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Mais chacun d'eux a nécessairement la très- L'un des plus grands moyens de répression louable ambition de sortir de cette médiocrité que nous proposerons d'employer, sera de donpolitique, et d'être porté sur une liste de candi-ner aux juges une plus grande latitude de poudats. Si le premier consul les délègue dans un voir, surtout quant à l'application de certaines autre département que celui de leur domicile, mesures de police générale : ce pouvoir ne deleur absence les fera oublier; les nouveaux ser- vra donc être remis qu'à des magistrats vraiment vices qu'ils auront rendus dans un département nationaux, si l'on ne veut pas qu'il devienne la éloigné, resteront ignorés de leurs concitoyens; proie des passions et des intrigues locales. et c'est encore une raison qui a fait et qui fera refuser ces stériles fonctions.

Un président placé pendant un an dans une ville centrale, est là comme à poste fixe, et souSi le premier consul délègue un juge dans le vent au milieu de parents, d'amis, de créanciers, département où il a son domicile, il y a lien de de débiteurs, pour recevoir toutes les sollicitacraindre que ce juge ne se conduise comme on tions. Et les vengeances que peut produire un l'a fait trop souvent depuis l'institution des ju-jugement d'une sévérité nécessaire, ne saurontrés. Il prendra parti dans tous les événements duelles donc pas bien où l'atteindre? pays; il se plongera dans l'atmosphère départe- Dans le système que nous examinons, la jusmentale; il accueillera, il cherchera peut-être tice criminelle est dépouillée de la moitié de sa les hommes les plus accrédités, il fléchira peut-force et de sa solennité. Les affaires ont une être, dans l'exercice de ses fonctions, sous le crédit et l'autorité d'autrui, et sera lui-même sans force, sans crédit, sans influence.

Mais qu'arrive-t-il? à l'instant de la délibération, au moment décisif, il craint les retards, il se presse, il compose, il cède.

La fermeté ne manque à personne dans les occasions ordinaires; mais si le procès est hors de pair, il n'en est pas ainsi; et chez tous les peuples on a toujours reconnu que les autorités locales et ordinaires sont impuissantes dans les circonstances majeures (1).

marche uniforme et languissante autour d'un président sédentaire et qui a ses aises. La séance ouvre tard; on interrompt le service pour aller Et qui ne serait tenté de croire que c'est à des prendre un repas au dehors; on rentre à cinq ou sacrifices de cette nature que l'on doit attribuer six heures, on se retire à neuf. On trouve ainsi ces jugements empreints d'une partialité qui a les moyens de concilier d'austères fonctions avec étonné tout le monde? Ne sait-on pas que ces les douceurs de la vie citadine; et l'administrajugements n'ont précédé que de quelques mois tion de la justice criminelle n'est plus une chose les élections? Ne sait-on pas encore qu'il y a eu extraordinaire. Rien ne fortifie et n'élève l'âme des juges portés sur les listes ou repoussés par du juré comme il connaît les mœurs du prédes motifs pris de la conduite qu'ils avaient te-toire, il prend aussi des engagements en ville. nue dans l'exercice de leurs fonctions? Voilà des magistrats bien avertis qu'il n'y a de succès à espérer qu'en administrant la justice criminelle au gré des directeurs de l'esprit départemental. Dans cet état de choses, il est évident que la justice peut être journellement offensée, et qu'elle ne peut pas être une en France. Il y a autant de nuances que de départements: l'esprit territorial n'est tempéré par aucun autre esprit; et tel coupable qui aurait été puni exemplairement dans tel lieu, est scandaleusement acquitté dans tel autre. Les jugements du tribunal de cassation peuvent jusqu'à un certain point réparer le mal commis, mais non empêcher de le commettre; et l'on sait que son autorité est presque nulle, lorsque le vice dominant, comme il arrive en effet, est l'impunité des coupables. Nous devons dire, puisque personne ne l'a encore dit en France, qu'il est de l'essence de cette institution, sans doute, que des citoyens choisis dans la contrée jugent les accusés, mais sous la direction et l'autorité d'un magistrat élevé en dignité, appartenant à la nation entière, et qui tende sans cesse à resserrer dans le lien commun des parties qui tendent sans cesse à s'en

détacher.

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Les succès de l'institution des jurés, en Angleterre, sont dus en partie au choix des juges d'assises, et au caractère dont ils sont revêtus (2).

A l'exemple des peuples libres, anciens ou modernes, que nous connaissons, nous proposerons d'établir ou plutôt de rétablir en France un certain nombre de préteurs ou de questeurs, chargés d'aller dans tous les départements faire régner la même justice et soumettre les passions à l'empire des mêmes lois. Nous proposerons de leur donner plus de pouvoir que n'en ont les présidents actuels, plus de dignité, plus de liberté, en un mot, une constitution plus robuste. Ni les sollicitations qui précèdent les jugements, ni les ressentiments qui les suivent, ne pouront atteindre le préteur. Dans un département où

gleterre par M. Liancourt, dont quelques extraits sont imprimés dans la Théorie des lois criminelles, par M. Bexon. (Note de l'orateur.)

son apparition seule fait événement, il sera Sous l'empire de la loi actuelle, le directeur grand sans effort, il influera sans y penser. Au- du jury exerce des fonctions criminelles pendant près de lui les jurés respireront, dans une ré- trois ou six mois, et les quitte précisément lorsgion plus élevée, un air plus pur. Si quelques- qu'il est un peu plus en état de les remplir; enuns étaient menacés pour avoir bien fait leur suite, l'ordre du tableau y appelle à son tour devoir, les préteurs leur seront, contre les mal-celui des juges qui s'y trouve le moins propre. veillances locales, un appui de plus, et un plus fort appui.

Dans notre projet, le propréteur est institué à vie comme tout autre juge, et comme l'étaient les lieutenants et les assesseurs criminels.

Aujourd'hui, si les jurés sont mal choisis, si le commissaire du gouvernement n'use pas comme il convient de son droit de récusation, droit souvent salutaire et toujours utilement exercé, où est le remède? et qui va le dire au gouverne-missaire sera en même temps magistrat de sûreté ment?

Les préteurs trouveront encore, dans chaque département, un commissaire du gouvernement chargé de poursuivre les accusations; ce comdans l'arrondissement où est établi le tribunal criminel; il y aura un magistrat de sûreté dans chaque autre arrondissement. Tous les magistrais de sûreté seront ses substituts, et soumis à sa surveillance; partout où le nombre des affaires l'exigera, il y aura deux ou plusieurs magistrats de sûreté.

Les préteurs étant chargé par la loi de venir chaque année rendre au gouvernement un compte commun de ce qu'ils auront remarqué de bien et de mal, et de proposer le remède, quel sera le fonctionnaire local qui ne voudra pas sous leurs yeux faire son devoir rigoureusement? Le premier consul aura la faculté de déléguer, Ainsi se trouveront concentrées dans le sein dans les départements les plus infectés de crime, du tribunal criminel l'action de la police et l'acles hommes les plus forts et dont la réputation tion de la justice; les distances seules auront pu de sévérité sera la plus grande; et comme rendre quelques exceptions nécessaires, et même, chaque année amène ses événements, le premier dans ces derniers cas, la direction et la surveilconsul fera chaque année une nouvelle déléga- lance émaneront encore du centre commun. tion, Enfin, les préteurs se réunissant chaque année Autrefois, en Angleterre, nul ne pouvait, ni à Paris, sous les yeux du grand juge, pour renen matière criminelle ni en matière civile, rem-dre un compte commun au gouvernement, se plir les fonctions de grand juge dans le comté communiqueront leurs vues, leurs observations, qu'il habitait ou qui l'avait vu naître; mais cette leurs méthodes; ils se rectifieront par leurs mupartialité locale, que la sollicitude inquiète des tuels avis. Aujourd'hui les présidents, abandonanciens voulait éviter, a depuis paru devoir nés à eux-mêmes, n'ont aucun moyen d'éviter moins se faire sentir dans les procès criminels des fautes dont ils ne s'aperçoivent même pas. que dans les procès civils de partie à partie. On Dans notre projet, chaque préteur ne sera pas permet aujourd'hui à tout homme d'être juge riche seulement de son propre fonds, il aura fait évacuateur des prisons dans tous les comtés. son profit des lumières et de l'expérience de ses Nous proposerons de prendre en commençant collègues; il sera fort de la force de tous : tout les mêmes précautions; trop heureux d'y renon-partira du même centre, tout sera dirigé dans un cer, lorsque l'institution des jurés aura pris de même esprit. profondes racines.

6.

SECONDE PARTIE.

Des jurés d'accusation et de jugement.

Les préteurs trouveront dans chaque département autant de propréteurs qu'il y a d'arrondissements communaux : chaque propréteur remplira les fonctions de directeur du jury. Le propréteur de l'arrondissement où est établi le tribunal criminel siégera, de plus, dans ce tri7. - Dans un État où il existe des magistrabunal avec le préteur, et y fera les actes prépa- tures et des distinctions héréditaires, il est diffiratoires. Tous les propréteurs seront sous la sur-cile de bien déléguer le pouvoir de juger. veillance du préteur: partout où le bien du service l'exigera, il y aura deux ou plusieurs propréteurs.

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En France, on avait créé des corps permanents de juges d'abord à vie, et ensuite heréditaires on avait ainsi inféodé la justice criminelle. Sous l'empire de la loi actuelle, tout directeur A Rome, on prit les juges parmi les seuls séde jury est institué juge civil, et n'est qu'acci-nateurs, ensuite parmi les seuls chevaliers, endentellement juge criminel. Dans le projet que nous présentons, le propréteur est essentiellement juge criminel; il aura néanmoins le droit de siéger dans le tribunal civil, et il y sera qualifié vice-président.

suite parmi les sénateurs et les chevaliers, ensuite parmi les sénateurs, les chevaliers et les tribuns de l'épargne. César exclut ces derniers, etc., etc.

Les juges étaient élus, chaque année, au

nombre de six cents; le sort et les récusations | de former dans chaque département une liste de formaient le tribunal. deux cents jurés ordinaires de jugement, et de vingt-six jurés spéciaux; au total, neuf cent quatre jurés par an.

Les vices d'une semblable institution étaient si nombreux, si généralement reconnus, que dans les affaires les plus graves il intervenait le plus souvent un sénatus-consulte qui autorisait la nomination d'un questeur extraordinaire, et qui permettait d'exclure le sort et de limiter le nombre des juges et des récusations.

En Angleterre, les membres du parlement sont accusés devant les pairs par les communes; les autres accusés sont traduits devant un jury composé de plébéiens.

Remarquez, en effet, que si un seigneur de la chambre haute se trouve porté sur la liste du sheriff, non seulement il peut se faire dispenser, mais les parties ont le droit de le recuser, propter honoris respectum.

Autrefois, il est vrai, lorsqu'un Anglais qualifié était accusé, et que la liste du sheriff ne comprenait pas le nom d'un seul chevalier, cette omission était un juste motif pour lui de récuser la liste entière; mais ce privilége fut aboli, depuis la révolution, par un statut de Georges II. Il suit de cet état des choses, que nécessairement, dans quelques grandes circonstances, les jugements doivent se ressentir de l'esprit de parti.

On a apporté quelque tempérament à ceci, en exigeant que, pour être juré, il fallut jouir de quelque revenu foncier. Par un statut d'Élisabeth, les jurés devaient avoir un revenu de 4 livres sterl. au moins la valeur du numéraire ayant baissé considérablement, cette fixation fut élevée à 20 livres sterl. par un statut de Charles II; mais cette loi n'avait été portée que pour trois ans, et ne fut pas renouvelée, au grand avilissement des jurés, dit Blackstone. Enfin des statuts de Guillaume et Marie ont fixé cette quotité de revenu à 10 livres sterl. en Angleterre, et à 6 liv. dans la province de Galles. Blackstone, qui écrivait vers le milieu du siècle dernier, invite le législateur à vérifier s'il n'est pas nécessaire de rétablir cette institution dans son ancienne dignité, et si elle ne se trouve pas encore dégradée par la différence de valeur dans les propriétés.

En France et dans les États-Unis de l'Amérique, où il n'existe point de familles nobles, où nul privilége n'est héréditaire, où les magistrats, hors de leurs fonctions, ne jouissent d'aucune prérogative, la délegation du pouvoir de juger présente moins de difficultés et peut concilier tous les droits.

Nous proposons d'abord de n'inscrire que quarante-huit citoyens sur la liste des jurés de jugement.

A la première époque de l'institution des jurés parmi nous, on était obligé tous les trois mois

Depuis le mois de nivòse an ir, la liste des jurés spéciaux de jugement doit être de trente, et la listes des jurés ordinaires doit contenir autant de citoyens qu'il existe de milliers d'habitants, en sorte que jusqu'à 1500 habitants on nomme un juré, qu'on en nomme deux depuis 1501 jusqu'à 2500, et ainsi de suite. D'après cette disposition, on fait par an deux mille sept à huit cents jurés ordinaires et spéciaux de jugement.

Dès que la loi veut que l'on appelle à la fois un si grand nombre de citoyens, on est obligé de faire beaucoup plus de mauvais choix que de bons; et le gouvernement ne peut demander compte à personne d'un acte essentiellement vicieux.

Aussi le soin de former ces listes est-il, presque partout, laissé à des commis, qui, sans plus de façon, copient les feuilles du sommier de population: on y a porté des voleurs de profession, des hommes morts, des hommes qui, depuis longtemps, ne demeuraient plus dans le pays, des hommes affligés d'infirmités invétérées qui ne permettaient pas à ceux-ci d'arriver, à ceux-là de rester en place; des hommes qui ne savaient ni lire ni écrire, etc., etc.,

Mais parmi tant de mauvais choix, il n'est pas rare de remarquer des hommes doués d'un sens exquis, nés, pour ainsi dire, tout exprès pour faire aimer et la patrie qui les emploie, et les fonctions qu'elle remet en d'aussi heureuses mains. Partout il existe de ces hommes-là. Il est clair que pour n'en avoir pas d'autres sur la liste, il faut n'y porter qu'un petit nombre de citoyens, et qu'il faut rendre les nominateurs responsables de leurs choix : il arrivera ainsi que, quelque réjection qui puisse être, il n'en demeurera que de notables

Nous proposons, de plus, que nul ne puisse être juré de jugement, s'il n'est imposé au moins à 100 francs, soit au rôle de la contribution foncière, soit au rôle de la contribution mobilière et somptuaire, soit au rôle des patentes : tout ce que nous venons de dire nous dispense d'insister sur cette précaution, sans laquelle le pouvoir de juger serait au hasard remis à la multitude, dont les decisions, dit Blackstone, seraient souvent partiales, absurdes et contradictoires.

Comme c'est le gouvernement qui accuse par ses agents, il est évident que les agents du gouvernement ne peuvent pas être jurés; mais aussi, non-seulement nous n'admettons aucune autre exception, nous pensons même que, dans les grandes accusations, le jury doit être pris en

Avant les récusations, les jurés honorés par le choix du magistrat, le seront encore après par la loi même. Nous proposons de faire donner un témoignage formel de satisfaction aux jurés récusés ou non récusés, lorsqu'ils se seront rendus à deux sessions du tribunal criminel.

parti parmi les grands fonctionnaires publics de préteur : il allait au sénat ou à telle affaire pul'État cela se pratiquait ainsi à Rome, comme blique que les sénateurs le pouvaient faire. Ce nous venons de le dire. Chez les Anglais, les ne lui était pas honte, mais décharge d'autant. » grandes informations sont parlementaires. Parmi nous, jusqu'à la fin de 1792, le corps législatif portait lui-même le décret d'accusation pour crimes d'État, et faisait juger les accusés par un haut juré : cette forme de procéder, qui entraînait de graves inconvénients, n'a pas été conservée, mais elle n'a pas été remplacée; en sorte qu'aujourd'hui les crimes d'État sont jugés par des hommes privés, qui n'ont donné aucune preuve de dévouement au maintien de l'organisation sociale.

Comme la liste contient un petit nombre de jurés, il sera nécessaire de ne la former que peu de jours pou, chaque session. Sans cette nouvelle préamar, il est aisé de voir que les jurés seraient tance visités, sollicités, pratiqués par les parents et les amis des accusés, ce qui entraînerait les plus grands abus.

La récusation en présence est la seule véritable récusation. Il y a tel homme que j'ai vu se mal comporter dans une circonstance remarquable, et que je ne connais pas de nom: certes, je le récuserais s'il m'était donné pour juré, et si je l'avais sous les yeux. « On n'ignore pas, dit Blackstone, que souvent le seul aspect d'un individu et sa manière d'ètre excitent en nous des impressions subites et des préjugés défavo rables, sans que nous puissions en rendre compte; et l'on conçoit combien il est nécessaire qu'un accusé, obligé de defendre sa vie, ait bonne opinion des jurés qui doivent prononcer sur son sort; sans quoi, il pourrait se déconcerter entièrement. >>

Chez nous, le tableau des douze jurés de jugement se forme avec le concours des accusés, le premier de chaque mois; puis les douze jurés sont convoqués pour le 15 et les jours suivants. Adrien Duport, rapporteur des comités de Pendant ces quinze, vingt ou vingt-cinq jours, l'assemblée constituante, convenait que ces moles accusés ont le temps d'essayer tous les tifs sont vrais, qu'ils sont puissants pour ceux moyens obscurs et tortueux de se rendre les qui connaissent le cœur humain et les ressorts jurés favorables, et l'on sait bien qu'ils n'en né-secrets de toutes nos actions extérieures. Du gligent aucun.

Nous avons du chercher les moyens de faire cesser des abus aussi pernicieux, et qui ont fait dépérir aussi promptement parmi nous l'institution des jurés. Aussitôt que le jury sera formé, aussitôt commencera l'examen du procès. Par là, nous rapprochons l'institution française de l'institution primitive. Blackstone compte au nombre des règles essentielles du jugement par jurés, que l'accusé soit examiné par douze personnes indifférentes, qui ne seront nommées qu'au moment de l'examen.

reste, il ajoutait qu'il ne fallait pas sacrifier des avantages solides et durables à l'idée d'une perfection que le temps pourra donner.

Le siècle de Bonaparte acquittera la dette que lui a léguée l'assemblée constituante. Les récusations se feront en présence. Quand les jurés sont bien choisis, quelque réjection qui puisse étre, dit Pierre Ayrault, il n'en demeure que de notables.

D'après les règles prescrites par le Code des délits et des peines, du 3 brumaire an IV, nonseulement l'accusateur ne peut récuser qu'un La liste contenant un petit nombre de jurés, juré sur dix, mais il doit faire ces récusations nous pouvons les convoquer tous à chaque ses-au moment même où la liste lui est présentée, sion, et restituer enfin aux parties le droit inapet avant le tirage au sort; c'est-à-dire qu'il doit préciable de les récuser en présence, formalité récuser des hommes qu'il n'a pas eu le temps de qui s'observe religieusement en Angleterre. connaître, et que le sort n'appellera peut-être Nous voyons dans le procès de mylord Preston, pas aussi lui est-il arrivé très-rarement d'user imprimé en 1791, au nom de l'assemblée consti- d'une faculté le plus souvent illusoire, tuante, qu'il y eut quarante et un jurés présents récusés, tant par l'accusé qu'au nom du roi.

Pierre Ayrault nous explique fort bien comment les récusations n'offensent personne. « Si les parties rejetaient, dit-il, tel ou tel citoyen, sa qualité ne diminuait point pour cela, non plus que qui aurait aujourd'hui convenu d'arbitres, et demain s'en dédirait. Le public, en ce, n'était intéressé ni offensé. Le citoyen, fut-il de l'ordre des sénateurs ou de l'ordre des chevaliers, allait, en autre cause, assister à un autre

Nous proposons de donner à l'accusateur un droit de récusation péremptoire, égal à celui de l'accusé, parce que nous pensons que la loi doit à l'attaque et à la défense une égale protection.

L'emploi du sort, sur une liste de six cent soixante-cinq personnes, combiné avec le droit de récusation accordé au seul accusé, doit avoir la plus funeste influence. Supposons que sur six cent soixante-cinq personnes, les choix soient bons pour moitié; supposons encore que sur un tableau de douze jures présenté à l'accusé, il y

THÉORIE DU CODE D'INSTRUCTION CRIMINELLE. ait six bons jurés, l'accusé les récuse et accepte | de lui lire les charges. Il est difficile de croire les six autres on lui en représente six nou-qu'une lecture inanimée puisse produire autant veaux, dont nous supposerons encore que trois d'effet qu'une suite de dépositions orales; cesont de bons jurés; c'est ainsi que, dans l'hypo- pendant, comme l'expérience, qu'il faut touthèse la plus favorable, on peut préjuger que sur jours interroger, ne nous a encore rien appris, douze jurés, neuf au moins sont incapables d'en nous avons cru devoir laisser subsister la dispobien remplir les fonctions. sition de la nouvelle loi. Les préteurs, après quelques années d'épreuve, diront s'il faut retablir, dans cette grande circonstance, la déposition orale.

Dans notre projet, le sort ne sera employé que pour déterminer quel juré sera soumis le premier, le second, etc., au droit réciproque de récusation péremptoire; droit qui pourra ne s'arrêter que lorsqu'il ne restera plus que douze jurés non excusés, non dispensés; il est évident qu'en ce cas le sort ne peut dénaturer ni restreindre le droit de récusation.

Dans aucun cas, le jury d'accusation ne sera soumis aux opérations du sort, ni à l'exercice du droit de récusation; et nous voulons, de plus,

L'une des plus belles parties de la loi du 16 septembre 1791 est, sans contredit, le titre de l'examen de l'accusé et des débats. L'assemblée constituante, sans aucun modèle sous les yeux, et par la seule force du génie, a créé la méthode qui approche le plus d'une entière perfection.

10. Mais il n'en est pas a

co thoi

qu'à l'exemple des Anglais, chez qui la grande qu'elle a établies pour la délibéra ds règles

jurée est plus nombreuse, et choisie parmi les hommes les plus recommandables du comté, nous voulons que le jury d'accusation soit composé de quinze personnes, et qu'elles soient prises parmi les deux cents citoyens les plus imposés de l'arrondissement ces deux cents citoyens seront ainsi constitués, pour ainsi dire, les gardiens permanents de la paix du pays.

Ces différences sont considérables, et sont commandées par la nature des choses. Qui peut, en effet, ne pas demeurer convaincu que s'il faut des lumières et du courage pour juger un accusé après une instruction complète, au milieu d'un appareil protecteur, il faut bien plus de force civique, il faut bien plus de lumières pour juger de l'état d'un prévenu sans solennité, et sur une instruction encore incomplète.

8..

9.

TROISIÈME PARTIE.

Des formes de procéder.

La loi du 17 pluviose an Ix a fortement organisé la police judiciaire : c'est un beau présent fait à la nation; nous n'y avons apporté aucun changement remarquable, nous nous sommes à peu près contentés de faire un corps complet, tant des dispositions de cette loi que des dispositions du Code des délits et des peines que cette loi a conservées.

La rédaction du Code des délits et des peines est claire, méthodique et correcte, et les criminalistes y sont accoutumés nous ne nous en sommes écartés que quand il nous a fallu exprimer des vues nouvelles ou quelques nouvelles dispositions.

D'après ce code, et la loi du 16 septembre 1791 qui l'avait précédé, les témoins étaient entendus verbalement devant le jury d'accusation: la loi du 7 pluviose an Ix veut qu'on se contente

Lorsque ses comités proposèrenn 1790, de demander au jury une déclaration circonstanciée, au lieu de la déclaration générale, l'accusé est coupable, ou l'accusé n'est pas coupable, ils étaient bien loin de prévoir jusqu'où les mènerait cette méthode utile en apparence, et même, en apparence, de facile execution. Le premier projet portait cette seule disposition : «La déclaration du juré sera toujours positive et simple: le délit est prouvé ou n'est pas prouvé; un tel n'est pas convaincu, un tel est convaincu d'avoir fait telle chose volontairement ou involontairement, malicieusement ou non, avec ou sans intention de nuire. » (Art. 26 du titre VII, de la justice.)

Ce premier pas fait, on comprit bientôt qu'il faudrait le plus souvent subdiviser les questions intentionnelles; et l'on voulut que les juges commençassent par les plus favorables à l'accusé.

Les règles de la logique prouvèrent que ce n'était pas encore assez. Les crimes se compliquent souvent de circonstances aggravantes, dont chacune dans ce système dut être établie par une réponse séparée.

On reconnut encore que le même crime est souvent composé de plusieurs espèces de crimes. Ainsi, sept ou huit personnes sont ensemble accusées d'avoir fabriqué, introduit et fait circuler en France une même fausse monnaie : voilà trois faits, la contrefaction, l'introduction, l'exposition, et conséquemment trois séries de questions à faire aux jurés. Nous voilà déjà bien loin de cette simplicité promise par les comités de l'assemblée constituante.

En y songeant bien, on comprit encore, un peu tard à la vérité, que pour obtenir du jury l'expression de sa véritable pensée, de sa pensée tout entière, il ne suffisait pas de lui demander si tels ou tels accusés étaient les auteurs du crime; qu'il fallait encore, en cas de négative,

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