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lui demander dans autant de séries subsidiaires | Poser ces deux questions, c'est moins faire une qu'il y avait d'accusés, si du moins les mêmes première question sur le fait et une seconde sur accusés n'avaient pas commis quelques-uns des l'auteur, que faire deux questions successives de faits de nature à les constituer complices suivant même nature: l'une impersonnelle, et l'autre la loi. Combien de coupables ont été acquittés, personnelle. parce que les présidents n'ont pas compris de Continuons. Il arrive souvent qu'il faut soubonne heure que dans le système des déclara- mettre à deux épreuves successives les divers tions circonstanciées, il fallait pousser jusque-là auteurs d'un même délit, lorsqu'ils ont été con les interrogations ! nus, poursuivis ou arrêtés successivement. Demanderez-vous aux deux jurys de jugement successifs si le fait est constant? Mais vous vous exposez à deux réponses contradictoires. Le premier jury aura affirmé le fait, et le second le niera ou celui-ci affirmera le fait qui aura été nié par le premier; et alors, quel scandale et quel effroi!

Ce n'est pas tout, il est un grand nombre de crimes dont le nom exprime un point de droit, et suppose un ou plusieurs faits tel est le faux, par exemple; telle est la banqueroute. Le mot faux qualifie, d'après la loi, un ou plusieurs faits sous-entendus. Si l'on faisait au jury cette question : Y a-t-il un faux ? Le faux est-il constant? Il pourrait vous répondre : « Vous ne nous demandez pas ce que nous pouvons vous dire, et vous nous demandez ce que nous ne sommes pas censés savoir; nous pouvons bien déclarer que tel notaire, au lieu de rédiger le bail consenti par tel propriétaire, lui a fait signer un contrat de vente; mais nous ne sommes pas obligés d'affirmer que cette substitution d'un contrat à un autre constitue un faux si cette question survenait dans la direction de nos affaires personnelles, c'est à des jurisconsultes tels que vous que nous en ferions la question." Il faut donc que le président, au lieu de demander génériquement s'il y a un faux, pose autant de questions qu'il y a de faits de nature à constituer un faux, que chacune de ces questions soit la première d'autant de séries différentes. Si donc il y a sept ou huit faits et sept ou huit accusés; s'ils sont traduits en jugement pour avoir commis le faux et pour avoir fait usage de la pièce fausse; s'il faut demander au jury quels sont les auteurs et quels sont les complices; et, dans ce dernier cas, s'il faut coter plusieurs faits de nature à constituer la complicité, comment voulez-vous que l'on voyage sur cette mer sans rive et sans fond?

Nous rendons justice aux motifs qui ont porté l'assemblée constituante à exiger du jury une réponse positive sur le fait de l'accusation. On citait quelques exemples d'hommes condamnés pour des délits qui n'avaient pas existé, pour homicide, par exemple, et quelque temps après la personne prétendue homicidée avait reparu dans la contrée. L'assemblée constituante a donc voulu forcer le jury à vérifier le fait, premièrement en le forçant de faire, avant tout, une réponse positive sur une question qui n'aurait que le fait pour objet.

Cependant, ces exemples prouvaient non pas que les juges eussent omis de délibérer sur le fait, mais qu'ils l'avaient admis comme constant, quoique non prouvé. Aussi Mathieu Hale recommande-t-il non pas de commencer par délibérer sur le fait isolément, ce qui certes n'a jamais eu besoin d'être recommandé, même dans des matières moins graves, ni aux juges anglais ni aux juges français, mais de ne jamais réputer un accusé convaincu d'avoir volé les effets d'un inconnu, sur le simple motif qu'il n'indique point d'où il les tient, à moins qu'il ne soit en même temps prouvé que ces effets ont été volés. Il recommande surtout de ne jamais réputer un accusé convaincu de meurtre ou d'homicide, tant qu'on n'aura pas représenté le cadavre de l'individu que l'on suppose avoir été tué.

Ce n'est pas tout encore : la pensée ne sépare pas aussi aisément qu'on le croit le fait commis d'avec l'individu qui en est l'auteur. Ainsi, tel Français est accusé d'avoir porté les armes Depuis la loi du 16 septembre 1791, il est, contre sa patrie: demanderez-vous vaguement, pour chaque affaire, solennellement prouvé que d'abord, si un individu quelconque a porté les les jurés délibèrent sur le fait. Mais qu'est-il ararmes contre la France; si l'on a porté les armes; rivé? De deux jurys de jugement appelés à six si l'action de porter les armes a été commise? Et mois d'intervalle pour donner leur déclaration demanderez-vous ensuite si l'accusé est cet indi- sur le même fait, l'un a déclaré le fait constant, vidu qui a porté les armes? Mais il s'agit, dans le et les premiers accusés ont subi la peine de procès, de l'action imputée à l'accusé, et non nort; l'autre jury a déclaré le même fait non d'une action indeterminée ou imputée à d'autres constant, et les accusés jouissent des droits de individus; et tout est dit sur l'auteur, si le jury l'innocence. Ces contradictions sont-elles donc répond que l'action a été commise; comme tout rassurantes? et ne sommes-nous pas restés exserait dit sur le fait, si le jury avait donné cette posés au danger que nous voulions éviter? réponse unique : L'accusé est convaincu N'avons-nous pas lieu de craindre que le premier d'avoir porté les armes contre sa patrie.jury de jugement, quoiqu'il ait délibére sur le

fait isolément, l'ait déclaré constant sans preu-toire. En interrogeant le jury sur cette action, ves? Comme ces contradictions arrivent fréquem-vous faites une chose non-seulement inutile ment, n'est-il pas manifeste que la loi n'a pas mais dangereuse. Le jury niera le fait un tel rencontré ce qu'elle cherchait, et conséquemment résultat, qui offense la raison et qui a décrié qu'elle est vicieuse? parmi nous l'institution des jurés, est arrivé Pour échapper, non pas à ce danger, mais du dans des circonstances si éclatantes, qu'enfin il moins à ces scandaleuses contradictions, on pro- faut qu'il n'arrive plus. Qu'un jury, voulant sauposa au corps législatif, en l'an iv, le double ver un accusé, déclare que cet accusé n'est pas expédient qui suit Lorsqu'un premier jury coupable, cela se conçoit et ne peut étonner peraura prononcé sur le fait dont il s'agit, sa décla- sonne, surtout si l'on se reporte à une époque ration est-elle affirmative; en ce cas, on ne réi-où nulle autorité n'avait reçu le droit de faire térera pas la question sur le fait dans le second grâce: cette décision n'a d'effet qu'en faveur de procès, et l'on demandera seulement au second l'accusé acquitté; elle ne choque point l'opinion jury si les nouveaux accusés sont convaincus formée sur le crime en lui-même, et ne provoque d'avoir pris part à l'action déclarée constante personne à douter de l'évidence. par le premier jury. Que si la déclaration du Ajoutons que les juges, pour se conformer à premier jury est négative, on mettra en liberté la loi, se servent d'expressions qui ne sont pas immédiatement, ou bien on laissera sans pour-dans le dictionnaire de tous les jurés. Ainsi, dans suites toutes les personnes qui étaient accusées tel procès, vous demanderez aux jurés si l'efou prévenus d'avoir pris part à cette action dé-fraction a été commise aux clôtures extérieures clarée non constante.

Ce double moyen fut, avec raison, rejeté par le conseil des Anciens.

d'une maison habitée, et le juré entendra bien votre proposition, mais, dans tel autre procès, vous demanderez au juré, en vous servant des propres expressions de la loi, si la tentative du crime a été manifestée par des actes extérieurs. Le commissaire du gouvernement près le tribu

En effet, dans le cas d'une déclaration affirmative, faite par un premier jury, les individus mis depuis en jugement auront le droit de dire, à leurs juges : « Cette déclaration nous est étran-nal criminel du département du Lot écrivit l'higère lorsqu'elle fut donnée, nous n'étions encore ni recherchés ni poursuivis; elle ne peut donc nous nuire; et c'est nuire à nos droits que de nous priver d'un mode de jugement qui a été accordé aux personnes qui, les premières, ont été accusées du même fait. »

ver dernier au grand juge que tel accusé aurait été convaincu sur un troisième fait comme sur les deux premiers; mais, attendu que la tentative avait été commise dans l'intérieur d'une maison, les jurés déclarèrent que cette tentative n'avait pas été manifestée par des actes exté

Nous pouvons ajouter le dilemme suivant:rieurs. L'utilité d'une question sur le fait est réelle ou imaginaire; dans le premier cas, vous ne devez pas la supprimer du second procès; dans le second cas, vous devez la supprimer de tous.

Enfin, quoique la déclaration des jurés, sur le fait, ait été négative à l'égard des premiers accusés, on ne doit jamais se dispenser de mettre les autres en jugement; cette déclaration leur est étrangère et ne doit pas leur profiter. D'autre part, ce serait violer une des premières règles de toute saine organisation, et compromettre la sûreté publique, que de rendre à la société, sans épreuve, sans examen et sans jugement, des hommes qui étaient frappés de mandat d'arrêt ou d'accusation.

Il est un exemple de même espèce, dit M. Granger, qui ne sera pas oublié dans les fastes du tribunal, et dont le souvenir me presse... Vingt-quatre personnes accusées de meurtre étaient en jugement, et couraient conséquemment le risque de la peine de mort. Parmi les nombreuses questions qui furent présentées aux jurés, il en était trois, entre autres, qui consistaient à demander si tel ou tel accusé avait commis l'homicide volontairement, s'il l'avait commis avec préméditation, enfin si l'homicide était la suite d'une provocation. Croiriez-vous que de douze jurés qui vinrent successivement voter dans cette affaire, il y en eut neuf qui différemment demandèrent ce que signifiaient ces trois Si certaines déclarations sont scandaleuses mots, volontairement, provocation et préméet alarmantes, parce qu'elles sont contradic-ditation? Croiriez-vous que, dans beaucoup toires entre elles, il en est d'autres qui, consi- d'affaires, de pareilles questions nous sont jourdérées isolément, produisent d'aussi funestes ef-nellement faites? fets. Dans le plus grand nombre des affaires, le En Angleterre, lorsqu'un homme est confait a été constaté par les officiers de police avec la plus scrupuleuse attention; dans telle autre affaire, le fait est de notoriété publique, il est constant pour toute la France, pour toute l'Europe, c'est l'un des faits les plus avérés de l'his

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vaincu d'avoir brisé votre porte, et qu'on a trouvé sur lui vos effets qu'il emportait, il est condamné comme voleur. Ici nous avons, pour une question rigoureusement obligée, la bonhomie de demander s'il l'a fait dans l'intention de voler.

En Angletterre, un homme qui fait de la fausse la question relative à l'auteur; que les boules monnaie est tout simplement un faux mon- blanches sur ces deux premières questions s'adnayeur. Chez nous, ce n'est pas assez, et il faut ditionneront avec les boules blanches sur la preencore que le jury réponde qu'il l'a fait dans le mière question relative à la moralité; que les dessein du crime. D'autres auront contrefait le boules blanches sur ces trois premières questions papier-monnaie de l'État, ou la signature des mi- s'additionneront avec les boules blanches sur la nistres, des banquiers, etc. ; nous devons deman- seconde question de moralité, etc., elc, der au jury s'ils l'ont fait dans le dessein de nuire à autrui.

<< Chez nous, sur les faits les plus simples, si le procès offre des délits variés et des accusés en grand nombre, la multiplication des questions s'accroissant de la sévère anatomie des mots, en élève accidentellement le nombre à deux ou trois mille.... L'expérience nous apprend que l'action de poser les questions dans les affaires criminelles est une opération longue, abstraite, logogriphique, et tellement minutieuse, que l'homme du premier mérite ne pourra s'en bien acquitter qu'autant que l'étude particulière qu'il en aura faite aura été éclairée par plusieurs années d'exercice.... Il est actuellement au tribunal de cassation, au rapport de M. Minier, l'un des membres les plus meritants de ce tribunal, un procès dans lequel ont été posées 36,000 questions. Si le jugement rendu dans cette affaire était cassé, voyez ce qui devrait en résulter!.... (1) » Ce jugement a été cassé.

Il semble que l'on n'ait affecté de rassembler les traits de la métaphysique la plus subtile que pour les offrir aux hommes les plus simples, pour se jouer ainsi de leur droiture et ruiner l'instruction elle-même.

Nous avons sous les yeux le recueil des jugements de cassation sur les matières criminelles qui furent jugées par jurés depuis le 1er germinal an Iv jusqu'au 30 fléréal an v. Nous comptons, au total, 353 cassations.

Il y en eut 170 pour vices de formes dans la seule position des questions, c'est-à-dire la moitié moins sept.

Par la règle d'une question unique, vous obtenez, d'après les mèmes principes, le même résultat, mais avec plus de précision et sans crainte d'erreur.

Ainsi, le juré qui croira que le fait n'est pas constant, dira que l'accusé n'est pas coupable; le juré qui, trouvant que le fait est constant, croira que l'accusé n'en est pas l'auteur, dira que l'accusé n'est pas coupable; celui qui, trouvant que le fait est constant et que l'accusé en est l'auteur, croira qu'il l'a commis involontairement, dira que l'accusé n'est pas coupable; celui qui, trouvant que le fait est constant, que l'accusé en est l'auteur et qu'il l'a commis volontairement, croira qu'il y était forcé par l'indispensable nécessité de se défendre, dira que l'accusé n'est pas coupable.

Cette formule, claire et simple, convient essentiellement à l'institution du jury, « qui respire fortement la nature et l'instinct, où tout se décide par la droiture et la bonne foi, avec une simplicité bien préférable à ce vain étalage de science, à cet amas inutile et funeste de subtilités et de formes (2). »

Les jurés sont censés être le peuple ou le pays, suivant l'expression anglaise. A Rome et dans les villes grecques, les juges donnaient leur avis de l'une de ces trois manières : J'absous, je condamne, il ne me paraît pas (non liquet). « C'est que le peuple jugeait ou était censé juger, dit Montesquieu. Mais le peuple n'est pas jurisconsulte. Les modifications, les temperaments des arbitres, ne sont pas pour lui; il faut lui présenter un seul objet, et qu'il n'ait qu'à voir s'il doit condamner, absoudre, ou remettre le jugement. »

Ou ce sont, en effet, les juges criminels qui ont violé la loi, ou c'est le tribunal de cassation qui s'est trompé, ou il y a eu erreur de part et La seule loi qui ait été rendue sur cette mad'autre. Dans tous ces cas, la loi est essentielle- tière, depuis le 18 brumaire an VIII, est un rement vicieuse, puisque la plupart des tribunaux tour à la véritabe règle. L'article 6 de la loi du n'ont pas encore pu la bien comprendre ni l'exé- 12 ventôse an vIII, relative aux émigrés, veut cuter correctement. N'est-il pas temps, enfin, de que les juges fassent cette question unique aux secouer le joug d'une méthode trompeuse, inin-jurés de jugement: L'accusé est-il coupable telligible, et de faire à la simple et droite raison des jurés, comme ont toujours fait nos maîtres, cette question unique: L'accusé est-il coupable? La loi dont nous faisons chaque jour une si laborieuse application, établit avec raison que les boules blanches sur la question relative au fait s'additionneront avec les boules blanches sur

(1) Idées des abus en matière criminelle, par M. Granger. (Note de l'orateur.)

d'émigration? Nous proposons de rendre cette méthode commune à tous les procès criminels.

11. Ches les Anglais, tous les jugements par jurés, en matière civile comme en matière criminelle, sont rendus à l'unanimité; et l'on ne sait pas assez qu'en France tous les jugements par jurés, depuis bientôt six ans, sont aussi ren

(2) Rapport fait par Adrien Duport au mois de novembre 1790. (Note de l'orateur.)

dus à l'unanimité, hormis quarante jugements | forcée d'écouter les raisons bonnes ou mauenviron par an. vaises de la minorité : celle-ci ne sera donc plus obligée de voter avant que tous ses doutes aient été résolus.

L'unanimité est la seule véritable justice. Quand un accusé est acquitté à l'unanimité, tout le monde doit reconnaître qu'il n'a pas été possible de le convaincre; quand un accusé a été condamné à l'unanimité, tout le monde sent qu'il était coupable.

La simple majorité peut laisser des doutes après elle la simple majorité n'est qu'une justice extérieure et présumée; elle est insuffisante, s'il s'agit de l'honneur et de la vie des hommes. Lorsque quatre ou cinq jurés respectables, sur douze, déclarent que l'accusé est innocent, une loi qui obligerait de le condamner pourrait-elle être enregistrée au nombre des bonnes lois? Lorsque sept jurés respectables et courageux déclarent que l'accusé est coupable, une loi qui obligerait de l'absoudre ne serait-elle pas fatale à la société ?

Dans un jury bien composé (et nous avons lieu d'espérer qu'il sera mieux composé en France que dans aucun autre pays), si c'est la minorité qui cède à la majorité, les partisans de la simple majorité ne peuvent pas se plaindre d'une méthode qui, dépassant leur espoir, procure, outre le suffrage direct de la majorité, le consentement, l'accession, l'adhésion de la minorité. Si c'est la majorité qui cède, contre le cours ordinaire des choses, à la minorité, c'est que celle-ci aura convaincu celle-là; et tout le monde doit être satisfait d'une méthode qui a empêché une condamnation ou une absolution injuste.

Dans un jury en partie mal composé, la loi de l'unanimité empêche que les jurés ne vendent leurs voix. La voix de quelques jurés n'est rien; Les auteurs les plus distingués parmi ceux il faudrait acheter l'unanimité, ou du moins une qui ont écrit sur la constitution, les lois et les majorité capable d'entraîner la minorité; et c'est usages de l'Angleterre, ne parlent qu'avec ad- encore là un des bienfaits de l'unanimité. Un miration des jugements à l'unanimité. « La lé-juré peut bien s'engager à faire quelque résisgislation anglaise, dit Blackstone, attache un tance, à lancer quelques raisonnements captel prix à la vie des hommes, que nul ne peut tieux mais qui ne sait pas que les autres jurés être convaincu d'un délit capital que du consentement de vingt-quatre de ses égaux, c'est-àdire, en premier lieu, par douze grands jurés qui l'accusent, et par la totalité du petit jury qui le déclare coupable. »

Blackstone remarque quelques défectuosités dans le jury anglais, qu'il est inutile de rappeler ici; mais certainement la règle de l'unanimité n'en fut jamais une à ses yeux.

Delolme, l'un des écrivains du continent qui ont le mieux saisi l'esprit et senti la force des lois anglaises, nous dit que l'institution du jury, en Normandie, commença de bonne heure à dégénérer de sa première institution, et que l'unanimité n'était point requise dans ce pays pour le verdict....; que le voisinage de l'Angleterre n'a pu conserver en Écosse, aux jugements par jurés, leur ancienne et vraie forme, et que l'unanimité des jurés n'y est point requise à former un verdict (1).

lui répondraient, qu'ils tiendraient bon, et le feraient rougir de sa partialité. Le public, qui a assisté à l'examen, et qui toujours a formé son jugement, saurait enfin qu'un homme vénal ou mauvais citoyen a tenu le jury en échec; et voilà cet homme ruiné de réputation. Désormais s'il reparaissait au nombre des jurés, il serait récusé par le ministère public, et c'est ainsi que toutes les parties de l'institution se secourent mutuellement.

Voulez-vous que les accusés soint jugés par la seule raison des jurés? soyez en garde contre les passions, les caprices, l'entètement, l'amourpropre; les caprices, les bizarreries, l'amourpropre, viennent échouer contre la loi de l'unanimité."

Il faut, dans les affaires importantes, plus de courage encore que d'intelligence; et la loi est mauvaise lorsqu'elle ne prend aucune précaution contre la pusillanimité de ceux qui sont chargés de la faire exécuter : que de grands coupables sont restés impunis, parce que quelques hommes n'ont trouvé assez de force ni en euxmêmes, ni dans le ressort de la loi, pour les

Les juges, il est vrai, n'obtiennent pas toujours en Angleterre cette unanimité que nous pourrions appeler simultanée; mais cela fait qu'il y a quelque fois une discussion antérieure dans la chambre des jurés, et qu'elle est toujours pous-poursuivre ou pour les condamner! Sous ce rapsée aussi loin qu'elle peut aller, soit pour, soit contre l'accusé. Il le faut bien, puisque rien ne peut se faire sans unanimité; et c'est déjà un des bienfaits de l'institution. La discussion ne sera donc pas tronquée; la majorité sera donc

port, la loi de l'unanimité vient au secours de la justice. De même qu'au moment de la bataille on prend des mesures de discipline pour qu'aucun soldat ne sorte des rangs, ainsi la loi de l'unanimité ferme la barrière sur les jurés ; elle empêche aussi qu'aucun juré ne sorte des rangs; (1) Voyez aussi l'Histoire du droit coutumier de l'An-elle contraint les jurés chancelants de se ralgleterre, par Mathieu Hale. (Note de l'orateur.) lier aux jurés courageux, et de combattre en

Le jurés ne se divisent que dans les plus graves affaires; les affaires courantes se décident à l'unanimité: en sorte que, si vous établissez la loi de la majorité, les crimes ordinaires seront punis, et les grands crimes pourront seuls échapper.

face avec eux les ennemis de l'ordre social. Jarrivé que d'autres jurés, faisant peut-être aussi La loi de l'unanimité concentre dans la cham-la même combinaison, ont aussi donné des bre des jurés toute la crise que produisent leurs boules blanches; et contre leur intention, mais discussions entre eux. Du moment qu'un juré parce que la loi ouvre la porte à de pareils donne son assentiment, et que se forme l'una-abus, le coupable est resté impuni. nimité, les esprits se rasseoient, et la déclaration est ensuite prononcée par le chef, au nom de douze hommes calmes et sans passion comme la justice. Chez nous la déclaration du jury se prononce quelquefois par le vœu de la majorité, tandis que la minorité persiste encore. C'est une victoire fumante que l'on proclame, plutôt qu'un La difficulté capitale et insoluble sera toujours jugement sage et mûr que l'on prononce. L'atti- de fixer une majorité terminante. tude des jurés, leurs mouvements mal compri- La fixerez-vous à sept voix contre cinq, ou à més, les propos qu'ils se lancent, non pas tou-huit contre quatre? Mais, d'une part, vous ne jours d'une voix assez basse pour que personne donnerez à l'accusé que l'avantage dont il jouisn'entende quelle scène douloureuse! Le pu- sait avant l'institution des jurés : cette méthode blic est inquiet; et, quelque opinion que l'on d'ailleurs pouvait être moins dangereuse lorsait prise du jugement, on sort frappé d'une sorte qu'elle était adaptée à un parlement nombreux, d'effroi. composé d'hommes de même force; mais les juUne crise de cette nature affligea l'année der-rés sont presque toujours des hommes inégaux nière l'un de nos départements. Le chef refusa de prononcer la déclaration du jury sous prétexte d'une extinction de voix ; mais par l'unique raison qu'elle avait passé contre son avis. Un second juré, requis de la prononcer, allégua la même excuse. Un troisième, requis dans la même forme, la prononça d'une voix forte, et avec une contenance qui parut d'autant plus affectée, que les deux premiers jurés paraissaient plus profondément consternés.

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sous plusieurs rapports et lorsque quatre ou cinq jurés probes, éclairés, courageux, proclameront l'innocence d'un accusé, quels que soient la probité, les lumières et le courage de la majorité, la justice sera-t-elle satisfaite? et l'ami de l'humanité aura-t-il de quoi se rassurer sur les suites de votre institution?

Fixerez-vous la majorité à neuf contre trois? Ici le danger pourra paraître avoir changé de place, et les chances de l'impunité trop multiLa crise survit toujours à l'événement les pliées. Il est de plus une vérité d'expérience parties, instruites de ce dissentiment, essayent qu'il est bon de faire connaître, parce qu'elle tous les moyens d'égarer l'opinion sur la bonté démontre le vice du système de la majorité, du jugement. On se pourvoit devant le tribunal quelle qu'elle soit. Toutes les fois que dans une de cassation, à qui l'on rend compte de ces cir- réunion d'hommes délibérant sur un aussi grave constances vraiment fâcheuses. Jamais on ne sujet, il s'élève en faveur de l'accusé autant de manque de lui faire remarquer que le jugement voix qu'il lui en faut pour être acquitté, moins n'a pas été rendu à l'unanimité, tant il est vrai une, cette voix qui lui manque se détache ausque la simple majorité prête toujours le flanc à sitôt de la majorité et vient à son secours. Il se la critique. Enfin, on se tromperait fortement si trouve toujours quelque méticuleux qui, ne poul'on croyait que toutes ces plaintes n'ont jamais vant voir sans trouble le sort de l'accusé dépenrien produit. La crainte de sanctionner un juge-dre de son seul suffrage, vote pour lui sans ment injuste, ne fut-elle donc pas toujours un poids de plus dans la balance?

Sous la loi de la majorité, lorsque le petit nombre devra favoriser l'accusé contre l'évidence, et sans être forcé d'en rougir, la chose sera aisée la minorité, en silence, laissera celle-ci s'épuiser en démonstrations; puis on ira aux voix; et quatre ou cinq boules négatives feront proclamer l'accusé innocent.

cesser de le tenir pour coupable.

Les autres hypothèses n'ont plus besoin d'être discutées. L'assemblée constituante avait fixé la majorité déterminante à dix contre deux. Quelle est l'institution qui ne serait pas ébranlée des suites d'une semblable disposition, qu'auraient votés les coupables eux-mêmes s'ils eussent fait la loi, et qui était en opposition manifeste avec les intérêts de la société?

On a vu tel juré désirant, pour l'intérêt com- Depuis et compris le mois de vendémiaire mun, que l'accusé fût convaincu, donner néan-an vi, jusqu'au mois de germinal an x exclusimoins une boule blanche, dans la persuasion | vement, c'est-à-dire pendant quatre années et que les onze autres voix seraient affirmatives, et demie, le tribunal criminel du département de que justice en serait faite. Il voulait pouvoir dire la Seine à jugé environ 1800 procès criminels : dans quelques sociétes : L'accusé a eu ma voix tous les jugements ont été rendus à l'unanimité, je ne pouvais lui donner davantage. Mais il est hormis vingt-un.

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