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rons alors attendre, fans hoftilités, la fin des négociations qui pourraient s'entamer: cette propofition est très-modérée; les intérêts mutuels qui doivent exifter entre le Piémont & la république française, me portent à defirer vivement de voir éloigner de votre pays les malheurs de toute efpèce qui le menacent."

On a déja vu que, malgré ces ouver tures, Buonaparte n'avait pas ceffé d'agir le 4, le 5, le 6, 7 & 8, & qu'alors fa pofition le mettait en mefure de tenter les expéditions les plus décifives. Les propofi tions d'une paix dont il était maître de dicter les conditions, n'avaient pu endormir fa prudence. Le 7 il reçut cette feconde. dépêche du général Colli :

"J'ai communiqué à la cour de Sardaigne, général, la lettre que vous m'avez écrite, en réponse de celle que je vous avais adreffée pour vous notifier l'envoi d'un plénipotentiaire de la part du roi à Gênes, chargé d'y faire des ouvertures de paix, & pour vous inviter, en attendant leur réfultat, à épargner l'effufion du. fang humain par une fufpenfion d'armes.

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Je fuis autorifé par fa majefté le roi à vous dire maintenant que le miniftre français à Gênes, auquel le plénipotentiaire du roi s'eft adreffé pour lesdites ouvertures de paix, lui a déclaré n'avoir, ni perfonne

à Gênes, aucune autorisation pour entrer en femblables négociations; mais qu'il falloit s'adreffer au directoire exécutif, à Paris, lequel feul en avoit le droit.

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Sur quoi le plénipotentiaire a dit y diriger fes ultérieures démarches à l'effet dont il s'agit. En attendant que par ce moyen, qui ne peut être employé à moins que d'apporter quelque délai, on puiffe arriver à une conclufion, qu'on efpère. de l'ouvrage falutaire de la paix entre les deux états, le roi, defirant toujours qu'on puiffe épargner de part & d'autre les calamités de tout genre qu'entraînent les hoftilités, n'a point hésité à donner fon confentement à ce que la fufpenfion d'armes propofée, que vous vous êtes montré difpofé d'accepter fous certaines conditions puiffe avoir lieu, & être arrêtée fans retard. En conféquence, fa majefté m'ordonne de vous déclarer qu'elle confentira à mettre en votre pouvoir deux de fes fortereffes; favoir, celles de Coni & de Tor tone, comme vous l'avez demandé, pendant que dureront les négociations dont on va s'occuper, & fuivant le mode dont on conviendra; au moyen de quoi toute hoftilité ceffera dès à préfent jufqu'à la fin desdites négociations: & au cas que, par les difficultés qui pourraient naître de la fituation actuelle de l'arinée alliée, on ne

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pût remettre, comme deffus, la place de Tortone, fa majefté s'est déterminée d'offrir, au lieu de celle-ci, la fortereffe de Defmont; qu'à l'exception de la rémiffion de ces deux places, les chofes relteront in ftatu quo, pour ce qui regarde les pays occupés par les armées refpectives, fans qu'elles puiffent outre-paffer la ligne des limites qui fera fixée refpectivemen, & le tout de la manière qui fera convenue plus fpécifiquement entre nous.

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Le lendemain 10, Coni fut remis aux mains des Français, ainfi que l'ordre pour occuper Tortone. Le 11, la citadelle de Ceva leur fut pareillement rendue. C'étaient d'indifpenfables garans de la fidélité du roi de Sardaigne à obferver les condi tions de l'armiftice, & des pronoftics de celles de la paix que la république fran çaise allait lui donner. L'occupation de ces places n'empêchait pas Buonaparte de fonger à Beaulieu, qui fuyait vers Alexandrie, dont il marqua, tout allié que fon fouverain était de celui de Sardaigne, quel que envie de fe faifir. Le commandant piémontais devina fes perfides intentions, les déjoua avec adreffe, & fauva aux Autrichiens la honte & l'odieux d'une trahi fon faite à leur allié.

Les colonnes de l'armée française le fuivalent dias fa retraite, & il jugea, pour

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couvrir le Milanais, devoir paffer le Pô à Valenza, qu'occupait un corps de cavalerie napolitaine.

Dans moins d'une décade & demie, Buonaparte avait battu deux armées, dé, taché de la coalition contre la France l'un des rois qui s'y était uni le premier, & s'y était montré l'ennemi le plus ardent: ce prince, dont la cour avait été l'afyle des frères de Louis XVI, & le foyer des intri gues des émigrés; ce prince, qui naguère avait vu fes troupes dans Toulon, au milieu de cette Provence qu'il s'était flatté d'incorporer, avec le Dauphiné & le Lyonnais, à fes états; ce prince, auquel Pitt avait prodigué l'or, & auquel les traités de Pavie & de Pilnitz avaient promis ce vaste agrandiffement, payait dans fa vieilleffe la témérité de fon ambition par la perte de plus de la moitié de fes états, & ne pouvait fe flatter d'en conferver le refte que comme un monument de la générosité de fes vainqueurs.

Dès le 10, lendemain de la fignature de l'armistice, l'armée françaife s'était mise en mouvement, & marchait vers le Pô. Maffena était arrivé à Alexandrie affez à temps pour s'emparer des magafins, que les Autrichiens, ne pouvant les évacuer auffi vite que les pofitions qu'ils abandon-naient, avaient vendus à la ville. Le 17,

Farmée d'Italie avait pris poffeffion de Tortone, dont les fortifications nouvelles coûtaient plus de quinze millions au roi de Sardaigne, & où elle trouva plus de cent pièces de canon de bronze, des munitions immenfes, & des cafemates pour trois mille hommes. Ceva & Coni avaient été également trouvées dans un état de défenfe refpectable, & très-richement approvifionnées. Ainfi la guerre nourriffait la guerre, & les fuccès fourniffaient les moyens de s'en procurer de nouveaux. La cour de Turin avait donné ordre aux troupes napolitaines de lui remettre Valenza. Les Piémontais y étant rentrés, les Napolitains paffèrent le Pô, & fuivirent Beaulieu.

Ici pouvaient fe préfenter de grands obftacles aux progrès des Français; tout dépendait de la bonne pofition que prendrait l'armée impériale pour leur difputer -le paffage du Pô. L'ordre donné aux Napolitains d'évacuer Valenza, la réferve même ftipulée par l'article 4 de l'armistice, qui donnait aux Français la faculté d'y paffer ce fleuve, tant de précautions fi publiques n'auraient pas dû fans doute Taiffer croire à Beaulieu que ce ferait vrai ment là le lieu qu'ils choifiraient pour exécuter ce paffage. Plus on donnait d'appa rence & de publicité à ce deffein, moins

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