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cer et de faire fortune, à quelque prix que ce fût, ne resta-t-il pas longtems sous cette espèce d'éteignoir pour l'industrie. Il se fit nommer membre du comité des finances; là il développa des talens qu'il a su perfectionner par la suite, de la manière, sinon la plus honnête du moins la plus lucrative; il s'attacha sur-tout à la partie du travail financier, qui lui assurait le plus de popularité, de bénéfice, et le moins de risque.

La France avait cessé de l'être; en rébellion ouverte, en guerre continuelle contre son chef légitime et ses sujets fidèles; veuve d'avance d'une grande partie de ses enfans proscrits, déshérités poursuivis au loin, le feu, le fer à la main elle n'était plus à leur égard qu'une

marâtre insatiable de leur sang et de leur dépouille. Ses représentans, qui le croirait! commandaient ces fureurs, organisaient ces revoltes, légalisaient ces spoliations, et rivalisaient de zèle, pour découvrir les moindres débris de la fortune des Condé, des d'Orléans, des Montmorency, des Richelieu et de tous les Français fugitifs, pour suivre leur souverain ou pour sauver leurs jours d'une mort inévitable.

A la tête de ces inquisitions était Fouché qui débuta dans la carrière de ses persécutions démagogiques par un rapport contre ces infortunés, dans lequel il exposait que la convention, instruite des manœuvres criminelles qu'ils employaient pour dérober leurs biens à la juste indemnité due à la nation, adoptait

entre autres mesures propres à prévenir ce délit, les suivantes, portant que les notaires de Paris, tabellions et autres officiers publics étaient tenus, sous peine d'une amende de vingt mille livres, de représenter au directoire du département, le répertoire des actes passés par eux ou leurs prédécesseurs, à compter du 1er janvier 1753, pour y être colés et paraphés par les administrateurs du directoire; qu'il ne serait ajouté foi à aucun acte, à la charge d'un émigré, qui ne serait pas porté aux répertoires, ainsi paraphé.

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Pour assurer le succès de ces mesures, en inspirant une terreur salutaire, le rapporteur proposa, et fit décréter dix années de fers, pour tout notaire qui se serait prêté à la

passation ou au contrôle d'un acte à la charge d'un émigré, d'une date antérieure à sa passation.

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Le style barbare de la rédaction de ce rapport, et le peu de familia. rité qu'avait Fouché avec le langage gothique du barreau nous font présumer que ce professeur de rhétorique était absolument étranger à ce jargon d'ancien procureur; mais il saisit avec empressement cette occasion de donner ce qu'on appellait alors le gage le plus certain de patriotisme, en signalant sa férocité contre des Français dignes, sous tous les rapports, de son respect.

Que dans un pays, trop longtems regardé comme sauvage, on pensait, on se conduisait bien autrement! Au moment où Fouché poursuivait ainsi les émigrés à six cents

lieues de leur patrie, une main bienfaisante leur prodiguait les soins que leur refusait une mère dénaturée. A la fin de 1792, le duc de Richelieu partit de Pétersbourg pour se rendre auprès du prince de Condé et lui porter la réitération des dispositions de l'Impératrice en faveur des émigrés français: Catherine II s'engageait à soutenir vivement leur cause; et dans le cas où, malgré ses efforts réunis à ceux des puis-. sances coalisées, la république française viendrait à se consolider de manière à ôter tout espoir aux princes et à la noblesse bannis de leur patrie, l'Impératrice de Russie offrait au prince de Condé, pour lui, sa famille et six mille émigrés qui étaient à sa suite, un établissement sur les bords de la mer d'Azoph,

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