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somme de 500 francs, à titre de dommages-intérêts; que, d'autre part, il sera autorisé à restituer en nature la partie restée intacte, tous frais de retour à la charge des expéditeurs; condamne Hédinger et Benzi aux dépens.

Du 10 novembre 1897. - Prés., M. GIRARD-CORNILLON, ch. de la Lég. d'Hon. Pl. MM. PLATY-STAMATY pour Hédinger et Benzi, WULFRAN JAUFFRET pour Abatut.

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Constitue un acte de concurrence déloyale qui doit être réprimé, le fait de prendre pour dénomination commerciale celle de Rôtisserie provençale de Café, alors qu'il existe dans la même ville un établissement similaire dénommé Rôtisserie marseillaise de Café.

(DUFAY, GIGANDET ET CIE CONTRE GUÉRIN ET JAYNE)

Le Tribunal de commerce de Marseille avait jugé le contraire le 15 décembre 1896 (ce rec. 1897. 1. 87.) Appel par Dufay, Gigandet et Cie.

ARRÊT

Considérant qu'en appliquant, dès le début, à l'industrie de la torréfaction des cafés qu'ils ont fondée à Marseille en 1894, la dénomination de Rotisserie, Dufay, Gigandet et Cie ont détourné ce mot de son sens usuel aussi bien que commercial; qu'il est à remarquer, en effet, qu'en inscrivant ce genre d'industrie parmi celles de la troisième classe, le décret du 3 mai 1886 les vise, non point sous le nom de « Rôtisseries» qui ne figure, d'ailleurs, nulle part sur le tableau de classement par ordre alphabétique des établissements dangereux, insalubres ou incommodes qu'il réglemente,

mais bien verbo « café », sous la seule rubrique qui leur convienne de Torréfaction en grand du café;

Que, d'autre part, il suffit d'ouvrir un dictionnaire pour se convaincre, en dehors même de toute expérience personnelle, qu'une semblable appellation désigne exclusivement la boutique du « rôtisseur », sorte de cuisinier revendeur, dont le métier consiste à faire rôtir des viandes destinées à une consommation le plus souvent immédiate;

Considérant que, sans doute, prise sous cette acception courante et vulgaire, la seule qu'elle ait dans notre langue, l'expression de Rotisserie appartient incontestablement à tous, et qu'envisagée à ce point de vue il est juste de reconnaître, avec le Tribunal, qu'elle ne peut pas plus faire l'objet d'une appropriation individuelle que les autres noms communs servant à caractériser telle ou telle industrie;

Qu'il est évident que, s'il s'agissait de part et d'autre, au procès, de celle de rôtisseur, le propriétaire d'un établissement dénommé Rôtisserie Marseillaise ne serait point fondé à se prévaloir de l'antériorité pour demander qu'il fùt interdit à son concurrent d'appeler le sien «< Rôtisserie Provençale », le terme seul de Rotisserie suffisant amplement par lui-même, comme par exemple ceux de Boulangerie, Boucherie ou Pâtisserie, à indiquer au public de la manière la plus exacte et la plus claire la nature de l'officine et de ses produits, ainsi que le genre de la profession exercée;

Mais qu'il n'en va plus de même lorsque, comme dans l'espèce, le terme employé sert à caractériser une chose tout autre que celle qu'il est destiné à exprimer grammaticalement, et que, par l'effet, soit d'une extension voulue et arbitraire, soit d'un abus de langage, soit d'une incorrection, il vient tout à coup à englober une idée qui ne s'y trouvait pas jusque-là contenue;

Qu'en ce moment on cesse d'être en présence d'une expression générique consacrée par l'usage, pour n'avoir plus devant soi qu'un vocable nouveau, impliquant la connais

sance préalable de la spécialité qu'il détermine, ou qui a besoin de recevoir son complément obligé, afin de permettre aux personnes ignorantes du changement de signification qu'on lui a infligé, d'en comprendre désormais la valeur conventionnelle;

Que le fait d'avoir imaginé cette déviation et d'être parvenu à l'imposer au public, se caractérise par une initiative propre aboutissant à une adaptation originale dont le groupement est susceptible d'attribuer à l'auteur de la conception ainsi réalisée un droit privatif sur son œuvre; qu'ayant eu les premiers la pensée d'appeler leur industrie. Rôtisserie Marseillaise de Cafe, Dufay, Gigandet et Cie ont, par suite, acquis la propriété de ce nom commercial;

Considérant que Guérin, acheteur en 1896 du matériel et de la clientèle d'une industrie similaire exploitée dans la même ville, depuis 1892, par Carles d'abord et Hygonet ensuite, et à laquelle ni ces derniers ni lui-même n'avaient jamais songé à appliquer le qualificatif de Rôtisserie, a subitement jugé utile de s'emparer de cette appellation vers le milieu de 1896 et a intitulé son établissement Rotisserie provençale de Café ou simplement Rôtisserie provençale;

Qu'il a été aidé dans cette innovation par Jayne, lequel, ayant déjà revendu pour son propre compte les cafés torréfiés de Dufay, Gigandet et Cie, avait pu constater les développements de cette maison et la faveur dont jouissaient ses produits, et qui a pris le titre d'agent genéral de la Rotisserie provençale;

Qu'en agissant de la sorte les susnommés ont manifestement cherché à faire naître une confusion entre eux et leurs concurrents; qu'il n'est pas jusqu'à l'épithète de Provençale qui, malgré la différence de consonance, ne trahisse leur dessein, par la préoccupation qu'elle révèle de laisser au produit manufacturé son cachet de provenance locale; que, d'ailleurs, en cette matière, on doit bien plus s'attacher aux similitudes et aux analogies qu'aux dissemblances derrière

lesquelles les imitateurs ne manquent jamais de s'abriter pour s'efforcer de donner le change aux tribunaux; que le fait reproché aux intimés constitue donc à la fois une usurpation de nom et un acte de concurrence déloyale qu'il convient de réprimer;

Considérant que les appelants ne justifient pas, en dehors de l'intérêt évident qu'ils ont à obtenir justice, de l'existence d'un préjudice sérieux; qu'il suffira de leur allouer, en réparation de celui qu'ils ont subi, les dépens du procès pour tous dommages;

Considérant qu'il y a lieu d'ordonner l'insertion du présent arrêt, mais en la réduisant toutefois au strict nécessaire; Par ces motifs :

LA COUR,

Faisant droit à l'appel, infirme le jugement attaqué; émendant, dit et déclare que Dufay, Gigandet et Cie sont, depuis 1894, propriétaires de la dénomination de Rôtisserie adoptée par eux dans l'enseigne de leur établissement de torréfaction de cafés et apposée sur les enveloppes de leurs produits; dit qu'en faisant usage de cette dénomination, les intimés ont commis des actes de concurrence déloyale; fait, en conséquence, inhibition à ces derniers de l'employer directement ou indirectement, avec ou sans addition; dit qu'ils seront tenus de la faire disparaître de leurs prix courants, boites, enseignes, lettres, factures et documents commerciaux généralement quelconques; les condamne conjointement et solidairement en tous les dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à l'insertion par extrait du présent arrêt dans le journal le « Petit Marseillais », sans que le coût en puisse dépasser cinquante francs; ordonne la restitution de l'amende.

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Prés.,

Du 4 novembre 1897. Cour d'Aix, 1" ch. M. MICHEL-JAFFARD, 1 prés. - Pl., MM. Fernand ROUVIÈRE (du barreau de Marseille) pour Dufay, Gigandet et Cie,

Benjamin ABRAM pour Guérin, ESTIER (du barreau de Marseille pour Jayne.

PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE.

PAR LES CONSOMMATEURS.

DÉBITANT. PRODUIT DEMANDÉ
PRODUIT DIFFÉRENT SERVI.

Le débitant qui sert à ses consommateurs, sous le nom d'un produit demandé par eux, un produit différent, est passible de dommages-intérêts vis-à-vis du fabricant du produit demandé, qui en a la propriété exclusive.

(GERMAIN CONTRE MILHAU, CRÉMIEUX ET CIE)

Le Tribunal de commerce de Marseille l'avait ainsi jugé le 5 janvier 1897 (ce rec. 1897. 1. 112.)

Appel par Germain.

ARRÊT

Considérant que le fait, par un débitant, de servir aux consommateurs un produit autre que celui qu'ils ont demandé, tout en leur laissant croire qu'il se conforme à leur désir et en profitant de la confusion que peut faire. naître dans leur esprit le plus ou le moins de similitude dans la forme du récipient qui le contient, constitue manifestement un acte de concurrence déloyale donnant ouverture à une action de la compétence des Tribunaux de commerce;

Que tel est bien celui qui est reproché par les intimés an sieur Germain, limonadier à l'Alcazar, qui, dans les soirées du 31 octobre au 3 novembre 1896, a servi à sa clientèle, sous le nom d'Orbec mousseux, qui est leur propriété exclusive, une boisson qu'ils n'ont pas fabriquée ;

Que la Cour trouve la preuve de ce fait dans un procèsverbal de saisie, qui, sans doute, n'a pas été dressé en vue

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