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avait conservés. Cet ordre de choses fut enfin détruit par l'Assemblée constituante (Loi du 17 mars 1791); et la loi du 17 juin 1791, en consacrant l'anéantissement de toute corporation du même étal et profession, ajouta les dispositions prohibitives les plus fortes et les plus propres à en empêcher la renaissance. Cependant, au milieu de cette indépendance, naquirent beaucoup de désordres et d'abus; on sentit que cette liberté absolue des professions avait aussi ses dangers : la Convention exigea des conditions de solvabilité, de moralité, d'aptitude pour certaines professions civiles et commerciales; et l'Empire, qui sut rétablir l'ordre en toutes choses, donna aux industries les plus importantes une juridiction spéciale.

On pourrait cependant faire remonter l'origine des Conseils de prud'hommes à la loi du 16 août 1790. Le titre III, relatif à l'établissement des Justices de paix, portait qu'il y aurait dans chaque canton un Juge de paix et des Prud'hommes assesseurs du Juge de paix. Ce tribunal connaissait <«< du paiement des salaires des gens de travail et de l'exécution des engagements respectifs des maîtres et de leurs gens de travail.» Le germe contenu dans cette loi fut seize ans à se développer.

Ce fut lors d'un voyage à Lyon que l'Empereur conçut le projet de l'Institution; il la promit aux fabricants deces magnifiques soieries, chef-d'œuvre de notre industrie nationale, et la loi du 18 mars 1806 acquitta sa promesse, en créant pour la ville de Lyon, et pour ses fabriques de soieries spécialement, une sorte de magistrature paternelle, qu'on appela Conseil de Prud' hommes, du nom qui désignait autrefois, dans certaines localités les officiers municipaux, dans d'autres les juges, dans presque toutes les experts que leur probité, leur sagesse, leurs connaissances spéciales recommandaient à la confiance de leurs concitoyens et des

tribunaux (Voyez MOLLOT, Compétence des Conseils de Prud' hommes, et Hippolyte DIEU, Moniteur des Conseils de Prud'hommes).

La même loi, généralisant la mesure, autorise le Gouvernement, par son article 34, à établir des Prud'hommes dans les autres localités où leur présence serait nécessaire.

Bientôt l'Institution fut organisée avec soin par de nouvelles dispositions législatives (Décrets des 3 juillet 1806, 11 juin 1809, 3 août 1810 et 1er avril 1811), et le Gouvernement en dota successivement un grand nombre de villes de fabriques.

Ce ne fut qu'en 1844, par l'ordonnance du 29 décembre, que l'Institution fut introduite dans la capitale; un seul Conseil, celui des Métaux, fut d'abord formé à titre d'essai et d'expérience. Des ordonnances du 9 juin 1847 établirent les trois autres Conseils des Tissus, des Produits chimiques et des Industries diverses, et étendirent la juridiction des Prud'hommes à tout le département de la Seine.

II. ORGANISATION.

Jusqu'à la Révolution de Février, les Conseils n'étaient composés que de patrons, chefs d'atelier et ouvriers patentés; l'Assemblée constituante, par son décret du 27 mai 1848, y introduisit les ouvriers et changea le mode d'élection, la composition et l'organisation des Conseils et des bureaux. Le nombre des membres est au minimum de 6 et au maximum de 26, et toujours en nombre pair. Le nombre des Prud'hommes ouvriers est toujours égal à celui des Prud'hommes patrons. A Paris, chaque Conseil est composé de 26 membres, 13 pas

trons et 43 ouvriers.

Dans les localités où les conditions de la fabrication mettent en présence trois intérêts distincts, les Conseils sont divisés en deux chambres, com

posées, l'une de Prud'hommes ouvriers et de Prud'hommes chefs d'atelier, l'autre de Prud'hommes chefs d'atelier et de Prud'hommes marchands-fabricants (Décret du 6 juin 1848).

Sont électeurs, tous les patrons, chefs d'atelier, contre-maîtres, ouvriers, compagnons, âgés de vingt-et-un ans et résidant depuis six mois au moins dans la circonscription du Conseil des prud'hom

mes.

Sont éligibles, tous les patrons, chefs d'atelier, contre-maîtres, ouvriers, compagnons, âgés de vingt-cinq ans, sachant lire et écrire, et domiciliés depuis un an au moins dans la circonscription du Conseil.

Ne peuvent être électeurs ni éligibles, les étrangers, les faillis non réhabilités, toute personne enfin qui aurait subi une condamnation pour un acte contraire à la probité.

Les contre-maîtres, chefs d'atelier et tous ceux qui depuis plus d'un an paient la patente et occupent un ou plusieurs ouvriers, votent dans l'assemblée des patrons. Les chefs d'atelier et les contremaîtres peuvent être élus à la prud'hommie, sans toutefois qu'ils puissent former plus du quart des membres du Conseil.

Les patrons et les ouvriers qui veulent concourir aux élections doivent réclamer leur inscription à leurs mairies respectives sur la liste des électeurs. Ils sont tenus de constater leur âge et leur résidence; les patrons doivent en outre justifier qu'ils paient la patente depuis plus d'un an, les contremaîtres et ouvriers qu'ils sont reconnus comme tels. Pendant les huit jours à partir de la publication de la liste, s'il s'élève des réclamations sur sa composition, elles sont reçues à l'Hôtel-de-Ville; le préfet statue.

Les patrons et les ouvriers convoqués séparément désignent dans leurs catégories respectives

un nombre de candidats triple de celui des membres à nommer; dans les huit jours qui suivent cette désignation, les patrons et les ouvriers convoqués de nouveau procèdent séparément et sur la liste des candidats présentés, les patrons à l'élection des Prud'hommes ouvriers, et les ouvriers à l'élection des Prud'hommes patrons.

Les Prud'hommes sont renouvelés par tiers tous les ans; les Prud'hommes sont rééligibles; le renouvellement des deux premières années se fait par la voie du sort et ensuite à raison de l'ancienneté de la nomination.

La présidence est alternativement déférée par voie d'élection à un patron et à un ouvrier; elle dure trois mois; elle donne voix prépondérante. -Les patrons élisent le président ouvrier, et les ouvriers élisent à leur tour le président patron.Les règles qui précèdent sont applicables à la viceprésidence.

Un secrétaire et un commis-secrétaire sont attachés au Conseil ; ils font l'office du greffier et des commis-greffiers des tribunaux. Ils sont nommés par le Conseil à la majorité absolue des suffrages; ils peuvent être révoqués, mais seulement par une majorité des deux tiers au moins de tous les Prud'hommes.

Le local nécessaire aux Conseils, pour la tenue de leurs séances, est fourni par les villes où ils sont établis; ces villes pourvoient également tant aux dépenses de premier établissement et d'entretien, qu'aux dépenses annuelles de chauffage, éclairage et autres menus frais, ainsi qu'au traitement des secrétaires et autres employés.

Le Conseil nomme un ou deux huissiers qui ont mission d'assister aux audiences de jugement et d'exécuter les actes qui tiennent à sa juridiction. L'opposition, emportant citation à la première audience, doit être faite par l'huissier du Conseil,

qui seul, d'après les articles 30 et 32 du décret du 11 juin 1809, a le droit de citer devant les bureaux des Prud'hommes.

III. ATTRIBUTIONS ET COMPÉTENCE.

Les fonctions des Prud'hommes consistent dans l'exercice d'une juridiction proprement dite, et dans l'exercice de certaines attributions administratives. Considérés sous le premier rapport, ils agissent tantôt comme conciliateurs, tantôt comme juges civils ou de police.

Attributions civiles. Leur juridiction s'étend sur les marchands-fabricants, entrepreneurs, chefs d'atelier, contre-maîtres, ouvriers, compagnons ou apprentis, travaillant pour des fabriques, ateliers ou chantiers situés dans le territoire pour lequel ils sont institués.

La contestation doit être relative à la branche d'industrie exploitée et aux conventions dont cette industrie a été l'objet; elle doit avoir pris naissance dans les rapports particuliers qu'ont établis l'industrie de l'ouvrier et l'usage que le patron en fait pour son commerce.

Toute contestation étrangère à l'industrie qu'ils exercent tous deux, fùt-elle relative à une autre industrie, sort de la juridiction des Prud'hommes. Les Prud'hommes sont compétents à l'égard :

10 Du commis qui a pris une part quelconque au travail de la fabrique, soit pour l'exécuter, soit pour le diriger, qui a été employé à l'enregistrement des heures de travail ou d'absence, à la distribution des matières, à la réception de l'ouvrage; 2o Du charretier et de l'homme de peine, qui ont travaillé dans la fabrique et pour ses besoins;

30 De l'ouvrier aux pièces ou à façon qui travaille chez lui sur des matières premières fournies par le fabricant;

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