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loi en déclarant que les deux actes du 21 décembre 1789 réunis, présentaient des engagemens réciproques consent entre les parties y dénommées, qu'ils n'étaient révocabl que de leur consentement mutuel, sauf le cas d'inexécutio de l'une ou des deux conditions y établies, ce qui n'est poi arrivé; et en maintenant les deux actes, soit comme irrév bles et comme non révoqués, soit comme n'étant point sou mis aux dispositions de l'ordonnance des donations, de février 1751; — REJETTE, etc. »

S II.

POURVOI D'HENRY.

Le 4 mars 1795, le sieur Henry, domicilié dans le dépa tement de la Haute-Saône, avait, par un acte public, f vente à fonds perdu de la généralité de ses biens meubles immeubles au profit d'un neveu et d'une nièce.

Après son décès, arrivé en messidor an 4, ses autres veux et nièces, cohéritiers des acquéreurs, se pourvurent nullité de cette vente comme faite en fraude de leurs dro et contenant une donation déguisée. Leur prétention sembl effectivement justifiée à certains égards par cette circonsta la rente viagère réservée par le vendeur n'excédait le produit annuel des biens aliénés, toutes charges déduit

que

Les défendeurs répondaient que cette allégation était différente; qu'à l'époque de la vente, le sieur Henry étai maître de disposer de ses biens à titre gratuit, soit en fav d'un étranger, soit au profit de ses successibles; qu'ains avait pu faire d'une manière indirecte ce que la loi lui p mettait de faire directement, et qu'il était ridicule d'oppo à l'acte du 4 mars 1793 la loi du 17 nivôse an 2, qui n'e tait pas encore, et qui par conséquent ne pouvait avoir a cune influence sur les conventions légalement consomm avant sa publication.

Nonobstant cette défense, jugement du tribunal civil la Haute-Saône, qui déclare la vente nulle et sans effet,

le motif qu'elle n'était qu'une donation simulée et faite en fraude des droits des autres héritiers présomptifs.

Sur l'appel, arrêt du 28 frimaire an 9, par lequel la Cour le Besançon dit qu'il a été bien jugé.

Mais, sur le pourvoi des acquéreurs, ARRÊT de la section civile, du 5 pluviose an 11, au rapport de M. Cochard, et sur les conclusions de M. Jourde, avocat-général, par lequel:

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« LA COUR,-Après un partage d'opinions, vu la loi 36, de contrah. empt; la loi 38, tit. eod.; la loi 46, ff., loc. cond.; la loi dernière, ff., pro donat.; la loi 5, Cod., de contrah, empt. ; la loi 9, tit. eod. in fine, et l'art. 7 de la foi du 18 pluviôse an 5; Considérant 1° que, selon la pureté des principes puisés dans la sagesse des dispositions des lois romaines, toutes les simulations en général ne sont pas indistinctement frappées de l'anathème de la loi, parce qu'elle permet tout ce qu'elle ne défend pas, et qu'en matière de simulation de contrat, pour qu'elle soit jugée frauduleuse, il faut que celui qui en fait usage ait principalement pour objet d'éluder, par cette voie indirecte, la prohibition légale qui ne peut tomber que sur la chose ou la personne ; Que si, par exemple, la loi défend de disposer, à titre gratuit, d'un immeuble de telle ou telle espèce ou qualité, i elle prohibe également de pareilles dispositions entre telles ou telles il est certain personnes, dans ces que l'on pourra, deux cas, éluder, par une voie indirecte, ce qu'elle prohibe directement de la manière la plus expresse; qu'il ne sera pas permis d'emprunter le nom simulé d'une vente, ou de tel utre contrat à titre onéreux, pour légitimer, par cette apparence spécieuse, une disposition à titre gratuit qu'elle réprouve ; Que c'est dans cet unique sens que la simulation est considérée comme frauduleuse, parce qu'elle tend à soustraire la chose ou la personne à la prohibition de la loi ; Considérant 2° que cette distinction est puisée dans le exte même de la loi 38, de contrah, empt., qui distingue

le cas de la simulation permise, de celui où elle est défendue; Que telle est aussi la doctrine des auteurs les plus accrédités, et entre autre celle de Faber, qui, dans la troisième définition sur la rubrique du Code plus valere quod agitur, quam quod simulate concipitur, établit, comm maxime certaine, que contractus simulatus valet, secundum id quod actum est, si eo modo valere possit; Que Du moulin, tom. 1, pag. 443, nomb. 29, professe égalemen que non præsumitur fraus nec simulatio in eo quod ali via obtineri potest; Considérant 3° que les donation tacites, c'est-à-dire celles qui sont déguisées sous les apparences et les formes de contrats commutatifs à titre onéreux sont permises et autorisées par les lois précitées qui formen le droit commun du pays où les parties soxt domiciliées où les biens sont situés; qu'en conséquence, Jean-Baptiste François Henry, leur oncle commun, a pu disposer dans! forme d'une vente à fonds perdu, de la généralité de se biens, en faveur des demandeurs en cassation, quoiqu'ils n fussent pas ses seuls successibles, et que les défendeurs eussen un droit égal à son hérédité, parce qu'à l'époque de ladit vente, qui remonte au 4 mars 1793, nulle loi prohibitive n gênait ni n'entravait sa liberté à cet égard, et qu'il pouva alors disposer au préjudice de certains de ses héritiers pr somptifs, sans que sa disposition pût être impugnée d fraude, suivant cette maxime si connue: Multa dicunt fieri in præjudicium quæ non fiunt in fraudem; - D'où suit, de deux choses l'une, ou que la disposition devait êt soutenue comme vente, puisqu'elle en avait la forme, o comme donation tacite, puisque toutes les présomptions les conjectures tirées ex persona, ex causa et ex fact se réunissaient pour lui en imprimer les caractères et lui ‹ assurer les effets; Considérant 4° que les donations tacit ou conjecturales autorisées par les lois romaines n'ont poi été supprimées ni abrogées par l'art. 1er de l'ordonnance 1751, qui exige, pour la validité des donations entre vif

qu'elles soient reçues par des notaires, parce que, suivant la judicieuse observation de Furgole, dans son commentaire sur cet article, cette ordonnance n'a voulu seulement que régler la forme des donations expresses, et qui sont pratiquées le plus communément; parce que, d'ailleurs, ces donations sont moins l'effet de l'homme que celui de la loi qui les induit dans certaines circonstances, et parce qu'enfin elles n'ont besoin d'aucune autre formalité que celles que la loi exige; Considérant 5o que les lois nouvelles sont parfaitement d'accord sur ce point avec les lois anciennes, et qu'elles ont nécessairement supposé l'existence des donations tacites, et la possibilité de disposer de cette manière, puisque l'art. 26 de la loi du 17 nivôse an 2 révoque expressément toutes les donations à charge de rente viagère, et les ventes à fonds perdu, faites en ligne directe ou collatérale, depuis le 14 juillet 1789, preuve certaine que le législateur a rangé cette espèce de contrat dans le même ordre que la donation proprement dite; - Considérant 6 que l'art. 7 de celle du 18 pluviôse an 5, en rapportant l'effet rétroactif de la précédente, et en comprenant dans sa disposition les ventes à fonds perdu, comme les donations à charge de rentes viagères, a bien certainement entendu par-là décider que ce contrat particulier était une espèce de donation tacite ; —Considérant 7 que le tribunal d'appel de Besançon, en jugeant que la vente à fonds perdu, passée par Jean-BaptisteFrançois Henry, par acte authentique du 4 mars 1793, au profit des demandeurs, c'est-à-dire à une époque où il jouissait de la faculté légale de disposer librement de ses biens, était une donation simulée, et en l'annulant sous ce prétexte, comme frauduleuse, est farmellement contrevenu aux dispositions des lois romaines ci-dessus citées, qui permettent les donations tacites déguisées sous les apparences et les formes de contrats commutatifs à titre onéreux, lorsque, comme dans l'hypothèse, elles ne prononcent pas de prohibition, ni relativement à la chose ainsi aliénée, ni en faveur

des personnes au profit desquelles on dispose; Considé rant 8 qu'il est également contrevenn à l'art. 7 de la loi du 18 pluviôse an 5, qui, en révoquant l'art. 26 de celle du 17 nivôse an 2, qui annulait les ventes à fonds perdu, passées depuis le 14 juillet 1789, a rétabli dans leur effet primitif toutes celles qui ont été faites par acte ayant date certaine, avant la publication de celle du 17 nivôse; CASSE, etc. >>

Nota. La question a été décidée de même, depuis le Code civil, comme on le verra dans la suite de cet ouvrage. M. Grenier, Traité des Donations, pense aussi que toutes les fois que des conventions sont contenues dans un acte revêtu des formes légales, et par conséquent obligatoires, on ne peut en demander la nullité, quelques preuves qu'on offre, sur le fondement que l'acte contient une donation déguisée, lorsque, d'ailleurs, il n'y a pas d'incapacité qui eût empêché la libéralité, si on eût voulu donner ce caractère à l'acte; et il en donne cette raison bien simple, qu'on ne peut pas supposer qu'on ait agi frauduleusement, lorsqu'on pouvait donner à l'acte le caractère qu'on aurait voulu choisir. Ce jurisconsulte, après avoir invoqué, ou l'ancienne jurisprudence, les deux arrêts de la Cour de cassation que nous venons de rapporter, ajoute: « C'est dans ces idées qu'a été conçu l'article 911 du Code civil: cet article, en << disant que toute disposition au profit d'un incapable sera « nulle, soit qu'on la déguise sous la forme d'un contrat « onéreux, soit qu'on la fasse sous le nom de personnes in<< terposées, laisse supposer que, hors les cas de simulation <«<et de fraude pratiquées pour éluder la loi, on ne peut « attaquer des actes revêtus des formes légales, sur le pré<< texte qu'ils renferment des libéralités déguisées. » (Tom. 1or, pág. 392, première édition. )

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