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COUR DE CASSATION.

Les droits de ceux qui ont acquis des propriétés litteraires avant la loi du 19 juillet 1793 sont-ils réglés par cette loi? (Rés. nég.)

Au contraire, sont-ils exclusivement réglés par les lois existantes lors de la cession? (Rés. aff.)

DUCAURROY ET LENORMAND, C. BRUISSET.

Les lois anciennes accordaient un privilége perpétuel pour le débit d'un ouvrage, à l'auteur et à ses héritiers, tant qu'ils en conserveraient la propriété; mais en cas d'aliénation, elle le restreignaient à la durée de la vie de l'auteur, ou à dix années à compter du jour où ce privilége avait été conféré, si l'auteur mourait avant ce temps,

Sous l'empire de ces lois, et en 1782, l'abbé Blanchard obtint le privilége de publier et de vendre l'École des mœurs, ouvrage qu'il avait composé.

En 1783, il céda ses droits à Bruisset, et mourut en l'an 5. Dix ans étaient déjà écoulés depuis la date du privilége: ainsi, conformément aux lois anciennes, l'ouvrage tombait dans le domaine public.

Dans cette persuasion, le sieur Ducaurroy fit, en l'an 9, une nouvelle édition de l'École des mœurs, qui fut mise en vente par Lenormand.

Mais, dans l'intervalle, la loi du 19 juillet 1793 était survenue. Elle accordait aux cessionnaires d'ouvrages littéraires des droits bien plus étendus que les lois anciennes.

Bruisset prétendit qu'elle lui était applicable, et comme propriétaire exclusif du livre, il attaqua Ducaurroy et Lenormand.

Sa prétention, rejetée en première instance, fut accueillie sur l'appel par le tribunal criminel de la Seine, le 4 ventôse an 11.

Les condamnés se pourvurent en cassation, pour fausse application de la loi du 19 juillet 1793.

Du 27 prairial an 11, ARRÊT de la Cour de cassation, section criminelle, au rapport de M. Basire, sur les conclusions de M. Lamarque, par lequel :

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« LA COUR, Vu les art. Ier, 2 et 7, de la loi du 19 juillet 1793, et l'art. 456 de la loi du 3 brumaire an 4;Attendu qu'il résulte des termes de l'art. 1er que les auteurs dont il est question sont ceux qui, à l'époque de la loi du 19 juillet 1793, étant encore propriétaires de leurs ouvrages, pouvaient jouir des droits accordés par cet article, et non ceux qui, étant antérieurement dessaisis de cette propriété d'une manière irrévocable, ne pouvaient ni vendre, ni faire vendre, ni céder ce dont ils n'étaient plus propriétaires; Attendu que ces mots leurs héritiers et cessionnaires, employés dans l'art. 2, ne peuvent s'appliquer qu'à ceux qui, postérieurement à la loi de 1793, deviendraient héritiers ou cessionnaires des auteurs dont il est question dans l'art. 1a, c'est-à-dire des auteurs qui, lors de l'émission de cette loi, étaient encore propriétaires de leurs ouvrages; Attendu que ces vérités, démontrées déjà par le texte desdits art. 1o et 2, acquièrent un nouveau degré d'évidence par la disposition contenue en l'art. 7, disposition qui aurait été complé tement superflue si l'on avait voulu, dans l'art. 2, régler pour le passé comme pour l'avenir les droits des héritiers et des cessionnaires d'auteurs; -Attendu que dans l'art. 7 il n'est question que des héritiers, et qu'on ne rend pas, comme dans l'art. 2, le bénéfice de cet art. † commun aux cessionnaires; d'où il suit que les droits des cessionnaires antérieurs à la loi de 1793 doivent être réglés, tant par les lois anciennes que par leurs titres individuels, et non par la loi de 1795; qu'ainsi, le jugement attaqué fait une fausse application cette dernière loi sous un double rapport: 1° en ce que, d'une part, il déclare Bruisset propriétaire exclusif d'un ouvrage dont l'abbé Blanchard, mort en l'an 5, lui avait cédé dès 1783 le privilége, que dès lors cet abbé ne pouvait plus

de

transmettre, ni conventionnellement, ni héréditairement, à personne; 2o en ce que, d'une autre part, il applique à Ducaurroy et Lenormand les dispositions pénales de la loi de 1793, sous prétexte qu'en l'an 9, l'un aurait imprimé et l'autre débité l'ouvrage de l'abbé Blanchard; CASSE et

ANNULLE, etc. »>

COUR DE CASSATION.

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Peut-on, sur l'appel, pretendre qu'un acte est simulé, xlorsqu'en première instance on s'était borné à en écarter l'effet, soit par des fins de non recevoir, soit par des nullités de forme? (Rés. aff.)

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Un divorce légalement prononce peut-il être attaqué par les tiers comme frauduleux et simulé ?

Ne vaut-il, à l'égard des créanciers, que comme jugement de séparation, de telle sorte qu'il ne puisse leur étre optposé qu'autant qu'il a été suivi d'une séparation effective? (Rés. aff.)

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MARIE BRANDI, C. JUDES-LARIvière.

Par un acte du 5 nivôse an 2, le sieur Goursault-Dumaze, et Marie Brandi son épouse, encore mineure, domiciliés en Poitou, ont vendu solidairement au sieur Judes-Larivière une métairie située dans la commune de Champagniat, département de la Haute-Vienne, et appartenante à Marie Brandi personnellement.-L'acquéreur a été chargé d'employer le prix à éteindre les dettes de cette dernière.

Toutefois, la vente ayant été faite sans aucune des formalités prescrites pour l'aliénation des biens des mineurs, Marie Brandi a profité de cette circonstance pour en demander la nullité. Elle a intenté cette action en l'an 3, sous l'assistance et l'autorisation de son mari; mais, bientôt après, elle l'a abandonnée vraisemblablement pour ne pas laisser son mari exposé à un recours en garantie.

En l'an 7, le mari s'est pourvu, de son propre chef, contre la même vente : il a demandé qu'elle fût rescindée pour lé

sion d'outre-moitié; mais il paraît qu'il n'a pu fournir la preuve de cette lésion : la demande est encore restée sans suite.

C'est en cet état, et à la date du 8 brumaire an 8, que le divorce des deux époux a été prononcé par consentement mutuel.

Marie Brandi s'est alors pourvue contre l'acquéreur, et a renouvelé seule, comme maîtresse absolue de ses droits, l'action en nullité qu'elle avait intentée en l'an 3, de concert avec son mari.

L'acquéreur l'a soutenue non recevable, par la raison que, suivant lui, l'acte de divorce du 8 brumaire an 8 était nul, à défaut de plusieurs formalités essentielles.

Sur ces incidens, le tribunal civil de Rochechouart avait, par un premier jugement du 8 fructidor an 8, déclaré le divorce bon et valable, et ordonné aux parties de plaider au fond. Le 14 du même mois, un second jugement, rendu par défaut, a annulé le contrat de vente du 5 nivôse an 2, et condamné Judes-Larivière à délaisser la métairie de Champagniat à Marie Brandi, à la charge, par celle-ci, de lui en restituer le prix d'après l'échelle de dépréciation du papier-monnaie. Appel de ces deux jugemens de la part du sieur Judes-Larivière devant la Cour de Limoges.

Sans abandonner les moyens qu'il avait fait valoir en première instance contre l'acte de divorce, il en a employé un nouveau. Il a soutenu que cet acte était simulé; et, pour le prouver, il a articulé deux faits, dont Marie Brandi a été forcée de convenir : le premier, que celle-ci continuait de vivre avec Goursault-Dumazé comme avant son prétendu divorce; le second, que, depuis ce prétendu divorce, elle avait passé plusieurs actes sous l'autorisation de GoursaultDumazé. Combinant ensuite ces deux faits avec les efforts que Marie Brandi et son mari avaient précédemment employés pour faire annuler la yente, il en a conclu que le divorce n'était rien moins que sérieux ; qu'il n'avait été imaginé que pour créer, en faveur de Marie Brandi, un prétexte d'atta

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r de nouveau le contrat du 5 nivôse an 2; qu'ainsi, même supposant le divorce valable dans la forme, Marie Brandi 'ait toujours être déclarée non recevable.

Marie Brandi a combattu ce nouveau moyen, et par une de non recevoir, comme présentant une demande noule, par conséquent comme étant hors de la sphère des voirs de la Cour d'appel, et comme mal fondé en soi. Jn arrêt du 26 messidor an 9 a infirmé les deux jugemens première instance, en déclarant Marie Brandi non recele, quant à présent, dans sa demande. Les motifs ont été amment 1° que deux époux qui continuent de vivre enable, qui contractent ensemble, qui réunissent leurs soins ir l'administration de leurs biens, ne peuvent pas être posés avoir véritablement l'intention de rompre le lien les unissait; 2° que, suivant l'art. 11 du § 3 de la loi du septembre 1792, tout acte de divorce est sujet aux mêmes malités d'enregistrement et de publication que l'étaient les semens de séparation; 3° que le divorce ne doit produire, égard des créanciers des époux, que les mêmes effets que oduisaient les séparations de corps et de biens; et que, mme la réunion des époux qui avaient été séparés de corps de biens faisait cesser l'effet de cette séparation, il suffisait e Marie Brandi continuât de vivre avec Goursault-Dumazé, ur qu'il ne lui fût pas permis d'opposer à un tiers l'acte de vorce qu'elle employait, quand même le divorce serait ailleurs valable par rapport aux deux époux. Pourvoi en cassation de la part de Marie Brandi, qui a oposé deux moyens. »

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Le premier était tiré de l'art. 7 de la loi du 3 brumaire an , qu'elle prétendait avoir été violé, en ce que la Cour d'apel de Limoges, en jugeant le divorce simulé, avait accueilli ne demande dont les juges de première instance n'avaient jas été saisis, demande qui, par conséquent, était nouvelle, t sur laquelle il était interdit au juge supérieur de statuer.Mais, comme l'observait M. le procureur-général Merlin, qui portait la parole sur le pourvoi, la demanderesse confonTome III.

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