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4° Du propriétaire qui entreprend par lui-même, et avec des ouvriers sous ses ordres, des constructions sur son propre terrain, et s'il se trouve dans l'un ou plusieurs des cas suivants s'il a choisi pour conduire ses travaux un tâcheron, un ouvrier non patenté, notoirement insolvable; s'il a fait tout ou partie des fournitures; s'il s'est immiscé dans la conduite des travaux, dans les conventions de salaires avec les ouvriers, et dans d'autres cas semblables qui le constituent à la fois propriétaire et entrepreneur. L'ouvrier qui a présidé aux travaux n'est réellement que son maître-compagnon, son mandataire; il n'y a plus de véritable intermédiaire entre lui et les ouvriers; le propriétaire s'est rendu leur patron.

Les Prud'hommes sont incompétents à l'égard: 1o Du propriétaire qui fait bâtir sur son terrain pour son propre compte, qui a choisi un entrepreneur sérieux, patenté, remplissant toutes les charges et obligations inhérentes à sa profession : les ouvriers n'ont d'action contre lui que dans le sens de l'article 1798 du Code civil (Voy. page 52);

20 Des artistes, peintres, dessinateurs, graveurs qui exécutent chez eux des modèles pour les fabricants: il en serait autrement s'ils travaillaient dans la fabrique à tant par jour, par mois ou à tant la pièce, ou si la matière première leur avait été fournie;

3o Des négociants qui ne font pas fabriquer;

40 Des ouvriers qui achètent la matière première et la façonnent pour la revendre ensuite avec spéculation de bénéfice sur le travail;

5o D'un agriculteur qui emploie un ouvrier sorti d'une fabrique sans avoir fait régler son livret (Cassation, 11 nov. 1834)-(Voy. page 25).

6o Des associations d'ouvriers. En se constituant, elles deviennent des associations de patrons; elles sont en conséquence justiciables des mêmes tribu

naux que les sociétés commerciales ordinaires. Une exception est faite, par décret du 5 juillet 1848, pour les associations ouvrières qui ont participé aú prêt de trois millions votés par ce décret, lequel donne compétence aux Conseils de prud'hommes.

Les Prud'hommes ne peuvent connaître d'une contestation entre deux fabricants indépendants l'un de l'autre, notamment de celle d'un fabricant de draps qui a donné à un filateur des laines à filer et qui se plaint de la manière dont elles sont filées (Cassation, 11 nov. 1834).

Ils sont incompétents même quand l'action est fondée sur le préjudice qui résulte de l'emploi sans livret d'un ouvrier débiteur d'avances (Cass. 18 mars 1846). Quelques auteurs cependant ont attribué la compétence aux Prud'hommes, lorsque le fabricant n'est pas appelé isolément, mais comme garant et responsable du préjudice causé par l'ouvrier.

Les Prud'hommes sont aussi incompétents pour connaître des contestations qui s'élèveraient entre un agent administratif et un ouvrier travaillant sous ses ordres, par exemple entre un ouvrier terrassier et un conducteur des ponts-et-chaussées dirigeant des travaux en régie: l'ouvrier doit porter plainte aux agents supérieurs ou avoir recours au Conseil de préfecture.

Ils ne peuvent s'immiscer dans la délivrance des livrets; cette attribution est exclusivement réservée aux autorités administratives (Décret du 11 juin 1809, art. 67).-Cette défense ne concerne que la délivrance par l'autorité administrative, et non les contestations qui pourraient avoir lieu entre patrons et ouvriers.

Les Prud'hommes ne peuvent prononcer dans les questions de paiement de salaire qu'autant que l'action est dirigée contre l'auteur même de la commande. L'action dirigée contre tout autre, no

tamment contre celui qui a profité des travaux, rentre dans la compétence des tribunaux ordinaires (Cass. 7 juin 1848).

A défaut de Prud'hommes, la connaissance des contestations qui s'élèvent entre fabricants et ouvriers relativement à leurs rapports de travail appartient au Juge de paix.

Attributions de police.-Tout délit tendant à troubler l'ordre et la discipline de l'atelier, tout manquement grave des apprentis envers leurs maîtres, peuvent être punis par les Prud'hommes d'un emprisonnement qui n'excédera pas trois jours, sans préjudice de la concurrence des officiers de police et des tribunaux.

De cette attribution, il résulte que les Prud'hommes peuvent connaître des dégâts et dommages causés volontairement aux propriétés mobilières des fabriques et ateliers, et de toute parole outrageante de la part du patron comme de l'ouvrier.

Attributions administratives. Considérés sous le rapport de leurs attributions administratives, les Conseils de prud'hommes sont chargés :

1° De veiller à la conservation des marques et dessins de fabrique, de concilier les différends qui pourraient naître à ce sujet, et de donner leur avis, comme arbitres rapporteurs, lorsque ces différends sont portés devant le Tribunal de commerce;

2o De constater, sur les plaintes qui leur seront portées, les contraventions aux lois et règlements, les soustractions de matières premières et autres infidélités commises au préjudice des fabricants, et d'ordonner la saisie des objets propres à constater le délit;

3o De délivrer aux chefs d'atelier un double livre d'acquit pour chacun des métiers qu'ils font travailler, afin d'y inscrire le solde de leurs salaires et leur compte des matières;

4o D'inspecter les fabriques et ateliers pour y

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recueillir et transmettre à l'administration les renseignements sur la prospérité ou la décadence de l'industrie, et de tenir un registre du nombre des métiers et ouvriers employés.

Ils constatent en outre les contraventions relatives à la loi sur les brevets d'invention, au règlement sur la guimperie, au décret sur la longueur des fils d'étoffes, à la loi sur l'altération et la supposition des noms de fabrique, à l'ordonnance sur le mode de dévidage et aux divers décrets qui concernent les marques des savons, les marques des ouvrages de quincaillerie, les lisières des draps, les draps destinés pour le commerce du Levant.

IV. PROCEDUre.

Les Conseils de prud'hommes sont divisés en deux bureaux: le bureau particulier ou de conciliation; le bureau général ou de jugement.

Le bureau particulier est composé de deux membres, dont l'un est patron et l'autre ouvrier; il tient tous les jours une séance; ses fonctions consistent à terminer les différends par des voies amiables, par la CONCILIATION.

Tout marchand-fabricant, tout chef d'atelier, tout contre-maître, tout ouvrier, compagnon ou apprenti, appelé devant les Prud'hommes, est tenu, sur une simple lettre de leur secrétaire, de s'y rendre en personne au jour et à l'heure fixés, sans pouvoir se faire remplacer, hors le cas d'absence ou de maladie; alors seulement il est admis à se faire représenter par l'un de ses parents, négociant ou marchand exclusivement, porteur de sa procuration sur timbre et enregistrée.

Les parties ne peuvent faire signifier aucune défense; elles sont tenues de s'expliquer avec modération et de se conduire avec respect; si elles ne le font point, le bureau les rappelle d'abord à

leurs devoirs, peut les condamner ensuite à l'amende avec affiches du jugement, et en cas d'insulte ou d'irrévérence grave, à un emprisonnement de trois jours au plus. L'insulte adressée par l'une des parties à l'autre est considérée et punie comme trouble d'audience.

Lorsque, après avoir entendu les parties contradictoirement, le bureau n'a pu parvenir à les concilier, il les renvoie devant le bureau général.

Si le patron ou l'ouvrier appelé devant le bureau particulier ne comparaît point, il lui est envoyé, suivant l'avis des membres composant le bureau, une nouvelle lettre du secrétaire ou une citation de l'huissier, à l'effet de comparaître soit à un autre bureau particulier, soit au bureau général.

Dans les cas urgents le bureau peut ordonner les mesures nécessaires pour empêcher l'enlèvement, le déplacement ou la détérioration des objets qui donnent lieu à une réclamation.

Le bureau général est composé à Paris de huit membres, quatre patrons, quatre ouvriers. Il se réunit une fois par semaine pour prendre connaissance des affaires qui n'ont pas été terminées par la voie de la conciliation, quelle que soit la quotité de la somme dont elles seraient l'objet. Mais les jugements ne sont définitifs qu'autant que la condamnation n'excède pas cent francs en capital et accessoires.

Les jugements, jusqu'à concurrence de 300 francs sont exécutoires par provision, nonobstant l'appel et sans qu'il soit besoin pour la partie quia obtenu gain de cause de fournir caution. Au-dessus de 300 francs, ils sont exécutoires par provision en fournissant caution, à quelque somme que puisse s'élever le chiffre de la condamnation.

Le Conseil peut ordonner une enquête, entendre des témoins, déférer le serment, ordonner le transport d'un ou de plusieurs de ses membres dans

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