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que

éleva son grand-chambellan, Enguerrand de Marigny, à la dignité de surintendant, ou directeur-général des finances. Il paraîtrait d'ailleurs que les baillis, qui étaient des officiers de justice, participèrent long-temps à l'administration des finances. On a vu les ressources de nos anciens rois consistaient principalement dans les revenus de leurs domaines, les amendes, et les présens qui leur étaient faits en diverses circonstances. Les recettes, suivant Bertin (1), en étaient divisées par bailliages, comme elles le sont aujourd'hui par généralités, et les bailliages se subdivisaient en prévôtés, dans chacune desquelles il y avait une recette particulière. La preuve s'en trouve dans tous les comptes du treizième siècle, et particulièrement dans le compte général de l'an 1202, rapporté par Brussel, où les comptes particuliers sont rangés sous ces deux titres: Præposituræ, Bailliviæ. C'étaient les baillis qui étaient chargés de ces recettes, et qui en comptaient à la chambre. Elles consistaient non seulement dans la recette des exploits, amendes, confiscations, forfaitures des biens des champions vaincus en duel, ou des filles de mauvaise vie; des aubaines, déshérences, bâtardises, main-mortes et for-mariages; des mairies, des fermages de métairies non compris dans les baux des prévôtés; des bois, forêts, vignes et carrières; des dîmes seigneuriales, et autres redevances en nature;

(1) Dissertation sur les bailliages royaux, dans les Mém. de l'Acad. des inscriptions et belles-lettres.

des rentes en argent, cens, rachats, reliefs, profits de fiefs, régales des évêchés, quint-denier de manumissions faites par les vassaux, et droits de francs - fiefs et de nouveaux acquêts des gens de main-morte; des sommes payées pour le renouvellement de priviléges des monnaies; du droit de procuration, ou gîte; du prix de la vente des abeilles trouvées errantes; des sommes prêtées par le haut seigneur à des princes, même à de simples gentilshommes, ou pour lesquelles il leur avait donné répit, ce qui devint fort commun depuis le milieu du treizième siècle; des Juifs, en un mot, de tout ce qui n'était point compris dans les baux des prévôtés de France: mais c'était aussi la recette de toutes les impositions extraordinaires que le haut seigneur faisait sur ses sujets, à titre de taille, d'ost, de subside, de don gratuit, ou de prêt. C'était aussi, dans bien des provinces, telles que le Perche, l'Anjou, le Maine, la Touraine, le Poitou, l'Auvergne, le pays d'Aunis et le Mâconnais, le bailli qui se chargeait, en recette, du prix de la ferme de chaque prévôté de son bailliage. Il est bien vrai que cet usage n'était pas général, et que les comptes de 1202 nous apprennent que les prévôts-fermiers rendaient compte de leur prévôté au roi, et non au bailli dans le ressort duquel ils étaient. Mais comme c'étaient les baillis qui affermaient les prévôtés, il en résulte naturellement qu'on entendait par bailliage, l'administration des finances d'une province (1). Depuis que Fran

(1) Bertin, ubi suprà.

çois Ier, en 1542, a partagé le royaume par généralités, les recettes des finances et des domaines ont suivi cette division. C'est à cette même époque que le titre de surintendant, prévalant sur tous ceux qui avaient servi à désigner les administrateurs-généraux des finances, est devenu la qualification exclusive de ces fonctionnaires, et s'est maintenu jusqu'à la disgrâce de Fouquet.

Cependant, si nous comparons l'autorité et les fonctions qu'on a attribuées à cette charge, depuis le règne de Henri IV, nous y trouverons une grande différence; car dans les premiers temps, c'est-à-dire sous le règne de François Ier, les fonctions des surintendans étaient comprises dans celles des intendans; et il semble que c'était plutôt un titre d'ancienneté que de supériorité, à peu près comme le titre de doyen des maîtres des requêtes était à l'égard de ses collègues. Sous Henri IV, cette qualité fut extrêmement relevée. M. d'O en était pourvu en 1594. Après sa mort, de Sancy prétendit à cette place; mais Mme de Liancourt, qui était en faveur, et dont il avait mal parlé, rompit son dessein. Le roi, par un règlement du 26 novembre 1594, supprima la charge de surintendant, et établit un conseil de finances composé de huit personnes, qui étaient : Le duc de Nevers,

Le chancelier de Chiverni,
De Bellièvre,

De Schomberg,

De Sancy,

De Fresne,

De la Grange-le-Roi,

Le duc de Retz.

La liste indique aussi le connétable; mais ce n'est que par honneur pour sa charge. Sully, dans ses Mémoires, y ajoute M. de Maisse.

Entre ces huit personnes, MM. de Fresne et la Grange-le-Roi eurent charge du roi et de la compagnie, de dresser des règlemens pour l'administration et le ménagement des revenus et deniers royaux, ce qu'ils exécutèrent. Cependant, comme Sancy avait beaucoup de crédit auprès du roi, il s'en servit pour usurper l'autorité dans ce conseil, comme s'il en avait été le chef et seul surintendant.

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avait alors huit intendans, et autant de contrôleurs-généraux des finances. Le nombre en étant trop grand, il fut réduit à quatre pour le conseil, et les autres pour la province, d'où peut-être est venue l'origine des commissaires que le roi envoie dans les généralités, et qu'on appelle intendans. La même règle s'observait sous Charles V: des trésoriers qui existaient alors, un restait auprès du roi, et les deux autres étaient envoyés dans les provinces.

Au commencement de l'an 1596, le roi espérant être mieux servi d'un seul que de ce grand nombre d'intendans et de contrôleurs-généraux des finances, qui le faisaient, disait-il, mourir de faim, tandis que leurs tables étaient servies avec opulence et délicatesse, il créa M. de Rosni surintendant; ce qui ne fut pas exécuté d'abord, par la considération que le

roi eut pour tant de personnes qu'il ne voulait pas désobliger. Il se contenta d'admettre, sur la fin, Rosni au conseil des finances, et M. de Villeroi lui délivra les expéditions de l'acte.

En mars 1597, Rosni fut établi surintendant, et aussitôt après il fit supprimer les huit intendans, avec promesse de les rembourser. A leur place il en fit pourvoir deux seulement, savoir : le sieur de Maupeou, maître des comptes, et le sieur de Vienne, un des huit supprimés, par ordre du roi. A la recommandation de la duchesse de Beaufort, le roi voulait lui donner pour collègue le président Jeannin, mais Rosni eut l'adresse d'éluder ce dessein.

Après sa retraite, sous la minorité de Louis XIII, il fut établi un conseil de direction des finances, composé de Châteauneuf, le président de Thou, Jeannin, qui était aussi contrôleur - général des finances, de Maupeou, Arnault, Bullion, et Dollé.

Ensuite, le président Jeannin fut fait seul surintendant des finances. Mais quelque temps après, cette charge fut partagée entre deux, par le règlement du 24 décembre 1624, dont voici les dispositions:

« Le roi voulant pourvoir à ce que ses finances « soient administrées avec le soin, l'application et « la diligence que les excessives dépenses de la guerre

présente requièrent, et à ce que ses sujets reçoi<< vent autant de soulagement que le bien de son << royaume et la nécessité de ses affaires le peuvent "permettre, après avoir considéré que les imposi<<< tions que Sa Majesté est obligée de faire lever en

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