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et de ses affaires. Le certificat du maire de Lyon n'est donc d'aucun poids ici ; il ne peut être constitutif d'un droit quelconque; et, en fût-il autrement, il ne pourrait légalement valoir qu'à dater de l'époque où il a été délivré, c'est-à-dire du 21 frimaire an 9.

Il est prouvé, d'après ces développemens, que la demande en renvoi est mal fondée, et que c'est le cas de rétracter le jugement qui a été surpris à la religion de la Cour.

L'avocat Mailhe a soutenu, pour les défendeurs, l'inverse de ces propositions; mais comme son système a été embrassé par M. Merlin, nous nous bornerons à donner une analyse du plaidoyer de ce magistrat.

La première question qui se présente, a dit M. Merlin, est de savoir si Pullignieux a pu se pourvoir en règlement de juges, ou s'il devait attaquer, par la voie de cassation, le jugement d'appel de Toulouse.

Les art. 19 et 20 de l'ordonnance de 1737 résolvent indubitablement cette première difficulté. Il est vrai que ces mêmes articles expriment une hypothèse différente de celle de la cause; mais cette différence est dans l'espèce du plus au moins, et c'est le cas d'argumenter dans le sèns le plus absolu de la parité de principe et de ses effets. Au surplus, par le rejet que le tribunal d'appel a fait de son déclinatoire, Pulligneux s'est trouvé dans la position de celui qui aurait succombé en première instance; et, comme la voie de règlement de juges ou de renvoi aurait été ouverte à celuici ex tempore, il faut bien qu'il ait le même droit lorsque, ayant réussi devant ce tribunal, sa demande a été rejetée pour la première fois par les juges d'appel: autrement i faudrait soutenir que le succès qu'il aurait obtenu dans le principe lui serait préjudiciable et gratuitement désavantàgeux, ce qui est absurde.

Ce n'est point, au surplus, la première fois que le tribunal de cassation a jugé conformément à ces principes. Le 22 floréal an 10, il décida, dans une cause homogène, que

l'ouverture en règlement de juges était la seule voie praticable (1).

Si la demande en renvoi est justifiée par les principes de la matière, elle l'est encore par les faits sur lesquels on la fonde.

Depuis le 21 frimaire an 9, Pulligneux habite la ville de Lyon, et déclare sur les registres publics qu'il y fixe son domicile; depuis le 25 il est porté sur le rôle des impositions mobilières; il est élu notable communal; dans une procuration qu'il envoie à sa femme, il prend la qualité de rentier à Lyon; s'il écrit au sieur Berdolle, il lui témoigne qu'il lui est bien pénible de s'éloigner de ce qu'il aime le plus (sa femme et ses enfans): son intention bien prononcée était donc de quitter Toulouse.

Dès l'origine, il en transmet la connaissance à son gendre; il lui signifie la déclaration consignée le 21 frimaire dans l'une des mairies de Lyon. Ces faits ne sont point équivoques, et justifient hautement le déclinatoire. Si quelque chose doit étonner dans cette conjoncture, c'est que le tribunal supérieur n'ait point suivi l'exemple des premiers juges. Examinons le motif de son dissentiment.

L'art. 6 de la constitution de l'an 8, a-t-il dit, exige, pour exercer le droit de cité dans un arrondissement communal, un domicile acquis par une année de résidence: d'où il a conclu que, le domicile se perdant de la même manière qu'il s'acquiert, il faut une année d'absence pour perdre celui qu'on avait auparavant; appliquant ensuite la conséquence à l'espèce, il a jugé que Pulligneux n'ayant quitté Toulouse que le 1er frimaire de l'an 9, il pouvait être assigné à Toulouse jusqu'au 1er frimaire de l'an 10.

C'est là, a ajouté M. Merlin, une erreur manifeste. L'article préallégué n'est nullement applicable; il ne concerne que les droits politiques, tandis qu'il ne s'agit ici que l'exercice de droits purement civils: il suffisait donc de re

(1) V. tome 1er, page 466.

de

courir aux principes qui sont dispersés avec profusion dans le corps des lois romaines sur cette matière. Or, dans leur esprit, un seul moment d'habitation nouvelle suffit pour opérer le changement de domicile, pourvu que ce changement soit accompagné de l'intention de l'individu. Domicilium re et facto transfertur, leg. 20, ff., ad municipalem. Uno solo die constituitur, si de voluntate appareat; sine dubio est. D'Argentré, Coutume de Bretagne, art. 449.

Inutilement on s'autorise de l'opinion de Rodier, qui enseigne qu'on peut assigner pendant un an au dernier domicile de l'absent: cette doctrine ne s'applique nullement dans l'espèce. Pulligneux n'était point absent de Toulouse; son nouveau domicile était connu: or l'auteur cité ne raisonne que dans le cas où ces deux circonstances n'existeraient point.

M. le procureur-général a conclu au débouté de l'opposition.

-1

Du 12 vendémiaire an 11, ARRÊT contradictoire de la Cour de cassation, section des requêtes, au rapport de M. Cassaigne, plaidans MM. Ardenne et Mailhe, par lequel:

« LA COUR, Attendu 1o, sur la fin de non recevoir, qu'aux termes des art. 19 et 20 du titre 2 de l'ordonnance de 1737, la partie qui a été déboutée du déclinatoire par elle proposé peut se pourvoir en règlement de juges, quoique, sur l'appel, le jugement qui l'en a déboutée ait été confirmé ; qu'il résulte nécessairement de cette disposition qu'elle le peut de même, quoiqu'elle ait obtenu le renvoi devant les premiers juges, lorsque, sur l'appel, elle en a été déboutée ; qu'il n'y a, en effet, aucune raison pour qu'il n'en soit pas en ce dernier cas comme dans l'autre; qu'au contraire, au second cas comme dans le premier, la partie méconnaît également la juridiction qu'elle a déclinée, et elle se trouve réduite, par l'effet du jugement intervenu sur l'appel, au même état que si elle avait été déboutée en première instance; que, par suite, la voie du règlement de juges lui

est acquise dans l'un comme dans l'autre cas; Attendu 2o, au fond, que le changement de domicile du sieur Pulligneux était connu du sieur Berdolle et de la dame Pulligneux son épouse, avant l'introduction de l'instance; qu'on n'en peut douter, d'après la procuation donnée par le sieur Pulligneux, le 25 frimaire an 9, pour consentir au mariage de sa fille, solennisé à Toulouse, le 19 pluviôse suivant, dans laquelle il était dit demeurant à Lyon, et dont il n'est pas vraisemblable qu'ils n'eussent connaissance, non plus que d'après la lettre par lui écrite au sieur Berdolle, le 8 pluviôse même mois, dans laquelle, en lui parlant de son déplacement, il lui disait que sa séparation était pour toujours, et plus particulièrement encore à la vue du procès verbal du bureau de conciliation préparatoire de l'instance, lors duquel il paraît que la dame Auriol, femme Pulligneux, leur fit connaître légalement ce domicile, en leur représentant le certificat du maire de la division du midi de la ville de Lyon, du 21 frimaire an 9, qui le constatait; d'où il suit que le moyen pris de ce que, le domicile du sieur Pulligneux à Toulouse étant le dernier domicile qui lui fût connu, il pouvait être valablement poursuivi devant les juges de ce dernier domicile, manque dans le fait; - Attendu 3o qu'il ne paraît pas que le sieur Pulligneux eût changé de domicile pour éluder la juridiction des juges de Toulouse, et que tout indique, au contraire, que son changement de domicile était sincère: d'un côté le sieur Pulligneux, originaire de Lyon, y avait déjà habité depuis la fin de l'an 7, lorsqu'il y fixa définitivement son domicile le 21 frimaire an 9; d'autre part, après qu'il se fut ainsi fixé dans cette commune, il y fut porté dans le rôle d'impositions, compris dans la liste des votans, et il y réunit assez de suffrages pour être élu notable communal; enfin, depuis cette époque, il n'a cessé d'agir comme domicilié dans cette commune, ainsi qu'il résulte de la procuration qu'il donna, le 25 du même mois de frimaire, pour consentir au mariage de sa fille, et de la lettre par lui écrite au sieur Berdolle, le 8 pluviôse

suivant; et, loin de reprendre son habitation à Toulouse, il paraît des pièces jointes au dossier, qu'il a résilié le bail du logement qu'il y occupait; - Par ces motifs et par ceux consignés dans l'arrêt précédent, dans lesquels la Cour persiste; et attendu, d'ailleurs, que les exécutions faites provisoirement d'autorité du tribunal de première instance de Toulouse sont et demeurent nulles et pour non avenues, par l'effet de l'incompétence dudit tribunal, et au moyen du règlement de juges; - Reçoit le sieur Berdolle et la dame Pulligneux son épouse opposans, quant à la forme, envers l'arrêt du 28 floréal an 10, dont est question; faisant droit au fond, sans s'arrêter à la fin de non recevoir par eux proposée, ni à autre chose par eux dite ou alléguée, ORDONNE que ledit arrêt sera exécuté suivant sa forme et teneur, etc. »>

Nota. Voir, sur la question de domicile, les observations à la suite de l'arrêt du 22 floréal án 10, rapporté tom. 1er pag. 466.

COUR DE CASSATION.

La prescription est-elle interrompue par une citation au bureau de paix, donnée avant l'expiration du temps requis pour prescrire, si l'assignation n'a été donnée qu'après? (Rés. aff.)

SCHULTZ, C. BROU ET ORY.

Il s'agissait, dans l'espèce, d'une demande en rescision, pour cause de lésion, d'une vente d'immeubles consentie pendant le règne du papier-monnaie. La loi du 19 floréal an 6 n'accordait qu'un an, du jour de sa publication, pour l'exercice d'une action de cette nature, et le terme fatal expirait le 27 floréal an 7, lorsque, la veille, les sieurs Brou et Ory firent citer au bureau de paix Schultz leur acquéreur, pour se concilier sur la demande qu'ils se proposaient d'in tenter contre lui, à fin de rescision de la vente qu'ils luiavaient faite.

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