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La loi 32, § 1, ff., de Legibus, décide que l'usage peut déroger aux actes de l'autorité législative.

Et, au contraire, la loi 2, Cod., quæ sit longa consuetudo, déclare que l'usage, quelque respectable qu'il soit, ne peut pas prescrire contre la raison et contre la loi.

Quelques interprètes ont cru concilier ces deux textes en disant que le premier se rapporte aux Etats, sinon purement démocratiques, du moins dans lesquels le peuple s'est réservé à lui-même et exerce par soi le pouvoir législatif, et le second aux Etats dans lesquels le peuple a délégué ce pouvoir à un monarque.

Mais ils n'ont pas fait attention que la première de ces lois avait, comme la seconde, été faite pour l'empire romain, et à une époque où, depuis très-long-temps, le peuple ne prenait plus aucune part à la législation.

D'ailleurs, la raison sur laquelle s'appuie cette première loi n'est pas moins applicable aux gouvernemens représentatifs, et même monarchiques, qu'aux gouvernemens dans lesquels le pouvoir législatif est exercé immédiatement par le peuple car, dans les uns comme dans les autres, la loi est toujours l'expression formelle ou présumée de la volonté générale. Elle en est l'expression formelle dans les Etats où le peuple la vote lui-même directement ; elle en est l'expres sion présumée dans les Etats où elle est votée par les délégués électifs ou héréditaires du peuple. Ainsi, dans les uns comme dans les autres, c'est, à proprement parler, le peuple qui fait les lois. Il peut donc les abroger dans les uns comme dans les autres.

Or, que ce soit par des paroles ou par une longue série de faits qu'il manifeste sa volonté, il importe peu. Dans l'un 'et dans l'autre cas, il use, du plus incontestable de tous ses droits, et sa volonté souveraine doit être respectée..

A

Voilà ce qu'est censé dire, ou plutôt voilà ce que dit réellement le § 1er de la loi 32, ff., de Legibus ; et sa décision est trop bien calquée sur les vrais principes, elle est trop

conforme à la saine raison, pour ne pas l'emporter sur celle du rescrit qui forme la loi 2, C., quæ sit longa consuetudo. Aussi la Cour de cassation a-t-elle prouvé, par plusieurs de ses jugemens, qu'elle regarde l'usage constant, général et uniforme, comme capable d'abroger les lois.

Mais pour que l'usage fasse ainsi cesser l'empire de la loi, il ne suffit pas qu'il soit concentré dans une partie du territoire dans lequel la loi a été originairement publiée: il faut qu'il soit commun à tout ce territoire.

Lorsqu'un usage n'est pas commun à tout le pays pour lequel la loi a été faite, il n'a pas pour lui la volonté générale du peuple: il ne peut conséquemment faire loi; et, par une conséquence ultérieure, il ne peut pas abroger une disposition législative.

La loi 32, § 1er, ff., de Legibus, n'attribue pas à des usages locaux le pouvoir de faire tomber les lois générales en désuétude : elle ne le donne qu'aux usages qui sont l'ex. pression tacite du consentement unanime du peuple. Tacito consensu omnium per desuetudinem abrogantur.

Et voilà pourquoi, par deux arrêts des 12 vendémiaire › an 9 et 11 pluviôse an 10, la Cour de cassation n'a eu aucun égard à l'usage qui s'était établi dans le ressort du ci-devant parlement de Rouen, de ne pas recevoir d'appel des sentences par défaut (1). Cet usage, contraire à l'ordonnance de 1667, était devenu, pour la ci-devant Normandie, une sorte de dogme incontestable. Cependant, parce qu'il n'était pas général, parce qu'il n'était pas commun à toutes les contrées régies par l'ordonnance de 1667, la Cour de cassation l'a proscrit en cassant des jugemens auxquels il avait servi de base. Or il est bien constant que l'usage introduit dans l'ancien ressort du parlement de Paris, d'admettre, après la huitaine, l'opposition aux jugemens rendus par défaut, faute de comparoir, ne s'était pas, à beaucoup près, étendu à toute la France.

(1) V. tome 2, page 216.

Cet usage n'a donc pas dérogé valablement, même pour l'ancien ressort du parlement de Paris, à l'art. 5 du titre 55 de l'ordonnance de 1667.

C'est donc à cet article, et non à l'usage qui le contrarie, que l'on doit s'attacher, même dans l'ancien ressort du parlement de Paris.

Le jugement du tribunal civil de Confolens, qui a fait céder la loi à un pareil usage, doit donc être annulé.

Du 25 brumaire an 11, ARRÊT de la section civile, au rapport de M. Vergès, par lequel :

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que

« LA COUR, Considérant le tribunal civil de l'ar rondissement de Confolens, département de la Charente, a admis, par son jugement du 7 messidor an 10, l'opposition formée par Masdieu et Pecoudon, quoiqu'il se fût écoul trente et un jours depuis la signification du jugement qui avai été rendu contre eux, faute de présentation; Que ce tri bunal s'est étayé d'un usage introduit au ci-devant parlemen de Paris, d'après lequel les oppositions aux jugemens rendus faute de comparoir, étaient reçues pendant trente ans; Qu'il a induit de cet usage que l'article 5 du titre 55 d de ordonnance de 1667 était tombé à cet égard en désué tude; Que cet article n'admet la voie de l'oppositio contre les jugemens rendus en dernier ressort, faute de s présenter ou faute de plaider, qu'autant que cette voie e employée dans la huitaine du jour de la signification de jugemens à personne ou domicile; Que le législateur impérieusement ordonné, par l'art. 34 de la loi du 27 ma 1791, la stricte observation de l'ordonnance de 1667 et d règlemens postérieurs;-Que le tribunal civil de l'arrondi sement de Confolens n'aurait pu invoquer un usage local particulier qu'autant que cet usage n'aurait pas été en op position avec une loi précise et formelle, faite pour la gén ralité de la France; Que, pour qu'une loi générale puis être envisagée comme étant tombée en désuétude par le no usage, il est nécessaire d'établir ce non-usage dans la gén ralité de l'Etat pour lequel la loi a été faite; - Qu'il s'

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faut bien que ce principe trouve son application relativement à l'art. 3 du titre 35 de l'ordonnance de 1667; — Qu'il est certain, au contraire, que cet article a été invariablement observé dans la plus grande partie de la France, qu'il l'a même été par le grand-conseil ; — Considérant enfin que l'art. 34 de la loi du 27 mars 1791 imposait une nouvelle obligation de suivre, à cet égard, strictement cette ordonnance, dès qu'aucun règlement postérieur ne l'avait modifiée; CASSE, etc. »

Nota. L'ordonnance de 1667, en fixant un délai fatal, et surtout un déļai très-court, pour former opposition aux jugemens par défaut, faute de comparoir, donnait lieu à de fréquens abus que le Code de procédure a su prévenir. D'abord, aux termes de l'article 156, tous jugemens par défaut contre une partie qui n'a pas constitué d'avoué doivent être signifiés par un huissier que le tribunal commet à cet effet. Ensuite l'article 159 ajoute que l'opposition à ces jugemens sera recevable jusqu'à l'exécution. Par ce moyen, on n'a plus à craindre ni infidélité dans les significations, ni surprise dans l'exécution.

COUR DE CASSATION.

Les fermiers ont-ils, comme les propriétaires, le droit de nommer, pour la conservation de leurs récoltes, un garde particulier? (Rés. aff.)

rendu

POURVOI DU MINISTÈRE PUblic.

Le commissaire du gouvernement près le tribunal criminel de la Haute-Marne s'est pourvu en cassation d'un jugement par ce tribuual, le 20 fructidor an 10, et portant anDulation d'un rapport dressé par le garde particulier du sieur Rage, fermier de la Grange, sur le motif que la loi n'accorde qu'aux propriétaires le droit de nommer des gardes particuliers pour la conservation de leur domaine.

L'art. 40 du Code des délits et des peines porte effective

ment que tout propriétaire a le droit d'avoir, pour la conservation de ses propriétés, un garde champêtre et forestier.

Mais le commissaire du gouvernement a fait remarquer que le jugement attaqué présentait une fausse interprétation de cet article; qu'il en résultait évidemment que la loi avait entendu laisser à tout individu le droit de faire veiller à la conservation de ce qui lui appartient; que le fermier est propriétaire des fruits, comme le maître est propriétaire du fonds; qu'ainsi, le premier pouvait, tout aussi-bien que l'autre, confier à la surveillance d'un garde particulier le soin de ses récoltes.

Du 27 brumaire an 11, ARRET de la Cour de cassation, section criminelle, au rapport de M. Bauchau, et sur les conclusions conformes de M. Lecoutour, avocat-général, par lequel:

« LA COUR, -Considérant qu'il est évident que l'art. 40 du Code des délits et des peines, du 3 brumaire an 4, s'applique aux fermiers comme aux propriétaires; Que le tribunal criminel de la Haute-Marne a donné à cet article un sens trop étroit, lorsqu'il a déclaré qu'il n'attribue qu'aux propriétaires et non aux fermiers le droit d'avoir et de nom mer un garde particulier; que par conséquent il a fait une fausse application de cet article ; CASSE, etc. >>

COUR DE CASSATION.

Comment doivent se régler, dans une succession ouverte depuis la loi du 18 pluvióse an 5, les droits du legitimaire, lorsqu'il y a eu une institutiou contractuelle faite par le défunt avant la publication de la loi du 7 mars 1795? ET PARTICULIÈREMENT, les légitimaires peuvent-ils, dans le cas posé, cumuler et la légitime de droit et la totalité des réserves, à l'exclusion de l'héritier institue? (Rés. aff.) LES HÉRITIERS CHASSAING, C. ANTOINE-Bernard CHASSAING. Le 21 janvier 1781, Antoine Chassaing institue Antoine

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