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était fort négligée (1). Les fils de Charles Martel, et principalement Pepin, commencèrent à rétablir la discipline ecclésiastique dans les Gaules. Charlemagne, fils de Pepin, lui succéda dans ce pieux dessein, ainsi qu'à sa couronne. Louis-le-Débonnaire continua; et tous ensemble réformèrent en quelque façon l'Église des Gaules, qui défendait aux évêques et aux autres ecclésiastiques de porter les armes; mais il leur fut ordonné d'envoyer les troupes qu'ils étaient obligés de fournir, par leur avoué ou gonfanonier, comme je l'ai déjà remarqué. Sous Charles-le-Chauve, les prélats reprirent les armes, pour arrêter les courses des Normands, peuples païens, et qui se faisaient une religion de ruiner les lieux sacrés, de profaner les choses les plus saintes, et d'exterminer tous les chrétiens, principalement les ecclésiastiques. Médoin, évêque d'Autun, commanda une des armées qu'on leur opposa dans l'Aquitaine, Gauzelin, évêque de Paris, signala (2) sa bravoure pendant le siége de Paris par les Normands (3). Angesise, évêque de Troyes, défendit courageusement cette ville contre les mêmes Normands, qui furent obligés de lever le siége. Il s'en fit ensuite souverain, et en fut chassé par

(1) Concil. Gall., t. 1, p. 530 et seq. Soc. Bened. 3, præf., etc., p. 563, et alib., pass.

(2) En 880.

(3) Abbo, monac., Carm. de Obsid. Paris. Bouchet, Preu. de l'orig. de la mais. de France.

le comte Robert, de la maison de Vermandois (1). Je passe les autres exemples, qui sont en très-grand

nombre.

Après le démembrement de la monarchie, arrivé en 888, plusieurs évêques s'assurèrent de leurs villes épiscopales, et y usurpèrent les droits régaliens. Ils s'en emparèrent aussi dans les terres qui appartenaient de droit à leurs églises. Et depuis ce temps jusqu'au quatorzième siècle, il n'est plus rare de voir les évêques, à la tête de leurs troupes, combattre leurs ennemis ou ceux de l'État.

Les autres ecclésiastiques se laissèrent aussi aller à ces désordres; et il n'y eut que ceux qui avaient de la piété et du zèle pour l'ancienne discipline, qui ne s'y précipitèrent point.

XVIII. Enfin, si les canons défendaient aux évêques. d'aller à la guerre pour attaquer l'ennemi, ils leur permettaient d'y suivre le roi; et même le concile de Francfort (2), défendant aux évêques d'aller à la guerre, consent et permet que le prince en ait un ou deux avec des chapelains et des prêtres, pour faire l'office divin, et ordonne que chaque chef ait un aumônier, pour confesser les soldats et administrer les

sacremens.

Sous toute la première race, il fallait, de nécessité, qu'il y eût un évêque à l'armée lorsque le roi la com

(1) Cron. S. Petr. Vivi. senon., p. 724 et seq.

(2) Conc. Franc., t. 7. Conc. Hist. de la chapelle du roi, p. 555.

mandait en personne; ce qui arrrivait, pour l'ordinaire, parce que le grand-aumônier, ou apocrisiaire, était toujours évêque, et que les évêques remplissaient alors tour à tour cette dignité, qui n'était point une charge attachée à un seul évêque, mais à tous les évêques. Il était de toute nécessité que cet apocrisiaire suivît la cour, parce qu'il était en même temps le juge de tous les ecclésiastiques de la suite du roi; qu'il connaissait des affaires du roi, et qu'il était le rapporteur des grandes auprès du monarque (1).

Sous la seconde race, cette grande dignité devint une charge attachée à une seule personne, qui n'était pas toujours prise dans l'ordre des évêques, mais quelquefois dans celui des abbés, dans celui des prêtres, et quelquefois même dans celui des diacres (2):

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En préparant une seconde partie pour mon Histoire de la guerre, et un Commentaire sur les Enseignes d'armée des principales nations du monde, qui est imprimé (2), l'obligation où je me suis trouvé de rechercher l'origine des différentes milices qui se sont vues en France, et le temps où chacune d'elles a paru, m'a fait faire une remarque qui, étant propre à éclaircir l'origine de chacun des corps dont la maison du roi est composée, m'a déterminé à écrire cette Dissertation, que je ne crois pas sans intérêt.

Il semble que les rois, en se donnant des gardes, aient eu l'attention de mettre dans cette garde une compagnie de chaque sorte de milice par eux instituée. Si cela est, ce qui les a engagé à le faire, c'était afin que tout service de guerre fût également honorable, et pour prévenir la jalousie qu'auraient pu prendre

(1) Extr. du Mercure de France de mai 1743.

(2) On trouvera plus bas, dans le chapitre courant, un extrait de ces recherches sur les Enseignes. (Edit. C. L.)

les militaires exclus de cette garde, contre ceux de leurs semblables qui en auraient été. Je vais en donner des preuves; et pour les établir avec ordre, je commencerai par dire, en peu de mots, en quoi a consisté la garde des rois depuis le commencement de la monarchie, jusqu'à ce que la maison militaire du roi, telle qu'elle est aujourd'hui, ait été instituée.

Le peu d'endroits de l'histoire où il soit parlé de la garde de nos premiers rois, laisse volontiers douter que cette garde ait été aussi stable et aussi nombreuse qu'elle a semblé, à quelques auteurs modernes. Il ne paraît point que les rois qui se trouvaient au champ-de-mars de chaque printemps (ce qui était presque la seule sortie d'appareil qu'ils fissent), y fussent avec des troupes affectées à les garder, autres que celles qui se trouvaient à ce champ, et qui étaient une partie des forces de la nation. Si les rois Chilpéric I et Childéric II eussent été régulièrement gardés, ils auraient peut-être évité le sort qu'ils éprou→ Coll

vèrent.

La majesté demandait cependant que nos monarques eussent des gardes; mais il se pouvait faire que les personnes destinées à leur en servir, composassent plutôt une garde de parade qu'une garde de défense: une semblable garde était plus propre à relever l'éclat de la souveraineté qu'à laisser apercevoir que le souverain fût gardé.

Les rois se reposaient de leur sûreté sur l'amour de leurs sujets; et s'il arrivait qu'ils eussent quelque raison pour se précautionner, ils prenaient des soldats par

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