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Que serait-ce que la honte, l'infamie, le carcan, la déportation même, pour des malfaiteurs atroces, qui n'ont que la figure humaine, pour qui l'honneur et l'opinion ne sont rien, et qui, dans quelque coin que les jette leur destinée, ne savent plus voir dans leurs semblables que des ennemis à déchirer?

le mépris, et vieillies dans de longues habitudes ou de crimes ou de fraudes; chaque jour on y verra l'affligeant contraste des vertus les plus honorables et des vices les plus bas. Là, près de l'élévation du courage, de la générosité, de l'héroïsme, se feront remarquer avec dégoût l'égoïsme, l'insensibilité, l'abjection, et l'atrocité même. Là, des âmes dures, sèches, farouches, La peine de mort, en attendant des temps plus dénuées d'idées morales, n'obéiront qu'à leurs heureux, est donc encore évidemment nécesgrossières sensations; la paresse, la débauche, saire; et si elle l'est, loin de blesser l'humanité, l'avidité, l'envie, se montreront ennemies irré-elle la sert, en conservant la vie à tous ceux que conciliables de la sagesse et du travail, de l'éco- le scélérat aurait immolés encore, à plusieurs de nomie et de la propriété. ceux qui seraient tombés victimes de forfaits semblables.

Deux philosophes éclairés, l'un (Montesquieu), par de longues méditations sur les lois et par l'expérience de leur application; l'autre (J.-J. Rous

La pulluleront des délits et des crimes de toute espèce, moins dans la masse de la nation que dans la lie de cette peuplade étrangère au caractère général, qui s'est formée à côté du vrai peuple par la force des circonstances et des ha-seau), par des réflexions profondes et par son bitudes accumulées pendant des siècles.

Presque toujours, pour une telle nation, les peines doivent être mesurées sur la nature de cette race abâtardie, qui est le foyer des crimes, et dont la régénération se laisse à peine entrevoir, après une longue suite d'années du gouvernement le plus sage, passées sur un grand | nombre de générations.

La raison du législateur ne se nourrit pas d'abstractions. Les leçons de la philosophie, il les recueille; mais il les modifie par les faits dont il est environné, et qui sont hors de son pouvoir. De tous les sentiments qui affectent les hommes grossiers, le plus vif est l'amour de la vie et la crainte de la perdre. La perspective, même prochaine, de l'esclavage et du travail ne donne pas une commotion aussi violente à ces àmes dures, ne porte pas un ébranlement aussi fort aux fibres grossières dont elles sont enveloppées.

humanité même, n'ont vu dans la peine de mort, dont ils reconnaissaient la nécessité, qu'un échange raisonnable que l'homme en société fait du risque de sa vie en la donnant à la loi, s'il a le malheur de devenir coupable, contre la sûreté de sa propre vie, qu'il acquiert probablement par la rigueur de cette loi même.

Chez une nation amie, qui doit au génie de la France son existence politique et sa liberté, un sage (Beccaria) a paru, qui, ne consultant que son cœur, a dit que la peine de mort pourrait être remplacée par d'autres.

Pour le bien juger, il faudrait connaître à fond les mœurs au milieu desquelles il a écrit; mais lui-même, au reste, avoue que cette peine doit être conservée toutes les fois que l'existence physique du coupable peut servir de prétexte ou d'occasion à d'autres crimes.

ou

En conservant la peine de mort contre les A la crainte des traitements rigoureux, desti-plus grands crimes, il n'y a qu'un moyen d'en nés au criminel, son imagination, tentée par corriger l'inflexibilité, dans les cas particuliers l'intérêt et la vengeance, joindrait bientôt toutes où elle n'est pas d'une nécessité évidente, les idées qui peuvent effacer ou adoucir celle de lorsque des circonstances que l'âme peut sentir, la peine. mais que la loi ne peut pas déterminer, modifient la gravité du crime.

Que d'événements possibles dans le cours d'une longue détention! négligence des gardiens, intelligence avec des complices ou des compagnons de malheur, révoltes suivies de succès, révolutions publiques, invasions étrangères toutes les possibilités sont des faits, toutes les chimères sont des réalités pour la passion qui | s'abuse; et la plus terrible peine s'évanouit dans les rêves d'une vague espérance.

Au contraire, l'homme tenté d'un crime puni de mort, ne peut avoir que l'idée d'échapper à la poursuite. S'il est saisi, c'en est fait; le terme fatal, redouté de tout être vivant, est arrivé pour lui la pensée d'une mort sûre et prompte est le tombeau de toutes les illusions; et cela seul démontre qui'l n'est pas de peine aussi répressive pour cette classe de coupables.

Ce moyen est le droit de faire grâce, exercé avec sagesse.

La loi seule, appliquée par les tribunaux, doit punir; l'esprit seul de la loi, proclamé par l'administration souveraine, peut faire grâce.

Il importe que le droit de faire grâce ne présente jamais le contraste de la punition et de l'impunité des crimes de même nature, et ne devienne pas à la fin la source d'une espèce de privilége; de sorte que la honte fùt moins alors d'avoir été condamné que de n'avoir pas obtenu grâce.

D'un autre côté, il est difficile d'apposer des limites légales à l'exercice du droit de grâce; on ne peut qu'environner le gouvernement de pré

cautions contre l'abus que l'intrigue et l'astuce pourraient faire de sa puissance.

A l'égard des crimes contre la sûreté intérieure et extérieure de l'État, le gouvernement est le meilleur juge des cas où le salut public n'exige pas impérieusement le sacrifice de la vie des coupables. Il n'a que sa prudence à consulter; et le plus souvent, au lieu d'user du droit de grâce dans toute sa plénitude, il commuera la peine de mort en celle de déportation, séparant ainsi pour toujours les coupables de la société qu'ils ont voulu bouleverser ou détruire.

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6o Les vols et brigandages qui attaquent nonseulement les propriétés, mais la vie ou la sûreté personnelle des individus;

7° Les corruptions et faux témoignages qui ont conduit des innocents à la mort.

J'observe ici que des lois nouvelles ont prononcé la peine de mort,

Pour fabrication et altération des monnaies ou des billets de banque autorisés ;

Pour le fait de contrebande avec attroupement et port d'armes.

L'application de la peine de mort à ces deux crimes n'entrait pas dans le projet primitif du Code.

Dans les autres crimes, le gouvernement pourrait se reposer le plus souvent sur les jurés et sur les juges, du soin d'éveiller son attention. Le droit de grâce, presque toujours réduit à la commutation des peines, ne s'exercerait guère qu'à la parole des ministres de la loi; l'autorité 5. - II. Quant aux crimes du même genre agirait sur l'invitation de la justice. que les six premiers ci-dessus mentionnés, mais Par là seraient prévenus à la fois les effets ex-d'un degré inférieur en gravité, ils sont répricessifs de la rigueur immuable de la loi, et les més par les peines corporelles d'esclavage et de effets trop arbitraires des sollicitations, du cré- travail, pendant toute la vie des coupables. dit, et des erreurs où pourrait être entraînée une Tels sont, volonté toute puissante.

Ce respectable accord du gouvernement et des tribunaux régulariserait d'un côté la clémence, et purifierait de l'autre l'inflexibilité légale, de tout soupçon d'injustice.

1° L'organisation et le commandement en chef des associations de malfaiteurs, contre les personnes ou les propriétés, quand il n'y aurait eu aucun crime particulier exécuté;

2o Les violences sans nécessité et sans excuses, qui sont de nature à donner la mort, et qui l'ont en effet donnée, mais après l'expiration du terme pendant lequel la loi leur assigne le caractère de

Le gouvernement n'en serait pas moins autorisé à user du droit de grâce, toutes les fois qu'il lui serait démontré que l'indulgence est juste; mais il serait rare que les motifs de cette indul-meurtre; gence pussent être évidents à ses yeux, et qu'ils n'eusssent été aperçus ni par les jurés ni par les juges.

Ainsi, chez un peuple dont les injustices ne doivent pas flétrir, aux yeux des sages, les bonnes institutions, le pouvoir exécutif a le droit indéfini de grâce, mais n'en use presque jamais que sur l'invitation des juges de fait ou sur celle des magistrats.

3o Les attroupements rebelles et armés;
4o Les récidives en crimes graves.

4.

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L'assemblée constituante, par un sentiment d'humanité, digne de respect sans doute, mais dont la sagesse n'a pas été prouvée par l'expérience, avait posé en règle, que nulle peine ne serait perpétuelle.

Tous les criminels qui n'étaient pas frappés de mort avaient en perspective un terme fixe, qui, pour les âmes profondément dépravées, annule presque entièrement l'effet de la peine.

La même marche s'établirait parmi nous dans la pratique; le droit serait tempéré par les mœurs et les usages : ce qui, bien souvent, est Encore si, comme on le proposera ici, l'esla seule manière de posséder, d'un côté, des lois poir de la délivrance avait été lié à l'activité laassez générales pour embrasser tous les cas, et borieuse, à la docilité, à la réformation du cond'en séparer, d'un autre côté, dans les applica-damné!.... Mais non : le délai était fixé, quelle tions particulières, tous les dangers de cette gé-que fùt sa conduite; et cette idée, jointe à la néralité même. possibilité prévue de l'évasion, dépouillait la crainte du châtiment de presque toute son énergie.

Quoique tempérée par ce moyen, la peine de mort doit être scrupuleusement resserrée dans les bornes de la nécessité qui la fait admettre. Elle ne sera prononcée que contre les crimes suivants :

1o Les complots et attentats contre la chose publique ;

2o La direction et le commandement des séditions armées;

3o Les révoltes des commandants militaires;

Il faut que les actions qui, dans l'ordre des crimes, suivent immédiatement ceux auxquels la mort est infligée, ne laissent point de délivrance à prévoir sans cela, les gradations ne seraient pas observées, l'échelle des peines ne serait plus correspondante à celle des crimes, et la proportion serait rompue.

Une idée de perfectibilité, rarement applicable

aux hommes en général, plus rarement encore Les individus tentés de ces sortes de crimes, aux âmes qui se sont altérées dans le crime, seront peut-être effrayés de cette peine, autant presque chimérique pour celles qui se sont souil- et plus que de la mort même; et la patrie, délilées de crimes atroces, ou dont la profonde vrée, sans barbarie, des coupables par leur éloicorruption s'est manifestée par des récidives, gnement, de la contagion de leurs crimes par la avait embelli, aux yeux de nos premiers légis-terreur de l'exemple, bénira cette mesure législateurs, le principe qu'ils adoptaient.

lative.

Cependant il sera bon que l'administration ait encore ici l'exercice d'un pouvoir sans danger.

C'est une théorie séduisante, mais vaine, qu'il faut reléguer dans le monde imaginaire, dont les âmes simples et pures aiment quelquefois à s'environner, mais que la raison bannit du monde Les coupables, vraiment touchés de repentir, que la loi est chargée de régler, et dans lequel sous le poids de leur infortune, pourront, après l'intérêt et le salut de la société doivent seuls di-vingt-cinq années écoulées, obtenir du préposé riger sa pensée.

S'il y a néanmoins quelques exceptions possibles à une trop constante expérience, tout sera laissé à l'humanité éclairée du gouvernement.

en chef, au lieu de la déportation, la permission
de réclamer des tribunaux le terme d'un exil dé-
claré éternel; et s'ils méritent cette faveur, s'ils
y parviennent, il leur sera permis, après de
nouvelles épreuves, d'aspirer encore à la réha-
bilitation; perspective incertaine, mais con-
solante, qui peut les encourager dans leurs
bonnes résolutions, et qui ne peut faire aucun

Les condamnés aux travaux forcés à perpétuité, si quelque circonstance donne une teinte moins sombre à leurs crimes, ou même si leur soumission, leur activité au travail, leur repentir prouvé, les rendent dignes de quelque compas-mal. sion, pourront lorsqu'ils auront subi cinq années de leur peine, être déportés par ordre du gouvernement.

5. — III. Dans la gradation des peines, se range, après celle de mort et celle des travaux forcés à perpétuité, la déportation à vie.

Cette peine n'est point barbare, et cependant elle est très-rigoureuse; elle ne fait aucun tort aux autres nations, à qui notre bannissement d'autrefois renvoyait nos criminels.

Elle remplit l'objet principal de la peine, qui consiste à préserver la société des attentats qu'elle réprime.

Elle est en effet, pourvu qu'on l'applique à propos, extrêmement répressive.

Les crimes d'État qui ne sortent pas d'une âme atroce, mais des fausses idées politiques, de l'esprit de parti, d'une ambition mal entendue;

Si ce n'est là pour le législateur qu'une douce chimère, l'idée en est belle à consacrer par la loi, et suffira peut-être pour en obtenir quelquefois la réalité.

6.

IV. L'homme condamné à mort, qui s'est échappé; celui qui est condamné, soit à l'esclavage perpétuel de la peine, soit à l'éternelle séparation de la société qu'il a blessée par ses crimes, ne peut plus exister civilement aux yeux de la loi : elle ne lui conserve que les droits inséparables de l'existence physique. C'est l'effet, terrible, sans doute, mais nécessaire, d'une fiction à laquelle la loi est forcée d'attacher tous ceux de la vérité.

Cependant la déportation a des caractères particuliers qui permettent quelque modification de ces principes.

Elle operera tous ces effets en France, partout Les crimes enfantés par l'avidité des richesses ailleurs que dans le lieu de la déportation; mais et des jouissances au sein de la société, tels que le gouvernement demeure autorisé à y faire jouir les faux commis en matière importante, le pé- le condamné des droits qu'il jugera à propos de culat ou la concussion portés à un certain de-lui accorder. S'il parvient, par sa bonne congré (1); duite, à faire marquer un terme à sa peine, il L'infanticide, forfait qui épouvante la nature, reprendra les droits d'homme à l'avenir, sans mais auquel les préjugés sociaux ont donné nais-révocation d'aucun des effets opérés jusque-là sance et semblent prêter quelque excuse;

Seront efficacement réprimés par un châtiment sévère et sans terme, qui ravit au condamné, pour jamais, honneurs, fortune, jouissances, relations, existence civile et patrie.

par sa mort civile, et sans que jamais les droits
politiques de la cité puissent lui être rendus au-
trement que par une vraie réhabilitation.

7. V. Suivent les peines temporaires.
Il y en a de deux sortes :

L'esclavage de la peine et du travail jusqu'à un

La déportation soustraira au glaive de la loi une partie de ses victimes, et l'humanité ap-temps fixé; plaudira.

(1) Dans le projet primitif, on y avait compris la fabri(Note de l'orateur.)

cation et l'altération des monnaies.

L'éloignement ou relégation à temps.

8. C'est à la loi seule à déterminer les circonstances qui justifient, celles qui excusent ou qui aggravent les crimes les juges ne peuvent ni recevoir d'autres justifications, ni suppléer

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d'autres excuses, ni admettre d'autres circonstances aggravantes.

Mais cependant les modifications des actions humaines sont réellement innombrables; elles donnent toujours la mesure, soit de l'indignation contre les crimes, soit de la pitié pour les faiblesses, quelque tarif que la loi puisse établir.

Si c'est la reclusion qui est ordonnée par la loi, la même liberté sera donnée au tribunal entre dix ans et quatre.

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Si la peine légale est la relégation, c'est de quatre ans à vingt et à chaque terme entre ces deux extrêmes, que le juge en fixera la durée.

Comme le jury est autorisé à recommander à la clémence du gouvernement quelques-uns des criminels condamnés à la mort ou aux peines perpétuelles, de même il sera appelé aussi à inviter, quand il le faut, le tribunal à la modération, dans l'application des peines temporaires.

9. VI. Voici maintenant le principe que les rédacteurs du projet ont adopté, comme base de la distribution des peines.

L'impression vague de ces vérités, moins calculées que senties, a souvent nui à la conviction légale des accusés coupables. Toutes les fois que des jurés, même sages, même purs, ont vu une législation inexorable frapper d'une peine précise un délit qui ne leur paraissait pas mériter tant de rigueur, ils n'ont pas voulu, ils n'ont presque pas pu se persuader que cette pensée C'est au crime commis avec violence, ou indut leur rester étrangère leur conscience, spirés par la méchanceté, que convient l'esclaéclairée sur la vérité du fait, s'est trouvée en vage de la peine corporelle. Les auteurs féroces discorde avec leur conscience, blessée de la dis-ou grossiers de ces crimes ne sont guère sensiproportion de la peine. En vain la loi leur a dit bles à d'autres châtiments que les maux physique la peine est de son ressort à elle seule, que ques. l'application n'en appartient qu'au juge: ils se sont soulevés contre ce principe, tout certain qu'il est.

Tantôt ils ont déclaré le fait excusable, quoiqu'il ne fût atténué par aucune excuse légale.

Tantôt même, au mépris de leur devoir et au grand dommage de la société, ils se sont laissé entraîner jusqu'à déclarer qu'un crime réel n'est pas constant; et à élever ainsi un vrai coupable aux honneurs de l'innocence, pour le dérober | à une peine qui leur paraissait excessive.

Quel remède, ou plutôt quel préservatif opposer à un abus si pernicieux et si général?

Pour les crimes punis de mort, ou de travaux forcés à perpétuité, ou de la déportation, ce remède se trouve dans le pouvoir attribué au gouvernement, ou de faire grâce ou de commuer la peine, soit en vertu de son droit propre, soit sur la recommandation du jury où du juge, ou d'autoriser le condamné, d'après la régularité de sa conduite, à demander à la justice elle-même le terme de son châtiment.

La relégation à temps est plus naturellement applicable à ceux pour qui la perte d'une partie, des relations de société, des jouissances qu'elle donne, des droits qu'elle assure, est une peine rigoureuse.

Comme la loi ne peut distinguer les individus par leur caractère et leurs penchants, c'est l'état des personnes et la nature des crimes qui, renseignant le principe de l'action, doivent servir à diriger la détermination des peines.

Les délits anticonstitutionnels,

Les attentats à la liberté et aux droits politiques des individus, par les agents de l'autorité ou les fonctionnaires publics, seront convenablement punis par la relégation, qui, sans opérer précisément l'infamie légale, emporte néanmoins l'interdiction perpétuelle de l'exercice des droits civiques. 10. VII. Heureux, avons-nous dit, les peuples où la honte seule, la perte de l'honneur et de la considération, la crainte de rencontrer dans les yeux de ses concitoyens des signes de mépris ou d'une opinion défavorable, sont une

A l'égard des crimes punis de peines temporaires, l'abus sera prévenu par un autre sys-punition redoutée ! tème de pénalité, qui, pour chaque fait, embrassant une certaine latitude, accordera aux tribunaux assez d'indépendance pour consulter leurs sentiments et leurs lumières, pour mesurer le châtiment sur le degré de l'immoralité du coupable ou des dangers du crime, bien que la loi n'en eût pas fixé la nature, d'après des circonstances précisément aggravantes ou atténuantes.

Pour tous les crimes condamnés aux travaux forcés à temps le juge pourra les ordonner pour vingt années au plus, ou les réduire à dix ans, ou les régler, selon sa justice, entre ces deux limites.

Là, les fautes seraient peu fréquentes, les délits assez rares, les crimes un événement extraordinaire; là, le tribunal de l'opinion suppléerait presque à tous les autres; en prononçant l'infamie, la loi ne ferait que proclamer le jugement déjà porté par tous, et presque toujours elle serait assez répressive.

A des peuples où ces idées morales sont presque effacées, du moins pour cette classe pervertie qui infecte la société de ses crimes, il ne reste guère que les peines corporelles.

Sans doute elles entraînent l'infamie, inséparable des actions naturellement infâmes; mais leur principale force, sur cette classe, elles la

tirent de ce qu'elles ont d'afflictif ou de pénible | freins les plus salutaires qui aient été imaginés pour le corps. pour contenir les brigands qui désolent la société.

Ainsi, jusqu'à des circonstances plus favorables, nous réservons la peine simple de l'infamie à la seule classe de ceux qui, placés dans des états où l'on ne peut se passer de l'opinion et de l'honneur, sont, par éducation, par habitude, par besoin, sensibles à la perte de ces biens, et qui ont commis des crimes produits par la bassesse.

11. — VIII. Il a existé parmi nous une espèce particulière de peine, accessoire aux autres peines afflictives perpétuelles ou temporaires.

Depuis la révolution, elle a été abandonnée par une fausse considération, tirée du caractère de perpétuité qu'elle présente et qu'on voulait abolir, et de la belle idée morale de la réhabilitation.

Mais l'usage en doit être resserré dans des bornes raisonnables. Les peines perpétuelles, et la peine afflictive des travaux forcés, sont les seules auxquelles la flétrissure puisse être ajoutée.

12. IX. Dans l'ordre du Code pénal, à la suite des peines afflictives ou infamantes, de la peine simple d'infamie, de la relégation, vient la peine de forfaiture, qui consiste dans l'interdiction de l'exercice des droits de cité, et des fonctions publiques, pendant un temps déterminé.

Cette peine s'applique aux juges ou aux autres fonctionnaires publiques qui, dans l'exercice de leurs fonctions, ont contrevenu aux lois Je veux parler de la marque ou flétrissure. Un constitutionnelles, ou ont dépassé les limites de sentiment vague de la dignité de l'homme iuspire leurs pouvoirs, en usurpant celui qui ne leur de la répugnance pour ce châtiment, qui signale est pas délégué, ou ont paralysé la force ou susla personne d'une empreinte d'esclavage et d'i-pendu l'action de la puissance publique, par des gnominie, destinée à être ineffaçable. démissions combinées, ou ont prévariqué par haine ou par faveur.

L'espérance, ou du moins l'idée d'un retour possible à la vertu, et d'une réhabilitation accordée au repentir, paraît donner un nouveau motif à cette répugnance.

Si l'on pense néanmoins que la vraie dégradation vient du crime, que la réhabilitation, fruit tardif d'une conduite pure et longtemps soutenue, serait d'autant plus honorable, qu'elle succéderait à un plus profond abaissement, et que l'intérêt pour un coupable véritablement réformé croîtrait en proportion de la sévérité de la punition qu'il aurait subie, on n'attachera pas beaucoup d'importance à ces considérations.

La corruption entraînera d'autres châtiments. Il ne se présente sur cet objet que deux observations importantes.

La première, c'est que la peine de forfaiture, jusqu'à présent bornée aux juges, doit être étendue à tous les fonctionnaires.

La seconde, c'est qu'à l'égard des délits anticonstitutionnels et des excès de pouvoir, avant de les en déclarer coupables et de les punir, on doit épuiser tous les moyens de les avertir, de les rappeler à l'ordre légal, de s'assurer si leurs écarts sont l'effet de la prévarication, ou seulement de l'erreur.

Il importe aux citoyens que les principes de la constitution et de l'ordre social ne soient pas violés, ou que la violation en soit efficacement réprimée et réparée par de suffisantes indemnités.

Si l'on examine ensuite la chose en elle-même, on reconnaîtra que la flétrissure est l'un des châtiments qui font la plus vive impression sur des hommes grossiers; qu'elle préviendra le scandale affligeant des irrévérences et de l'impudeur de malfaiteurs déhontés, au moment même où la loi les expose à l'ignominie publique ; que Mais, ce qui n'est pas moins important, cette marque, enfin, en donnant un moyen, or- l'ordre général est intéressé à ce que les ménagedinairement facile, de reconnaître ceux qui déjà ments, les égards, le respect pour les déposiont été frappés par la loi, est le plus puissant taires des différentes autorités, soient maintepréservatif contre les récidives; qu'enfin elle n'a nus, et que des plaintes indiscrètes ou des rien d'injuste et qu'elle est utile, double carac-rigueurs précipitées ne viennent pas troubler, à tère qui décide toujours de la bonté des lois cri- chaque instant, le pénible et délicat exercice minelles. des fonctions nécessaires au mouvement de la chose publique.

Le législateur ne doit pas balancer à rétablir cette peine, et la société ne tardera pas à en recueillir les fruits.

Pour un seul qui, sur dix mille peut-être, éprouvera l'amertume de porter encore, dans le sein des bonnes mœurs, auxquelles il sera revenu sincèrement, un signalement de crime et de honte, la raison politique et l'intérêt général ne permettent pas de briser sans retour l'un des

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13. X. Dans les Codes criminels de la plupart des nations, les dispositions pénales, qui ne devraient avoir pour fondement que l'intérêt de tous et le maintien de la paix publique, ont été souillées par l'avidité fiscale.

Les crimes y sont pour l'État une source de revenu; et l'on dirait qu'on a voulu que l'intérêt éminent d'épurer les mœurs y fût combattu

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