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Les Ascles, fentes de rocher, dit M. Peiffer (Recherches sur l'origine et la signification des noms de lieux), ont donné leur nom à la sauvage vallée cachée entre les villages de Plampinet et du Montge. nèvre, et qui a perdu sa forêt de mélèzes, morte du pâturage. Le radical asc, esc, de zog, fente, rupture, a donné en français éclat, escaune. (bardeaux à la haché), escarre, esquille, esclape (aviron), etc. Le patois languedocien a conservé asclo, fente, fêlure, crevasse.

L'aste, bois de deux ans sur la vigne et ailleurs, vient de hasta, pique, comme ételle de hastella.

L'athie, l'athée, l'hâte et probablement l'anthe, qui a donné son nom aux cantons de l'Atoy, de la Hâte du prêtre, la Hâte au gui, la Hâte boussiotte (bossue), les Hâtées, et à tant de localités comme Athis, Athieval, Éthys, Étival, Étevaux, Antheuil, Andelot, n'est autre que le hêtre, heister (haut all.), transformé par le langage populaire. De là aussi les Étions, les Étechets, la Hâtrière et autres noms de forêts.

L'aubour, faux ébénier, semble bien provenir de laburnum, contourné en alburnum. Mais qu'est-ce que ce laburnum accolé à cytisus? L'Auroux, Aurouse, a la même source qu'Oréal et loriot, dénommés par leur couleur.

Authumes n'est autre, dit-on, que altus ulmus, comme Authoison de altum ostium, et Hurigny, pour Hautrigny, ainsi dit en patois. Mais le canton des Autures ?

Avet, sapin, découle d'abietem, à peu près comme avette, abeille, d'apiculam. Et de fait, ce mot de la langue d'oil est bien le meilleur nom de notre sapin pectiné, que trop souvent on confond avec d'autres arbres résineux.

Avrelon, sorbier des oiseleurs, pour abrelon, arbrellon, petit arbre en langue d'oil, n'est-il pas bien dit aussi ?

Quel est le radical d'alnus, l'aune des Latins, la vergne des Celtes ? Vient-il du sanscrit arnas, eau, et par quelles étapes?

Pourquoi l'ambre désigne-t-il l'osier sur le Jura, qui a le village d'Ambres dans le Doubs, la Chaux des ambres aux Hautes Molunes du Jura, et le bourg d'Ambronay dans l'Ain? Est-il possible que cela vienne de la couleur du vitellin?

Et l'azerolier, de azerus, qui est le fruit, quelle en est l'étymologie, le sens vrai ?

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C. B.

No 19. COUR D'APPEL DE LYON (2 Ch.). 15 Mai 1895.

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Les syndicats professionnels peuvent valablement, par des moyens honnêtes et licites, s'occuper de l'embauchage des ouvriers et chercher à leur procurer du travail en les recommandant à la bienveillance des patrons; mais ils ne peuvent pas signifier aux patrons l'interdiction d'employer aucun ouvrier non syndiqué sous menace de grève, en agissant ainsi, ils engagent tout au moins leur responsabilité envers ceux qui sont les victimes de semblables manœuvres. Et il importe peu que l'ouvrier qui se plaint ne puisse pas établir que le syndicat se soit livré contre lui à des agissements le visant personnellement, si l'interdiction générale signifiée aux patrons a suffi pour causer le préjudice.

...

BURNICHON c. CHAMBRE SYNDICALE DES TOURNEURS ROBINETIERS.

LA COUR,

Considérant qu'aux termes de l'art. 3 de la loi du 21 mars 1884 les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des intérêts économiques, industriels, commerciaux et agricoles :

Considérant que ce n'est pas se livrer à l'étude de ces intérêts que de fermer la porte des ateliers à tout ouvrier qui ne fait pas partie d'un syndicat; que rien n'était certainement plus éloigné de l'esprit du législateur de 1884 que de faire renaître par la loi nouvelle le monopole tyrannique des anciennes corporations de métier abolies par la Révolution de 1789;

Considérant, il est vrai, qu'aux termes de l'art. 6 de la susdite loi les syndicats professionnels peuvent créer et administrer des offices de renseignements pour les offres et les demandes de travail; qu'en vertu de cet article on peut 'admettre qu'ils constituent des sortes de bureaux de placement pour leurs adhérents, qu'ils recommandent ceux-ci à la bienveillance des patrons et cherchent à leur procurer du travail, mais à la condition que ce soit par des moyens honnêtes et licites et non en signifiant aux patrons l'interdiction d'employer aucun ouvrier non syndiqué sous menace de grève; que de semblables manœuvres engagent la responsabilité du syndicat envers ceux qui en sont les victimes;

Considérant que le jugement dont est appel avait autorisé Burnichon à faire la preuve par témoins que le syndicat des tourneurs robinetiers de la ville de Lyon l'a empêché, à l'aide des susdites manœuvres, de se replacer chez un patron depuis le 26 juillet 1873, jour où il a quitté la maison Curbillon pour laquelle il travaillait et qui avait été mise en interdit par le syndicat; qu'appel a été interjeté de ce jugement par le syndicat et que l'avoué de Burnichon a eu • le tort de procéder néanmoins à l'enquête postérieurement à la notification de l'acte d'appel; que c'est donc avec raison que le syndicat demande à la Cour

de déclarer cette enquête nulle en tant qu'enquête; mais qu'il demande en même temps, par ses conclusions, que cette enquête soit retenue à titre de renseignements et que la Cour, usant du droit d'évocation, juge dès à présent le procès au fond;

Considérant que, dans le dernier état de ses conclusions, Burnichon se joint au syndicat pour demander à la Cour d'évoquer le fond et de lui adjuger dès à présent les dommages-intérêts qu'il réclamait par le principal de ses conclusions de première instance;

Considérant qu'il est en effet licite pour la Cour de préciser dans les témoignages d'une enquête nulle pour vice de forme des présomptions qui, jointes à celles tirées des autres faits de la cause, peuvent constituer ou non, suivant les circonstances, une preuve suffisante; que cette faculté appartient à plus forte raison à la Cour quand les deux parties adverses la sollicitent d'en user;

Considérant au surplus qu'une enquête régulière n'apporterait pour la solution du litige aucune lumière nouvelle; qu'elle serait donc en réalité inutile et frustratoire;

Considérant que sur les neuf témoins entendus sept affirment de la façon la plus nette que c'est le syndicat, qui, par une intervention active et spéciale, a empêché Burnichon, après son départ de la maison Curbillon, d'être employé par d'autres patrons, notamment par M. Mallet, fabricant de robinets, et par la maison Mousset-Blanc, exerçant la même profession;

Mais considérant que M. Mallet et M. Blanc ont eux-mêmes été entendus; que M. Blanc a déclaré qu'il ignorait si son contremaître qui embauche les ouvriers avait ou non refusé d'embaucher Burnichon et si celui-ci avait ou non travaillé pour lui, mais que depuis six ans qu'il était à la tête de la même industrie, à deux reprises différentes le syndicat lui avait envoyé des délégations pour l'obliger à renvoyer les ouvriers non syndiqués; que M. Mallet déclare qu'il était prêt à prendre Burnichon comme ouvrier, mais que son contremaître lui a fait observer que Burnichon n'était pas syndiqué et que tous les ouvriers syndiqués partiraient s'il entrait à l'atelier; qu'alors, ayant eu sa maison à l'index pendant deux ans pour n'avoir pas consenti à renvoyer un contremaître, il n'avait pas voulu s'exposer à de nouvelles difficultés et avait refusé d'embaucher Burnichon;

Considérant qu'en outre plusieurs autres témoins affirment qu'étant ouvriers tourneurs sur cuivre comme Burnichon, et n'étant point syndiqués, ils se sont vu fermer par le syndicat l'entrée de tous les ateliers;

Considérant que ces renseignements se trouvent corroborés par tous les faits de la cause; qu'on ne s'expliquerait pas en dehors de ce motif que Burnichon, qui est un ouvrier expert en sa profession puisqu'il gagnait 5 fr. 50 c. par jour, au dire des témoins, et à raison des renseignements fournis à la barre, n'ait pas trouvé à s'embaucher depuis près de deux ans qu'il est sorti de la maison Curbillon; qu'il faut encore viser un procès-verbal du commissaire de police du quartier de Bellecour en date du 15 septembre 1893, dont lecture a été donnée à la barre, et dans lequel ce magistrat rapporte l'entretien qu'il a eu relativement à cette affaire avec deux membres du syndicat, MM. Cinquin et Veyre;

Considérant que, d'après ce procès-verbal, les deux membres prénommés du syndicat ont déclaré au commissaire de police que, sur 285 ouvriers robinetiers

travaillant à Lyon, il y en avait 270 syndiqués; que le syndicat s'était entendu avec les patrons, qui s'étaient engagés à n'employer que des ouvriers syndiqués et que M. Mallet observait rigoureusement cet engagement; que Burnichon était venu demander au bureau du syndicat un certificat établissant qu'il était syndiqué, pour le présenter à M. Mallet qui l'exigeait, et que ce certificat lui avait été refusé parce qu'il ne payait plus de cotisation depuis trois ans qu'il ne faisait plus partie du syndicat; qu'enfin M. Mallet, entendu aussi par le commissaire de police du quartier Saint-Louis à la date du 16 septembre 1893, a déclaré à ce magistrat qu'il ne pouvait embaucher des ouvriers ne faisant pas partie du syndicat sans s'exposer à ce que les ouvriers syndiqués quittent immédiatement son atelier; qu'il avoue que cette situation est aussi tyrannique pour les ouvriers que pour les patrons, mais que ces derniers ne peuvent pas se soustraire à cette tyrannie;

Considérant qu'il résulte des faits et des documents qui viennent d'être indiqués, des présomptions graves, précises et concordantes établissant jusqu'à l'évidence la plus absolue que ce sont les agissements illégaux du syndicat, son interdiction aux patrons robinetiers, sous menace de grève, d'embaucher des ouvriers non syndiqués qui sont la cause directe de l'impossibilité dans laquelle s'est trouvé Burnichon d'exercer sa profession depuis le 26 juillet 1893 jusqu'à l'heure actuelle; qu'il importe peu que Burnichon n'ait pas pu établir que le syndicat s'était livré contre lui à des agissements le visant personnellement ; qu'il suffit que ces agissements aient causé, comme il est dit, directement le préjudice dont il se plaint; qu'au surplus il était facile pour le syndicat d'échapper à la responsabilité qui lui incombait en donnant à Burnichon l'autorisation spéciale que ce dernier lui demandait pour pouvoir être embauché par son patron; que non seulement le syndicat la lui a refusée, mais qu'il la lui refuse encore dans ses conclusions, démontrant ainsi qu'il est décidé à ne rien faire pour sortir Burnichon de la déplorable situation dans laquelle il l'a lui-même placé; Considérant toutefois que la Cour ne saurait obliger le syndicat sous une contrainte pénale à délivrer à Burnichon l'autorisation que celui-ci lui réclame et que, sous ce rapport, la demande de l'intimé est mal fondée; mais que le syndicat doit réparation du préjudice souffert par lui jusqu'à ce jour;

Considérant que si l'on calculait exactement, comme le demande Burnichon, la somme représentant ce qu'il aurait pu gagner s'il avait travaillé de sa profession à raison de 5 fr. 50 c. par jour depuis le 26 juillet 1893, il lui serait dù une somme de 3.500 fr. environ;

Mais considérant qu'il faut tenir compte des chômages qu'il aurait pu avoir à supporter et de ce qu'il a pu gagner autrement qu'en exerçant sa profession ; que la Cour a les éléments nécessaires pour calculer l'indemnité qu'il est juste de lui attribuer;

Par ces motifs :

Infirme le jugement interlocutoire rendu par le tribunal civil de Lyon à la date du 7 février 1894; annule l'enquête à laquelle il a été procédé en vertu de ce jugement;

Evoquant, et statuant au fond:

Condamne le syndicat des ouvriers tourneurs en cuivre de Lyon, représenté

par M. Morin, secrétaire faisant fonctions de président, à payer à Burnichon avec intérêt légal à partir de l'arrêt actuel, la somme de 2.000 francs;

Rejette toutes autres demandes, fins et conclusions des parties ;

Condamne le syndicat en tous les dépens de première instance et d'appel.

Note. La jurisprudence est définitivement fixée en ce sens : V. conf. Lyon, 2 mars 1894 (Guz. Pal. 94.2.393) et la note avec les renvois à la jurisprudence antérieure.

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Syndicat professionnel. Ouvrier. Mise à l'index.

Faute.

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Préjudice. Dommages-intérêts.

2o Dommages-intérêts. — Publication des jugements.

Congédiement.

Réparation civile.

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1° Si la loi du 21 mars 1884 a abrogé l'art. 416 C. pén. et fait ainsi disparaître le délit que cette disposition frappait de peines correctionnelles, elle n'a porté aucune atteinte à la règle génerale de l'art. 1382 C. civ.; en conséquence, le juge a toujours à rechercher, dans les circonstances de chaque espèce, si les faits dont il est saisi constituent ou non une cause de responsabilité civile.

Spécialement, un syndicat professionnel commet une faute lourde dont il est responsable en organisant contre un ouvrier auquel il reproche d'être resté dans une maison à l'index, une persécution qui a eu pour résultat de le faire congédier par son patron et de l'empêcher de retrouver du travail en lui consignant les ateliers.

2° Si les tribunaux ont, dans les cas prévus par l'art. 1036 C. pr. civ. dont les dispositions sont applicables devant toutes les juridictions, le droit d'ordonner la publication de leurs jugements dans les journaux, à titre, non de peine, mais de réparation civile envers la partie lésée, ils ne peuvent user de ce droit qu'autant que leur prescription peut être efficace et que le refus d'y obéir peut être réprimé.

Particulièrement, depuis la loi du 29 juillet 1881, qui a abrogé l'art. 19 du décret du 17 juillet 1852, les journaux, dont la propriété privée est reconnue, sont absolument libres d'insérer ou non les décisions judiciaires auxquelles ils sont étrangers alors même que le prix leur en est offert et bien que l'insertion en ait été ordonnée par la justice.

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