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sa famille dans cette ville, et va à Lyon, où il déclare que son intention est de fixer son domicile.

Au mois de ventôse suivant, le sieur Berdolle son gendre, et la dame son épouse, citèrent le sieur Pulligneux père devant le juge de paix de Toulouse, pour se concilier sur la demande relative aux obligations énoncées au contrat de mariage.

La dame Pulligneux mère, comparaissant pour son époux, décline la compétence.

Citation devant le tribunal de première instance, où les demandeurs présentent requête à fin d'exécution provisoire du contrat de mariage. Sur l'ordonnance conforme, on fait commandement, et l'on saisit les meubles du sieur Pulligneux.

Celui-ci forme opposition, et, sur le fondement de l'incompétence, demande la nullité de la saisie, avec dommages et dépens.

La défense du père triomphe devant les premiers juges. Sur l'appel, au contraire, le tribunal supérieur réforme, et renvoie les parties devant celui de première instance.

Le sieur Pulligneux se retire alors vers la section des requêtes de la Cour de cassation, et obtient, par forme de règlement de juges, son renvoi devant les juges de Lyon.

Ce jugement ayant été rendu en l'absence de Berdolle et de son épouse, ils se sont empressés d'y former opposition. Le sieur Pulligneux, a dit Me Ardenne pour les opposans, est non recevable et mal fondé dans sa demande en règlement de juges.

Il est non recevable: car, dans cette matière, pour qu'il y ait lieu à invoquer cette mesure extraordinaire, il faut que le demandeur en déclinatoire ait tout à la fois été débouté de sa demande en renvoi par le tribunal de première instance et par les juges d'appel. C'est la disposition précise des art. 19 et 20 du titre 2 de l'ordonnance de 1737.

Après avoir introduit, par le premier de ces deux articles

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cette facuté en faveur de la partie qui a proposé l'incompépétence, l'article suivant ajoute: Cette disposition aura lieu encore que, sur l'appel interjeté de la sentence qui l'en a débouté, ladite sentence ait été confirmée par arrêt. Cette disposition est aussi claire que précise.

Mais est-ce bien dans cette catégorie que se trouve le sieur Pulligneux? Non, sans doute: il avait réussi à faire admettre son déclinatoire par les premiers juges, et ce n'est qu'en cause d'appel que son exception a été rejetée. Il n'y a donc manifestement aucune parité entre les deux cas; les hypothèses sont tout-à-fait dissemblables: il n'y avait donc point lieu d'invoquer la disposition des articles préallégués. La seule voie qui était ouverte à l'adversaire était celle de la cassation, și tant est qu'il eût à se plaindre de quelque violation.

On a opposé que, puisque par les articles de l'ordonnance la faculté de solliciter le renvoi était accordée au demandeur “en déclinatoire qui avait succombé dans deux juridictions, elle devait l'être à fortiori à celui qui n'avait vu rejeter son exception que par une seule.

Cet argument, a dit le défenseur, n'est point concluant; on ne doit point raisonner par analogie lorsqu'il s'agit de lois positives: la législation a son cercle défini, sa sphère, dont on ne peut arbitrairement étendre la circonférence. Au surplus, il serait facile de prouver qu'il n'y a aucune analogie entre les deux cas.

Car, comme l'autorité dont la Cour de cassation est investie ne s'étend point au delà du tribunal d'appel, à moins que les juges de première instance n'aient jugé en dernier ressort, l'ordre des juridictions ne serait point rétabli dans le cas spécifié par l'ordonnance, si l'on cassait uniquement le jugement en dernier ressort de là la nécessité de prononcer, par forme de renvoi, afin d'atteindre, de cette manière, les juges de première instance.

Dans l'espèce présente, au contraire, cette raison n'existe point: il suffit de casser le jugement d'appel, s'il renferme

quelque contravention, et l'ordre des juridictions cesse d'être interverti,

Cette première proposition démontrée, il reste à prouver que l'adversaire est mal fondé.

Le sieur Pulligneux est habitant de Toulouse; il y a tout ce qui forme le caractère distinctif du domicile : sa femme, sa famille, ses affaires, ce que la loi, en un mot, a signalé et envisagé comme tel. In eodem loco singulos habere domicilium non ambigitur, ubi quis larem, rerumque ac fortunarum suarum summam constituit. Leg. 7, Cod., de Incolis.

Il est allé à Lyon, sans doute; mais c'est peregrinandi causa, comme ajoute la loi, Son intention, ainsi que son cœur, l'ont constamment fixé à Toulouse, auprès de sa femme et de ses enfans. Il suffit de le considérer dans les époques qui ont suivi son départ de cette ville, pour être convaincu de cette vérité,

Le 3 niyôse an 9, la dame Pulligneux prend à Montauban une inscription hypothécaire sur le bien de son mari. Quel est le domicile qu'elle lui donne? celui de Toulouse.

Le 19 pluviôse suivant, la demoiselle Pulligneux cadette se marie; elle est désignée comme fille du sieur Pulligneux et de la dame Auriol, habitans de Toulouse: or, s'il était encore habitant de cette ville à ces deux époques, comment aurait-il cessé de l'être le 17 ventôse suivant, époque de l'assignation?

Qu'importe, après cela, qu'il ait été porté sur les registres de la ville de Lyon comme habitant de cette ville, et qu'il ait exercé des droits politiques en cette qualité, s'il est constant qu'il n'avait pu acquérir domicile par le fait, puisque, d'après la doctrine des auteurs, et notamment de Rodier, le domicile ne s'obtient qu'après la révolution d'une année. Il ne l'avait pas non plus par l'intention: car il est imposşible de supposer qu'on puisse vouloir demeurer ailleurs que là où est le siége de ses affections, dans le sein de sa famille

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et de ses affaires. Le certificat du maire de Lyon n'est donc d'aucun poids ici ; il ne peut être constitutif d'un droit quelconque; et, en fût-il autrement, il ne pourrait légalement· valoir qu'à dater de l'époque où il a été délivré, c'est-à-dire du 21 frimaire an 9.

Il est prouvé, d'après ces développemens, que la demande en renvoi est mal fondée, et que c'est le cas de rétracter le jugement qui a été surpris à la religion de la Cour.

L'avocat Mailhe a soutenu, pour les défendeurs, l'inverse de ces propositions; mais comme son système a été embrassé par M. Merlin, nous nous bornerons à donner une analyse du plaidoyer de ce magistrat.

La première question qui se présente, a dit M. Merlin, est de savoir si Pullignieux a pu se pourvoir en règlement de juges, ou s'il devait attaquer, par la voie de cassation, le jugement d'appel de Toulouse.

Les art. 19 et 20 de l'ordonnance de 1737 résolveut indubitablement cette première difficulté. Il est vrai que ces mêmes articles expriment une hypothèse différente de celle de la cause; mais cette différence est dans l'espèce du plus au moins, et c'est le cas d'argumenter dans le sens le plus absolu de la parité de principe et de ses effets. Au surplus, par le rejet que le tribunal d'appel a fait de son déclinatoire, Pulligneux s'est trouvé dans la position de celui qui aurait succombé en première instance; et, comme la voie de règlement de juges ou de renvoi aurait été ouverte à celuici ex tempore, il faut bien qu'il ait le même droit lorsque ayant réussi devant ce tribunal, sa demande a été rejetée pour la première fois par les juges d'appel autrement i faudrait soutenir que le succès qu'il aurait obtenu dans le principe lui serait préjudiciable et gratuitement désavantà– geux, ce qui est absurde.

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Ce n'est point, au surplus, la première fois que le tribunal de cassation a jugé conformément à ces principes. Le 22 floréal an 10, il décida, dans une cause homogène, que

quelque contravention, et l'ordre des juridictions cesse d'être interverti,

Cette première proposition démontrée, il reste à prouver que l'adversaire est mal fondé.

Le sieur Pulligneux est habitant de Toulouse; il y a tout ce qui forme le caractère distinctif du domicile : sa femme, sa famille, ses affaires, ce que la loi, en un mot, a signalé et envisagé comme tel. In eodem loco singulos habere domicilium non ambigitur, ubi quis larem, rerumque ac fortunarum suarum summam constituit. Leg. 7, Cod., de Incolis.

Il est allé à Lyon, sans doute; mais c'est peregrinandi causa, comme ajoute la loi, Son intention, ainsi que son

l'ont constamment fixé à Toulouse, auprès de sa femme et de ses enfans. Il suffit de le considérer dans les époques qui ont suivi son départ de cette ville, pour être convaincu de cette vérité,

Le 3 niyôse an 9, la dame Pulligneux prend à Montauban une inscription hypothécaire sur le bien de son mari. Quel est le domicile qu'elle lui donne? celui de Toulouse.

Le 19 pluviôse suivant, la demoiselle Pulligneux cadette se marie; elle est désignée comme fille du sieur Pulligneux et de la dame Auriol, habitans de Toulouse: or, s'il était encore habitant de cette ville à ces deux époques, comment aurait-il cessé de l'être le 17 ventôse suivant, époque de l'assignation?

Qu'importe, après cela, qu'il ait été porté sur les registres de la ville de Lyon comme habitant de cette ville, et qu'il ait exercé des droits politiques en cette qualité, s'il est constant qu'il n'avait pu acquérir domicile par le fait, puisque, d'après la doctrine des auteurs, et notamment de Rodier, le domicile ne s'obtient qu'après la révolution d'une année. Il ne l'avait pas non plus par l'intention: car il est imposşible de supposer qu'on puisse vouloir demeurer ailleurs que là où est le siége de ses affections, dans le sein de sa famille

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