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tagne de Vitaux en Bourgogne, par la faute d'un des postillons de MONSIEUR. Ce prince en étant informé, descendit de carrosse, fit panser le blessé sous ses yeux, et lui donna vingt louis. Avant de continuer sa route, il recommanda à un médecin de Vitaux de le soigner avec la plus grande attention et de lui en donner des nouvelles; puis il fit mettre en prison pour quelques jours le postillon qui, par sa brutalité, était cause de cet accident.

Arrivé à Toulouse, ce prince entendit d'abord la harangue du parlement; ensuite, par une distinction particulière qu'il voulut accorder aux lettres, il reçut l'hommage de l'académie des Jeux Floraux avant toute autre députation, même celle des cours souveraines. L'abbé d'Auffreri, portant la parole au nom de cette société savante, adressa à l'illustre voyageur un discours où l'on remarquait ce portrait fidèle: « C'est à l'éloquence et à la poésie à vous peindre, monseigneur, faisant, dans l'âge des plaisirs, vos plus chères délices de la retraite et de l'étude, partageant ce goût enchanteur avec l'auguste princesse dont les vertus réunies font

le bonheur de vos jours; écartant des avenues du trône la flatterie et le mensonge, y ramenant la vérité, si souvent bannie des cours; inspirant enfin, par la force de l'exemple, ce saint respect pour les mœurs, d'où dépendent la gloire des nations, et la stabilité des empires... L'orateur terminait son discours par un éloge pathétique du Dauphin, père du Roi et de ses frères. MONSIEUR s'attendrit en l'écoutant; et lorsque l'abbé d'Auffreri eut cessé de parler, il lui dit avec bonté : «Je remercie l'académie des sentimens qu'elle me témoigne ; je connaissais depuis long-temps sa célébrité : vous confirmez, monsieur, l'idée que j'avais de ce corps.» Ce prince entretint ensuite, avec la plus grande affabilité, plusieurs des savans de cette société, à qui il promit sa puissante protection.

A Sorèse, MONSIEUR fut reçu au bruit d'une musique militaire, par les élèves de l'Ecole Royale. Après avoir examiné le bassin. de Sainte-Ferréol, qui fournit des eaux au canal de Languedoc, le prince se rendit au collége, où il parcourut toutes les classes,

assista aux différens exercices des élèves, et en interrogea plusieurs. MONSIEUR alla ensuite visiter le cabinet d'histoire naturelle : tandis

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qu'il examinait une pétrification d'un cœur, un élève nommé de Montgaillard, lui dit : Monseigneur, c'est le seul cœur qui soit ici pétrifié ; tous les autres sont attendris par votre présence. » Le prince rit beaucoup de cette saillie, et embrassa l'aimable jeune homme. Il assista ensuite à leur souper: « Allons, mes amis, leur dit-il, acquittez-vous bien de cet exercice; vous avez si bien fait tous les autres. » Pendant qu'il regardait avec intérêt ces jeunes gens, le petit de Bonneval, âgé de douze ans, lui exprima le bonheur dont sa présence les remplissait : « Monseigneur, lui dit-il, à Versailles, on voit manger les princes; à Sorèse, les princes nous font l'honneur de nous voir manger. » Ce parallèle fit sourire MONSIEUR; il embrassa cet enfant avec tendresse. En quittant cette maison, il dit au directeur : « J'avais ouï parler de cet établissement, je connaissais son utilité, et je le trouve digne de sa célébrité, Dans tout mon voyage rien ne m'a plus flatté que cette école. »

Lorsque MONSIEUR fit son entrée à Marseille, cinq à six mille jeunes gens en uniforme bordaient le cours depuis la porte d'Aix jusqu'à l'hôtel où il logea. Le spectacle, la pêche, les joûtes, les manufactures, occupèrent tour-àtour les momens de ce prince. Il fut touché de l'empressement naïf des prud'hommes ou patrons pêcheurs, qui lui donnèrent une fête : il reçut de leurs mains un habit de pêcheur, en moire d'argent, semblable à celui qu'ils offrirent autrefois à Louis XIII, dans une semblable occasion.

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A Tarascon, à Nîmes, même transport de joie. Le prince arriva dans cette dernière ville en même temps que Joseph II, qui parcourait le midi de la France. Quoique le monarque étranger se plût à garder l'incognito le plus exact, partout où son rang fut connu, on s'empressa de le fêter. Voyant donc la foule · courir : « Où allez-vous? demanda-t-il à quelques hommes du peuple. Seriez-vous instruits. que l'Empereur doit passer par cette ville? -Bon! répliquèrent les Provençaux, ne sachant pas à qui ils s'adressaient, nous nous

moquons bien de tous les Empereurs du monde, quand il arrive un frère de notre Roi. »

Après avoir visité Toulon, où on lui donna le spectacle d'un combat naval, MONSIEUR Se rendit dans les états du pape, et vint à Avignon le 11 juillet. On avait construit sur les bords de la Durance, au passage du bac, une salle richement décorée, où ce prince fut reçu et complimenté par des envoyés du Saint-Père. Il alla ensuite visiter la fameuse fontaine de Vaucluse, si renommée par les amours et par les vers de Pétrarque.

Au moment de l'arrivée de l'illustre voyageur dans Avignon, toute la ville fut illuminée; une salve générale de l'artillerie se fit entendre, et il partit des différens clochers un nombre infini de gerbes de fusées. Pendant son séjour dans cette ville, MONSIEUR logea à l'hôtel du duc de Crillon. La garde bourgeoise vint lui offrir ses services : « Un fils de France, logé chez un Crillon, n'a pas besoin de gardes», répondit le prince en témoignant combien il était sensible à cette marque de zèle.

Au retour de son voyage, MONSIEUR put

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