bon au printemps à l'adrech, dans la forêt de pins, frais en été à l'ubac, sous les mélèzes. En patois languedocien, on a l'adré et l'avès (adversus); le bois de l'avès, qui noircit au feu, est moins bon à brûler que celui de l'adré, qui a cru en plein soleil.

Les Aglans, ou aclans, les épineux, descendant d'aculeus par aculentus, comme églantier, anciennement aiglantier.

Les aiges ou les ages, cantons nombreux dans le bassin de la Saône, sont venus, comme les hayes de Lorraine et les hagis des Vosges, de l'allemand hage. Sur la route de Flangebouche à Fuans (Doubs), au pied du versant des Ages de Loray, qui porte la première sapinière qu'on rencontre en allant par cette route de Besançon à Morteau, on trouve une auberge isolée: l'enseigne en est un tableau représentant les âges, les quatre âges de la vie! Passons.

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L'airelle viendrait d'aire, atra, noire, en raison de sa petite baie noirâtre. Le canton des Aitrolles, à Gémeaux (Côte-d'Or), aurait-il des airelles ou des hêtrelles?

Dans la forêt de Moulière, entre Poitiers et Bonneuil-Matours, un très vaste canton fort mal boisé de quelques bouquets de chêne envahi par de nombreuses et hautes bruyères, et en voie de restauration par les plantations résineuses, porte le nom de Plan des Aises. Les forestiers se creuseront en vain la tête pour trouver dans le sol ou ses productions la raison de cette appellation : qu'ils la demandent à la Vénerie, celui de tous les arts qui a le mieux conservé son ancien langage. S'ils ne trouvent rien dans du Fouilloux, qu'ils cherchent dans Gaston Phoebus, le père de la vénerie française, ils y trouveront sans doute ce mot qui, en patois de Languedoc [Gaston était comte de Foix et tenait sous sa main toutes les Pyrénées, depuis le pays Basque (exclus) jusqu'au Capsir (exclus)] se trouve avec la forme lous aïses, les allures, les mœurs, les remises du gibier. Or, forestiers et chasseurs tomberont d'accord que quand on veut lancer en Moulière, si on n'a pas fait le bois le matin, c'est au Plan des Aises qu'il faut découpler pour attaquer à la billebaude. Le Val d'Ajol ou d'Ajot, comme tel canton d'Ajou, peut tirer son nom du genêt, adjotum; c'est assez probable, car la fleur d'or y abonde. Toutle monde connaît l'Alagnier, qui donne les alagnes, avellanas, encore ainsi appelées dans le Val Romey, en Bugey, où l'on parle à moitié latin; mais il est peu d'Ollagnier sachant que leur nom signifie noisetier. Il a subi d'ailleurs diverses déformations; l'alagne est devenue l'olonne, qui a donné son nom à la combe Ologne; l'olagnier est devenu aulagnier et aulanier, qui vaut tout autant que coudrier; mais alagne

est mieux approprié que noisette. Dans le midi on a les cantons des Abélanouses et les avélagnés.

L'alisier, du haut allemand els? en vieux français alier, qui pourrait venir de alere, est dit alue à Besançon : la rue de l'Alue. Mais comment, en affectant le nom d'alise au fruit de l'alisier torminal, a-t-on fabriqué celui d'allouchier, produisant les aloses de l'alisier blanc, pirus aria, dit arbessier dans l'Ain? L'alisier a nommé le canton de l'Aleuse. Et celui de Dialose, n'est-ce pas celui des deux alisiers?

L'amélanchier semble dériver de pλos, pomme et ayev, étrangler, petite pomme âpre à la gorge, l'a est ici, en préfixe épenthétique, comme dans aborner, abrouti, aménagement et une foule de mots usuels du midi de la France.

En Langue d'oc un arbeltier, qui élève l'arbel, le petit arbre, est un pépiniériste.

L'arbenne, pour albane, désigne au mieux le lagopède, que les naturalistes ont ainsi baptisé pied-de-lièvre, tandis qu'à première vue chacun nomme cet oiseau perdrix blanche. On l'appelle aussi ptarmigan, jalabre (gallus albus), coq blanc, et gariole (variola). Malgré tous ces beaux noms, elle ne fait pas un bon mets, non plus que ses voisins d'habitation sur les grandes hauteurs, le lièvre blanc et même le chamois.

Ardenne ne vient-il pas du celte ar-tann, la chênaie? Au loin des Ardennes montagneuses, nous avons encore le bois des Ardennes, sur Bassigny, près Vauvillers (Haute-Saône).

ru;

Les Armonts, comme la combe d'Arvaux, sont difficiles à mettre au clair. Ce préfixe ar a plusieurs significations. Ici ce peut être ars, brûlé, comme dans les arsins, les arsans, les arsures, Arcis et Montargis peut-être. Mais, privé de l's, il peut se confondre avec le sanscrit ar, terre, argile, ar-jala, terre froide; - avec l'article celte ar, Arroux, le avec l'ar de arc, arbalète; avec l'ar de hara, arsouille, hara suilla; avec ab, arracher, abradicare; - avec al, arbenne, arlequin, (alle Kind); avec ra, comme dans Arvières, forêt ainsi dite de ravière, dérivé de rapere et analogue à rapina, ravine, gorge profonde; avec aur, archal, de aurichalcum; avec art, armoise, artemisia; ara, surface, arpent, arapennis. Ce petit mot ar pourrait faire à lui seul le sujet d'une thèse d'onomastique.

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avec

Arole, nom suisse du pin cembro, descend de l'allemand arve, comme auvier (Briançonnais) d'alviez (Valais), qui est presque arvier. Airolo ne lui doit-il pas son nom? Mais pourquoi les savants ont-ils affublé ce bel arbre du vilain nom de pin ceinbrot, que nous avons barbarisé en cembro ?

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