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des ouvriers dans leurs rapports avec la police municipale et qu'elles ne contiennent aucune disposition qui pourrait donner lieu à une contestation devant les Prud'hommes, elles ne peuvent être insérées dans cet ouvrage.

IV. DES PERSONNES ASSUJETTIES AU LIVRET.

(Arrêté du 9 frimaire an XII.)

ART. 1er. A compter de la publication du présent arrêté, tout ouvrier travaillant en qualité de compagnon ou garçon devra se pourvoir d'un livret.

Ne sont pas assujettis au livret, les journaliers, domestiques, contre - maîtres, employés (Cass. 29 février 1839). Ce même arrêt déclarait aussi exempts les apprentis; mais la loi du 22 mars 1841, sur le travail des enfants dans les manufactures, art. 6, a changé cet état de choses, en prescrivant pour eux un livret d'une nature spéciale (V.p. 147).

Il n'est pas douteux que les femmes doivent être, comme les hommes, tenues d'avoir un livret.

Y sont encore assujettis, par des lois particulières, les ouvriers qui travaillent dans les mines, et les gens de mer, à qui il sert de passeport.

V. DES MENTIONS A INSCRIRE DANS LE LIVret.

ART. 2. Ce livret sera en papier libre, coté et paraphé, savoir: à Paris, Lyon et Marseille, par un commissaire de police, et dans les autres villes par le maire ou l'un de ses adjoints. Le premier feuillet portera le nom de la municipalité, et contiendra le nom et le prénom de l'ouvrier, son âge, le lieu de sa naissance, son si

gnalement, la désignation de sa profession et le maître chez lequel il travaille (1).

Le patron ne doit point inscrire sur le livret de ses ouvriers dont il est mécontent des notes défavorables, sous le rapport des mœurs, de la conduite ou de la probité. Si l'un de ses ouvriers lui est suspect d'infidélité ou s'est livré à des manœuvres tendant à désorganiser ses ateliers, il est libre de le traduire devant les tribunaux, seuls juges en pareille matière. Mais rien n'empêche de délivrer des congés favorables (Circulaire du ministre de l'intérieur du 20 avril 1807).

Des dommages-intérêts sont dus à l'ouvrier sur le livret duquel une mention défavorable aurait été mise.

VI. DU VISA.

ART. 3. Indépendamment de l'exécution de la loi sur les passeports, l'ouvrier sera tenu de faire viser son dernier congé par le maire ou son adjoint, et de faire indiquer le lieu où il se propose de se rendre. Tout ouvrier qui voyagerait sans être muni d'un livret ainsi visé sera réputé vagabond, et pourra être arrêté et puni comme tel.

Le vagabondage est puni de trois à six mois d'emprisonnement (Code pénal, art. 270 et suiv.). Du reste, cet article ne peut se rapporter qu'à un voyage pour changer de domicile, et non à un voyage pour affaires.

(1) Par l'arrêté du 19 ventôse an XII, cet article est rendu applicable aux villes dans lesquelles il est établi des commissaires généraux de police.

VII. DE L'INSCRIPTION DES CONGÉS D'ACQUIT.

ART. 4. Tout manufacturier, entrepreneur et généralement toutes personnes employant des ouvriers, seront tenus, quand ces ouvriers'sortiront de chez eux, d'inscrire sur leurs livrets un congé portant acquit de leurs engagements, s'ils les ont remplis. Les congés sont inscrits sans lacune à la suite les uns des autres; ils énoncent le jour de la sortie de l'ouvrier.

Quoique l'article dise que le congé portera acquit des engagements, le fabricant qui renvoie ou ne peut plus occuper un ouvrier débiteur d'avances, a le droit d'énoncer sur le livret le montant et la cause de la dette, pour que le second patron et les subséquents puissent opérer la retenue prescrite.

Des avances faites en commun à un père et à ses enfants majeurs, travaillant dans le même atelier, n'entraînent pas la solidarité; elles se divisent en parts égales, conformément au principe que les avances sur salaires sont faites au travail que l'ouvrier s'est engagé d'exécuter, et non à l'ouvrier même.

VIII. DE L'INSCRIPTION DU JOUR DE L'ENTRÉE CHEZ LE PATRON.

ART. 5. L'ouvrier sera tenu de faire inscrire le jour de son entrée sur son livret, par le maître chez lequel il se propose de travailler, ou, à son défaut, par les fonctionnaires désignés en l'art. 2 et sans frais, et de déposer le livret entre les mains de son maître, s'il l'exige.

Le fabricant qui a reçu le livret d'un ouvrier

est tenu de l'occuper ou de lui payer une indemnité qui sera d'un jour, de huit jours ou d'un mois, d'après la profession et les usages.

IX. DU REFus de remise du livret.

ART. 6. Si la personne qui a occupé l'ouvrier refuse, sans motif légitime, de remettre le livret ou de délivrer le congé, il sera procédé contre elle de la manière et suivant le mode établi par le titre V de la loi du 22 germinal. En cas de condamnation, les dommages-intérêts adjugés à l'ouvrier seront payés sur-le-champ.

Dans le cas de chômage, de refus de travail ou de non-paiement du salaire, l'ouvrier a le droit de se faire remettre son livret revêtu du congé d'acquit, sauf au patron, s'il lui est dû, de faire mention de la dette sur le livret, et d'en poursuivre le paiement contre le patron chez lequel entre l'ouvrier. En cas de refus de remise, l'ouvrier peut exiger le paiement de son salaire ordinaire, comme s'il avait travaillé.

Lorsque le patron est condamné à remettre à l'ouvrier son livret, le Conseil peut ordonner qu'en cas de refus, le jugement tiendra lieu de livret; si la levée du jugement n'est pas nécessaire pour faire exécuter d'autres condamnations, le Conseil peut donner au secrétaire l'autorisation de délivrer à l'ouvrier un certificat qui tiendra lieu d'un livret provisoire.

Le juge peut même condamner le patron à une indemnité en cas de refus, et cette indemnité peut être d'autant plus forte que l'ouvrier tient davanfage à son livret, soit par les certificats d'acquit, soit par les bons témoignages qui y sont mentionnés.

La loi du 22 germ. an XI, titre 5, dont parle l'article, renvoie la connaissance des refus de délivrance de livret au préfet de police à Paris, aux commissaires généraux de police dans les villes il y en a d'établis, aux maires et adjoints dans les autres lieux. Depuis l'établissement des Conseils de prud'hommes, il n'est pas douteux qu'ils ne soient compétents pour en connaître.

X. DES CAS OU LE PATRON PEUT RETENIR LE LIVRET.

ART. 7. L'ouvrier qui aura reçu des avances sur son salaire ou contracté l'engagement de travailler un certain temps ne pourra exiger la remise de son livret et la délivrance de son congé qu'après avoir acquitté sa dette par son travail et rempli ses engagements, si son maître l'exige.

Le patron peut retenir le livret ou refuser le congé d'acquit, entre autres, dans les cas suivants; -Si l'ouvrier à reçu des avances sur son salaire et qu'il ne les ait point encore gagnées;-s'il doit pour malfaçons constatées ou pour une condamnation dont le maître est civilement responsable;-si le temps qu'il s'est engagé à donner n'est pas encore expiré;-si d'après l'usage de la profession il doit un certain nombre de jours de travail avant de quitter l'atelier.

Il n'est fait aucune distinction entre l'ouvrier majeur et l'ouvrier mineur; celui-ci est tenu des mêmes obligations, d'acquitter sa dette par son travail.

Malgré l'obligation imposée à l'ouvrier d'acquitter sa dette par son travail, il n'en est pas moins libre de débattre les conditions de son travail : ainsi le patron ne peut le faire travailler à prix

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