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eux prenant la parole, dit qu'ayant su le Roi en danger, ils étaient venus pour lui faire un rempart de leurs personnes. Le Roi rendit justice à leurs nobles intentions, mais ajoutant qu'il ne pouvait rien craindre au milieu des citoyens soldats formant sa garde, il les invita à déposer leurs armes avant de se retirer. Aussitôt un grand nombre de ces fidèles sujets lui donnèrent cette dernière marque d'obéissance et de dévouement.

Louis XVI n'ignorait pas cependant qu'il se trouvait de ses ennemis jusque parmi cette garde nationale; ils étaient sans doute nombreux et bien acharnés ce jour-là, puisqu'ils ne lui épargnèrent point un outrage sanglant, lors même qu'il cherchait à les ramener par une preuve éclatante de confiance. Au lieu de la reconnaissance que méritait la noble démarche des zélés défenseurs du Roi, on les humilia en annonçant qu'ils seraient fouillés avant de sortir. Plusieurs, après avoir déposé leurs armes, se virent assaillis M. de Pienne, fils de M. Villequier d'Aumont, et premier gentilhomme de la chambre en survivance de son

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père, fut terrassé et foulé aux pieds. Le Roi eut la douleur de voir maltraiter sous ses yeux, sans pouvoir les défendre, ceux qui lui donnaient les plus touchantes preuves de leur attachement. M. Beauharnais le jeune, membre de l'assemblée nationale, déclara que député, homme d'honneur et citoyen, il ne serait fouillé que mort, et qu'on l'étendrait sur la place avant de porter la main sur lui. M. Chabert, chef d'escadre et grand'croix de Saint-Louis, ainsi qu'une foule d'autres défenseurs du trône, tinrent le même langage, et passèrent librement.

Au mois d'avril 1791, le Roi se proposa d'aller à Saint-Cloud avec sa famille, comme il y avait été l'année précédente; mais depuis cette époque, la tyrannie du peuple s'était accrue par l'impunité de toutes ses violations. de la loi. Dès le matin, la populace s'assemble aux Tuileries, elle remplit les cours du palais, et couvre tous les environs. Dès que le Roi paraît, on entend la multitude s'écrier: « Nous ne voulons pas qu'il s'éloigne, nous jurons qu'il ne partira pas. » Elle entoure les voitures,

saisit les brides des chevaux. Le maire harangue en vain ; une partie de la garde nationale refuse de faire ouvrir le passage, et Louis XVI est obligé de rentrer dans sa prison; car, après cela on ne saurait appeler autrement son palais. «Il est bien étonnant, dit ce monarque, qu'après avoir donné la liberté à la nation, je pas libre moi-même. >>

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ne sois

Un tel outrage aurait dû exciter l'indignation de l'assemblée nationale; elle demeura muette. Dès-lors, il ne fut plus possible au Roi de se faire illusion sur sa captivité, et il dut chercher à se rendre indépendant des. factieux, en s'éloignant de la capitale. Le 21 juin suivant, Louis XVI quitta secrètement son palais avec toute sa famille, et se dirigea sur Montmédy. MONSIEUR quitta en même temps le Luxembourg, et prit la route de Lille. Le roi, reconnu à Varennes, préféra se voir reconduit à Paris plutôt que de faire répandre le sang des audacieux qui osaient lui barrer le passage. L'extrême bonté de ce prince, jointe à la crainte qu'il avait d'exposer les jours de sa famille, le détermina à ménager

sans cesse les factieux acharnés à sa perte. A combien de malheurs la patrie aurait sans doute échappé, si le Roi, dégagé des entraves qui enchaînaient son autorité tutélaire, eut enfin recouvré assez de force pour arrêter les écarts où l'on entraînait une partie de la nation, faire cesser l'anarchie qui désolait le royaume, et punir les vils factieux qui ne voulaient renverser la royauté que pour asservir la France sous le joug de la plus honteuse tyrannie! Nul doute que dès lors, comme

aujourd'hui, la nation eut joui de cette sage liberté qu'il nous était réservé de ne connaître que sous le règne de Louis XVIII.

Ce prince, plus heureux que le Roi son frère, parvint aux frontières sans obstacles et sans danger. En apprenant le funeste événement de Varennes, il prit aussitôt le parti de quitter la France pour travailler avec zèle à faire recouvrer à l'infortuné monarque l'autorité qu'il n'aurait jamais dû perdre. Louis XVI lui écrivit la lettre suivante, en date du 23 juillet.

<< Il faut donc encore que mon malheur pèse

sur vous et que vous soyez une victime de la fatalité qui me poursuit! Lorsque je cherchais un asile, le repos et l'honneur des Français, je n'ai trouvé sur mes pas que la trahison, un abandon cruel, l'audace du crime et la fatalité des circonstances. Plus d'espoir de ramener les Français; plus de justification à espérer, de liberté à obtenir, de bien à faire de plein gré, de mon propre mouvement. Il y a quelques jours que j'étais un vain fantôme de Roi, le chef impuissant d'un peuple tyran de son Roi, et esclave de ses oppresseurs; aujourd'hui partageant ses fers, je suis prisonnier dans mon palais, je n'ai pas même le droit de me plaindre. Séparé de ma famille entière, mon épouse, ma sœur, mes enfans, gémissent loin de moi; et vous, mon frère, par le plus noble dévouement, vous vous êtes condamné à l'exil; vous voilà dans les lieux où gémissent tant de victimes que l'honneur appelait sur les bords du Rhin, mais que mon amour pour eux, mes ordres, ou plutôt mes pressantes invitations appelaient dans le sein de leur triste patrie. S'ils sont malheureux, dites-leur que Louis,

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