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« je Procureur du Roi » et, quant à ce qui est de l'extinction de l'abbaye, elle n'est pas à sa connaissance, Notre Saint Père le Pape l'ayant jointe au chapitre de Fenouillèdes. La Commission décide qu'il sera procédé à Ja vérification des limites après désignation d'experts pour le roi et pour le chapitre, à défaut de quoi experts seraient pris d'office.

Le Procureur demande délai pour informer et savoir si les experts proposés par le chapitre ne doivent pas être récusés comme suspects. Le syndic riposte disant qu'il récuse les gens de Belvis proposés comme experts pour le roi comme ayant intérêt en l'affaire à raison des usages qu'ils possèdent ès bois du Roi. Le Procureur répond que les habitants de Belvis ni autres, exceptés ceux de Quillan, n'ont aucun privilège és forêts du Roi, et que les experts proposés sont «les plus anciens << gens de bien et de qualité de tout le pays, lesquels ne voudraient pour << rien au monde dire autre que la vérité». Le lieutenant général déclare qu'on devra s'entendre sur le choix des experts, sans quoi il en désignera d'office.

Le 18 juillet, on recommence à batailler sur le choix des experts: le syndic récusant ceux de Belvis et le Procureur ceux du chapitre, le Lieutenant général propose qu'on les prenne d'office au village de Coudons où ils ne seront suspects; mais les gens de Coudons disent être trop éloignés des terres litigieuses pour en rien connaître et donner leur avis. Le Lieutenant renvoie l'affaire à un mois et décide que les parties ne pouvant convenir d'experts seront appointées en leurs faits contraires et que le syndic devra trouver dans l'instrument qu'il produit pour titre les confrontations et limites des bois qu'il prétend au lieu de Valentel. Le Procureur requiert que défenses soit faite au chapitre de continuer à couper et charbonner audit lieu jusqu'à solution de l'instance. Le Syndic répond que le chapitre est en possession et doit y demeurer jusqu'au jugement. Le Procureur se récrie et dit que Valentel est au Roi << qui y fait vente et afforestement des bois». Le lieutenant général renvoie les parties à trois jours pour produire leurs titres devant lui à Quillan, attendu qu'au lieu actuel il ne peut recevoir (sic, pour tenir) conseil.

Le 23 juillet, la Commission constate l'usurpation par le Chapitre de bois situés près des forêts du Roi, non loin du village de Rodome. Le chanoine Delisle, le trésorier du chapitre, dit que le syndic est absent; on l'invite à lui faire savoir qu'il est assigné pour le lendemain. Le lendemain, pas de syndic; le chanoine Delisle prétend au nom du chapitre la propriété du Bac de la Viguerie et du Bac de Linas, dit qu'il y a eu effectivement autrefois contestation, mais qu'une sentence des lieutenants

de grand maître précédents a adjugé propriété au Chapitre et qu'il en fournira preuves et témoignages. La Commission décide que l'affaire sera jugée dans le délai d'un mois et, en attendant, fait défense au chapitre d'occuper les bois et forêts du Roi et aucunement vexer et molester les voisins et les circonvoisins de la part du Roi à peine de mille livres d'amende.

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Le 28 juillet, le Procureur du Roi déclare que, pour juger le différend il est nécessaire de faire des relevés du Livre des Afforestements de 1545 à 1556. Comparaît alors M. Jean de Roquefort, sieur de l'Isle, Syndic du Chapitre qui, naturellement, requiert délai pour prendre connaissance de tout le discours du procès. Délai d'un mois est accordé; l'affaire est dans le sac.... aux procès.

Des autres instances engagées par la Commission réformatrice, les principales sont les suivantes :

Mazuby. - Le 22 juillet, le Procureur du Roi a assigné Archange Mercadier, abbé de Saint-Michel et seigneur de Mazuby, qui prétend à la possession du bois joignant les forêts du Roi. Bertrand Treuilhal, bailli pour ce seigneur, demande au nom de son maître délai pour produire ses titres, disant qu'il est à Barcelone et qu'il ne l'a vu depuis longtemps. Délai est accordé pour prévenir le seigneur de Mazuby aux fins de comparution à huitaine.

Le 30 juillet, le propriétaire assigné et non comparant est déclaré forclos: le lendemain, Jacques Maynier se présente pour le seigneur de Mazuby, fait opposition au jugement de la veille et........ réclame délai pour production de titres; le Procureur du Roi répond que l'opposant ne justifie d'aucun pouvoir et n'a qualité pour poser aucunes conclusions; malgré l'avis du Procureur, la Commission accorde le délai d'un mois.

Nyort. - Le 22 juillet, est appelée également la cause de Jean de Nyort, seigneur d'Auzinhac, contre lequel le Procureur du Roi conclut à 500 livres d'amende pour les faits relatifs aux empiétements et défrichements du Chapitre de Saint-Paul et à pareille somme pour les usurpations par lui tentées comme tuteur des héritiers de Nyort vers leur

1. Les droits d'afforestement étaient les droits payés par les communautés ou consulats (communes ou conseils municipaux d'aujourd'hui), ou par les particuliers, ou gens de métiers: semaliers, charretiers, charbonniers, cercliers, fabricants de merrain, de jougs, timons et brancards, sabotiers et tourneurs, pour avoir le droit d'exercer soit leur droit d'usage, soit leur métier dans les forêts du Roi (Réglement du 16 septembre 1754, arrêté en Conseil pour l'Administration des forêts de la maîtrise de Quillan.) Du temps d'Henri IV, les forêts de la maîtrise de Quillan étaient les seules des Pyrénées qui donnassent quelques revenus à l'État au moyen des droits en question. (Dralet, Description des Pyrénées, tome II › page 46.)

maison d'Auzignan; l'assigné excipe de possession et jouissance immémoriale, demande délai de quinzaine pour produire ses titres, et l'obtient.

Axat. Assigné dès le 10 juillet ainsi que les principaux propriétaires de bois joignant les forêts royales, le seigneur d'Axat ne comparaît pas. Jean Turrelly qui se présente pour lui déclare que ce gentilhomme est vieux, impotent, caduc et qu'à lui impossible de venir à pied ni à cheval, reconnaît néanmoins n'avoir procuration de lui.

L'affaire revenant le 28 juillet, Jean Dax comparaît pour son oncle; le Procureur reproche au seigneur d'Axat des usurpations dans la forêt d'En-Malo disant que depuis l'année 1558 il a été mis en demeure de produire des titres à l'appui de ses prétentions et néanmoins n'a rien produit et ne produit rien encore; il requiert donc que tout ce qui a été usurpé soit remis sous la main du Roi avec défense de rentrer dans la forêt sous peine de 4.000 livres d'amende. Jean Dax répond que depuis deux cents ans son oncle et les auteurs de celui-ci possèdent les bois joignant la forêt royale avec les limites suivantes : au nord, le chemin d'Axat à Caudiès au plus près de Campérié ; à l'est, une ligne droite montant de ce point de la vallée au banc de rochers de la forêt d'EnMalo appelé Roque-Rouge; au midi, la crête des rochers en suivant toute serre jusqu'à la pointe de rochers appelée Cap-de-Bouc; le territoire ainsi délimité laisse vers Aquilon les bois du seigneur d'Axat et devers le midi la forêt du Roi. Le Procureur le conteste et persiste en ses conclusions: délai d'un mois est accordé à M. d'Axat pour fournir titres et preuves.

Belvianes. - Le 26 juillet, la Commission se transporte à Belvianes et informe au sujet des usurpations imputées au seigneur de Belvianes dans les cantons des forêts royales, limitrophes des bois par lui possédés aux lieux dits Pujol et Montagne de la Combe; Jacques Mimery, se présentant pour le seigneur de Belvianes, dit que la maison de «< sa partie » a brûlé ainsi que beaucoup de meubles et de papiers qu'elle contenait ; que, pour ce motif, on ne peut faire apparoir titres, mais qu'on a possession immémoriale et qu'on le prouvera. La Commission accorde un délai d'un mois pour faire cette preuve sous peine de forclusion.

A la fin du mois de juillet, la Commission semble arrivée au terme des recherches et informations qu'elle avait reçu mission d'exercer contre les principaux propriétaires de fiefs joignant les forêts du Roi.

Les dix premiers jours d'août sont employés à Quillan à instruire certaines menues affaires contre divers particuliers à qui sont imputées des usurpations ou exploitations en outre-passe dans les forêts de l'État:

ou d'autres litiges entre particuliers portés devant la Commission ou évoqués par elle. Le 7 août, la Commission examine les privilèges des habitants du pays de Sault et en prononce la confirmation.

Et enfin le 11 août elle quitte Quillan pour retourner à Toulouse où elle arrive le 14 août. A partir de ce moment, les instances sont aux mains des procureurs. La chicane va user de toutes ses ressources; les affaires vont s'éterniser jusqu'à la suivante réformation (1666-1673). DE SAILLY,

N° 29. LA LOI DES 23-24 NOVEMBRE 1883 ET
SES CONSÉQUENCES

Le principe posé par la loi des 23-24 novembre 1883 sur le mode de partage de l'affouage en ce qui concerne les bois de construction est essentiellement démocratique; il dérive du principe d'égalité introduit par la révolution de 1789 dans le droit français en abolissant les usages concernant le partage des bois de construction, qu'avait respectés l'article 105 du Code forestier et qui permettaient la répartition de ces bois d'après « le toisé des bâtiments », il a fait disparaître, comme le disent les auteurs du projet, « un des vieux vestiges de la féodalité, qui, ne ré<< pondant plus d'ailleurs aux besoins qui en avaient motivé la création, << était par son caractère, autant que par son origine, en opposition fla«grante avec nos mœurs, nos usages démocratiques et notre esprit « d'égalité ».

La règle prise par la loi nouvelle est absolument précise : si les bois de construction des forêts communales ne sont pas vendus au profit de la caisse communale, le partage doit en être fait suivant la forme et le mode indiqués pour le partage des bois de chauffage, c'est-à-dire par feu; tout chef de famille ou de maison ayant domicile réel et fixe dans la commune avant la publication du rôle doit recevoir part égale, quelles que soient les dimensions des bâtiments qu'il occupe. La délivrance de bois de construction, faite gratuitement ou moyennant taxe fixée par le Conseil municipal à tout habitant d'une commune en raison de besoins exprimés et justifiés par lui—, n'est désormais plus permise, nonobstant l'usage local qui avait établi ce mode de délivrance.

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N'est plus légale non plus la délivrance des arbres, après estimation à dire d'experts et paiement de leur valeur à la commune, prévue par le § 2 de l'art. 105 du Code forestier.

Part égale à chacun, a décidé la loi nouvelle, sans aucune dérogation au principe posé par elle1.

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L'Administration des forêts a porté à la connaissance du service le texte de la loi des 23-24 août 1883, modificative de l'art. 105 du Code forestier mais toutes les conséquences à tirer de cette loi ont-elles été déduites par le service forestier, dans la gestion qui lui incombe des forêts communales? Le principe d'égalité, qui est imposé à l'Administration communale dans la répartition des bois de construction, n'est-il pas violé par certaines pratiques résultant de décisions ministérielles ou de règlements administratifs antérieurs à la loi de 1883 et qui lui ont survécu; c'est ce que nous nous proposons d'examiner sommairement.

Une décision ministérielle du 15 juillet 1845 (circulaire 576 ter, ancienne série de l'Administration des forêts) a autorisé la délivrance aux communes, sur simple arrêté préfectoral, de coupes extraordinaires de bois de construction, destinées à parer à des besoins urgents tels que ceux d'incendie, d'inondations, de ruine imminente, etc. : les bois délivrés dans ces conditions sont qualifiés en style administratif « bois d'urgence »; ils sont demandés par les communes pour tels habitants qui justifient de besoins très pressants et ils sont délivrés en volume correspondant au toisé des bâtiments à reconstruire, toisé que le service des forêts vérifie même à l'occasion 2. La délivrance se fait d'ailleurs gratuitement, ou moyennant taxe fixée arbitrairement par le Conseil municipal, ou enfin après évaluation à dire d'experts.

Alors même qu'il n'y a pas lieu à délivrance de bois d'urgence, il arrive fréquemment que les communes demandent des coupes extraordinaires, des coupes d'éclaircie, des coupes de bois dépérissants, des chablis, etc., pour satisfaire, à titre gratuit ou onéreux, les besoins de tels habitants qui manifestent le désir d'édifier des constructions neuves, de faire des réparations à leurs immeubles; et le volume des coupes de l'espèce est évalué d'après le « toisé des bâtiments à construire ou à réparer ».

Avant la loi de 1883, ces coupes extraordinaires d'urgence, autorisées par arrêté préfectoral, ou les coupes de nature diverse destinées à parer à des besoins déterminés et isolés toujours, d'ailleurs proportionnées au toisé des bâtiments à reconstruire ou à réparer, étaient absolument légales.

1. Pas même pour les gens logés par l'Etat, le département ou la commune. (N. D. L. R.)

2. Dans les pays de grandes montagnes, comme les Alpes, les délivrances de bois d'urgence sont en effet fréquentes et indispensables à l'entretien des châlets et souvent même des habitations. (N. D. L. R.)

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